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La mort du roi d'Angleterre Henri II Plantagenêt à Chinon

Quand : 7 juillet 1189

Château et tour de l'Horloge | Jean-Christophe BENOIST / CC-BY-SA
Château de la Loire Château Trésor Richard Cœur de Lion Château de Chinon

Le Chinon des Plantagenêts

La forteresse de Chinon a été la résidence préférée d’Henri II d’Angleterre.

D’abord fief des puissants comtes d’Anjou (des vassaux du roi de France), Chinon passe au comte Henri Plantagenet.

  • Par sa mère Mathilde, il est l’arrière-petit-fils de Guillaume le Conquérant.
  • Par son père, il descend des comtes d’Anjou : son paternel Geoffroy est le premier, à prendre le surnom de Plantagenet !

Henri II, devenu roi d’Angleterre en 1154, acquiert de nombreux fiefs, grâce à son mariage avec Aliénor d'Aquitaine. Dont Chinon !

Il y séjourne souvent, fait notamment entreprendre la construction de la tour du Trésor.

La retraite du vieux roi acculé

C’est un Henri usé, malade, qui meurt au cœur de sa forteresse chinonaise, le 7 juillet 1189.

Abandonné de tous. Trahi par ses fils, Jean sans Terre et Richard Cœur-de-Lion, qui se sont rebellés...

Acculé dans sa cité du Mans assiégée par Philippe Auguste et Richard Cœur de Lion, le 12 juin 1189, Henri doit battre en retraite.

D’abord la Normandie, jusqu’à Alençon ; cap ensuite sur sa forteresse de Chinon. C’est là qu’il apprend le coup fatal. Le couteau dans le cœur... son fils cadet, Jean sans Terre, s’était rallié à la révolte de ses frères...

Henri succombe à une hémorragie consécutive à un ulcère perforé, au cœur de l’ancienne chapelle castrale Sainte-Mélaine, aujourd’hui disparue. Il avait 56 ans.

La mort d'Henri II d'Angleterre

On trouve le récit de la mort d’Henri II relaté par Guillaume le Maréchal, chevalier anglo-normand, dernier fidèle du vieux roi face à ses fils.

On trouve la traduction du texte dans Chrestomathie du Moyen Age (1897) :

« Quand le roi Henri entendit que celui sur qui il avait le plus compté, et pour qui il avait le plus d'affection le trahissait (son fils Jean, ndlr), il ne dit rien, si ce n’est : "Vous en avez dit assez." Alors, il se retourna sur sa couche ; son cœur devint brûlant, son sang se troubla, il changea de couleur : il devint noir, puis bleu, puis pâle. Sa douleur fut si forte, qu’il perdit complètement connaissance ; il n’entendit plus rien, ne vit plus rien. Ces souffrances durèrent jusqu’au surlendemain. Il parlait, mais personne ne pouvait comprendre ce qu’il disait. Son sang se glaça dans ses veines, et la mort, sans qu’il fût possible de l’arrêter, lui creva le cœur de ses mains après l'avoir fait beaucoup souffrir. Un jet de sang figé lui jaillit du nez et de la bouche. Celui que la Mort attaque si cruellement ne peut lui résister. »

Les funérailles

Fontevraud ou Grandmont ?

Le lendemain de la mort du vieux roi, le cortège funèbre se met en marche vers l'abbaye de Fontevraud, pour y être inhumé le 8 juillet 1189.

Son corps, placé sur une litière, est revêtu des habits royaux : couronne sur la tête, mains gantées, un anneau d’or au doigt, le sceptre entre ses mains, des chaussures tissées d’or aux pieds, le glaive à la taille.

Mais Fontevraud n’était pas le vœu initial d’Henri ! Lui voulait reposer à l’abbaye de Grandmont, en Limousin.

Il avait même fait, dès 1170, envoyer des ouvriers anglais, afin d’aménager sa future tombe.

Mais Chinon est trop éloigné de Grandmont, et l’été 1189 exceptionnellement chaud : le corps n’aurait pas supporté le long voyage !

C’est Fontevraud, plus proche, que l’on choisit à la place.

Quelques aromates, c'est tout !

Alain Erlande-Brandeburg, dans Le roi est mort : étude sur les funérailles, les sépultures des rois de France jusqu’à la fin du 13e siècle (1975) indique qu’au 12e siècle, on éviscère les corps des rois anglais afin de les embaumer, et on les bourre d'aromates.

Quid d’Henri II ? À l’image de son fils, Geoffroy Plantagenet, mort à Paris en 1186, le corps est rempli d’aromates... point barre ! La raison ?

Le peu de distance séparant le lieu de sa mort de celui de son inhumation (à Notre-Dame de Paris), qui ne nécessitait ni embaumement, ni éviscération.

Idem pour Henri II !

Il fallait que ça arrive !

À l’annonce de la mort d’Henri Plantagenet, les chroniqueurs anglais y voient le signe d’une malédiction.

Cette mort brutale devait arriver ! Tous évoquent, au choix :

  • une punition divine envoyée parce qu’Henri a fait assassiner l’évêque Thomas Becket, dans son église de Canterbury ;
  • un châtiment divin dû à son remariage avec Aliénor d’Aquitaine, considérée comme bigame ;
  • le fait qu’Henri soit un descendant du diable : oui, un de ses ancêtres se disait descendre de la diabolique et légendaire Mélusine !

Dépouillé, sur la table

À peine la mort d’Henri survenue, ses serviteurs pillent son cadavre, le dépouillent.

Ils lui prennent tous ses objets de valeur, ses bagues, jusqu’à ses vêtements, le laissant pratiquement nu, à peine vêtu d’une chemise courte !

Son corps laissé à même la pierre de la chapelle Sainte-Mélaine du château de Chinon.

Guillaume le Maréchal, fidèle compagnon d'armes d'Henri II, fait finalement couvrir le cadavre...

La cruentation

Richard Coeur de Lion arrive à Chinon le soir de la mort de son père. Il se rend dans l’église du château, s’agenouille en silence près du corps en priant.

À peine le fils rebelle s'approche de la dépouille de son paternel, que le sang se met à couler du nez de celui-ci !

Violemment, sans s'arrêter ! Il coulera tant que Richard n'aura pas quitté la salle...

Ce phénomène s’appelle la cruentation.

Au Moyen Age, on croyait qu’en présence de son meurtrier supposé, le cadavre d’un homme assassiné se mettait à saigner, si culpabilité il y avait !

Sources

  • Jean-Robert Masson. Guide du Val de Loire mystérieux. Éditions Tchou, 1968.
  • Charles T. Wood. La mort et les funérailles d'Henri II. Traduction de Marie-Hélène Bradley dans Cahiers de Civilisation Médiévale. 1994.
  • Malo Richard. Article en ligne du quotidien La Nouvelle République. Chinon : le fantôme d'Henri II Plantagenêt hante toujours la forteresse royale. 01/11/2021.
  • Louis Courajod. Les sépultures des Plantagenets à Fontevrault (1189-1867). 1867.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !