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Mon plus beau chef-d'oeuvre, c'est mon jardin : Monet à Giverny

Quand : 1890

Giverny | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA
Maison Jardin Maison de Claude Monet

On vous emmène en balade dans les jardins de Giverny, par un petit matin de fin d'été, entre brume et soleil éclatant...

« En dehors de la peinture et du jardinage, je ne suis bon à rien. Mon plus beau chef-d’œuvre, c'est mon jardin » aimait à dire Monet, le créateur du paradis de Giverny !

Bienvenue chez Monet, le jardinier

Imaginez croiser le peintre, 83 ans, au détour d'une des allées du jardin de Giverny...

On lit dans La vie de Claude Monet de Marthe de Fels (1929) :

« Grand, droit, sec, avec sa longue barbe blanche et sérieuse de pasteur, il regardait fixement, du fond de sa sérénité mêlée de bienveillance. Ses yeux malades demeuraient curieux et limpides comme des yeux d'enfant. Il s'habillait avec une certaine recherche : costume de toile, pantalon large serré au bas par des boutons, chemise de batiste plissée au col et aux manchettes et qui mettait en valeur l'esprit de ses mains calmes et fines. Un grand chapeau de planteur, en grosse paille tressée, complétait cet ensemble. »
Monet jardinier

Monet jardinier | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

Un gros ennui

Monet ? Son jardin ? C'est sa vie !

Son bébé, sa création ultime qu'il aime comme son propre enfant. Qui lui donne bien des soucis, aussi, comme tout enfant qui se respecte !

Tenez, voilà ce que raconte La vie de Claude Monet de Marthe de Fels (1929)...

« Un jour, M. Raymond Kœchlin (journaliste, ndlr) l'aperçoit dans son jardin, la figure complètement décomposée, l’œil fixe, les vêtements en désordre et marchant de long en large comme une bête traquée.
- Eh bien, mon pauvre Monet, qu'est-ce qu'il y a ? Vous avez un gros ennui ? Mais parlez-moi. Qu'avez-vous ?
- Rien. Rien, lui dit Monet. Je vous dis : rien.
Enfin Monet s'arrête un instant et s'écrie brusquement :
- Eh bien, voilà. C'est affreux ! Il y. a eu un cyclone hier. Deux arbres. de mon jardin sont morts. Vous entendez : deux arbres ! Eh bien, voilà ! Ce n'est plus mon jardin…
Et il reprend ses allées et venues en marmottant : « Ce n'est plus mon jardin. Ce n'est plus mon jardin. »
Giverny

Giverny | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

Giverny

Giverny | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

Le jardin d'eau

Pour son jardin d'eau, avec ses saules pleureurs, bambous et mythiques nymphéas, Monet détourne le cours de la rivière l’Epte dès 1893 (soit 10 ans après son arrivée).

Une tâche énorme, qu'il décrit à Gustave Geffroy en 1908 :

« Sachez que je suis absorbé par le travail. Ces paysages d’eau et de reflets sont devenus une obsession. C’est au-delà de mes forces de vieillard et je veux, cependant, arriver à rendre ce que je ressens. J’espère que de tant d’efforts, il sortira quelque chose. »

Le 22 juin 1890, il écrit encore :

« J'ai repris encore des choses impossibles à faire : de l'eau avec de l'herbe qui ondule sur le fond. C'est admirable à voir, mais c'est à rendre fou de vouloir faire ça. Enfin je m'attaque toujours à ces choses-là. »
Giverny

Giverny | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

Giverny

Giverny | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

Nymphéas et cataracte

Monet évoque ses nymphéas, comme on peut le lire dans le livre À Giverny, chez Claude Monet (Marc Elder, 1924) :

« J'ai mis du temps à comprendre mes nymphéas, je les avais plantés pour le plaisir, je les cultivais sans songer à les peindre. Un paysage ne vous imprègne pas en un jour. Et puis tout d'un coup, j'ai eu la révélation des féeries de mon étang. J'ai pris ma palette. Depuis ce temps je n'ai guère eu d'autres modèles. »
Nymphéas (Monet, 1915)

Nymphéas (Monet, 1915) | ©Neue Pinakothek / CC-BY-SA

Monet commence sa série des Nymphéas en 1895.

Mais à cause de sa cataracte, il voit les couleurs « odieusement fausses. »

Un ciel bleu devient brusquement jaune ! Mais il refuse l’opération, à laquelle il se résignera enfin en 1923.

Écoutons-le raconter...

« Je ne percevais plus avec la même intensité les couleurs, je ne peignais plus avec la même justesse les lumières. Les rouges m'apparaissaient boueux, les roses fades, et les notes intermédiaires ou plus basses de ton m'échappaient. Quant aux formes, elles m'apparaissaient toujours aussi nettes, et je les fixais avec la même décision. J'ai voulu tout d'abord m'entêter. Que de fois, près du petit pont, à l'endroit même où nous sommes, je suis resté de longues heures sous les soleils les plus durs, assis sur mon pliant, à l'abri de mon parasol, m'astreignant à reprendre ma tâche interrompue et à retrouver la fraîcheur évanouie de ma palette ! Vains efforts. Je peignais de plus en plus culotté, de plus en plus vieux tableau et quand, l'essai terminé, je le comparais aux travaux d'autrefois, j'étais pris d'une rage folle, et je lacérais de mon canif toutes mes toiles. »
Giverny

Giverny, le clos normand | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

Giverny

Giverny, le clos normand | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

Le clos normand

Monet dit encore :

« Mon jardin est une œuvre lente, poursuivie avec amour. Et je ne cache pas que j'en suis fier. Quand je suis venu m'installer ici, il n'y avait rien qu'une maison de paysan et qu'un pauvre verger. »

Un verger, oui !

Car nous voici maintenant dans un des deux jardins de Giverny, le clos normand, qui complète à merveille le jardin d'eau.

Devant la jolie maison au crépi rose, ce verger aux allées rectilignes est un feu d'artifice de couleurs, une vraie palette de peintre : s'y mêlent et s'entremêlent roses, pommiers et cerisiers, asters, glaïeuls, pivoines, capucines...

Sources

  • Emma Cauvin, Matthieu Leglise, Pierre Wat. Les Nymphéas de Claude Monet : une anthologie critique. CNRS éditions, 2021.
  • Marthe de Fels. La vie de Claude Monet. 1929.
  • Marc Elder. À Giverny, chez Claude Monet. 1924.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !