Un bœuf qui beugle
C'est l'histoire d'un ruisseau répondant au joli nom de Bonheur, qui prend sa source au mont Aigoual.
À un moment donné, à Camprieu, il rentre dans le causse... et après avoir fait un parcours sous terre de près d'1 km, il ressort par une mince fissure (on se demande comment il fait) et se jette dans un cirque.
Quand l'eau du Bonheur est gonflée par les pluies, elle ressort par la fissure en faisant un bruit étrange, qui lui a donné son nom : bramabiau, c'est le « bœuf qui brame » en patois languedocien !
La première exploration
Martel remet le couvert
C'est encore notre spéléologue préféré, Martel, qui explore l'abîme pour la première fois, les 27 et 28 juin 1888.
Autant dire que Bramabiau va leur donner du fil à retordre, lui et ses amis : ils ne pensaient pas découvrir une surface aussi importante !
Ils commencent par explorer 1 km. Plus tard, notamment au début du 20e siècle, on découvre près de 7 km de galeries souterraines !
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Un abîme qui engloutit les humains
Martel doute au début que l'on puisse mener une expédition souterraine.
Il raconte que les gens du coin lui disent que certains d'entre eux ont déjà tenté la chose, mais à cause du fracas de l'eau, de la puissance du vent et de l'obscurité, ils ont rebroussé chemin.
Pire, ils lui racontent que les oiseaux s'égarent dedans : on ne retrouvait d'eux presque rien qu'un petit tas de plumes, quelques jours plus tard, à la sortie de l'abîme...
Sans parler des suicides et des accidents, des corps que l'on n'a jamais revus !
Comme celui d'un certain Vidal, surnommé La Trouche.
Le 7 février 1888, il disparaît à proximité du gouffre. On pense vite que le Bramabiau est devenu son tombeau... et que l'on ne retrouvera jamais son corps !
Martel raconte qu'en juin de la même année, lors de son exploration, il est incommodé par une forte odeur de corps décomposé.
Celui de Vidal ? On découvre en tous cas les restes d'un homme quelques mois plus tard, un peu plus loin...
Le récit de l'exploration
Brrr ! Pas bien encourageant, tout cela, doit penser Martel !... qui ne se défile pas pour autant, et décide d'aller voir par lui-même.
Avec une équipe d'une dizaine d'hommes (dont son ami Louis Armand, le « découvreur » de l'aven Armand), il descend dans les entrailles du Bramabiau...
Le procès-verbal de l'exploration, racontée dans le livre de Martel Les Cévennes et la région des Causses, rapporte : avec leur bateau démontable, les voilà qui entrent par la sortie du Bramabiau « jusqu'à 200 m environ de distance au sud-est de la deuxième cascade, visible de l'extérieur. »
Ils franchissent deux cascades intérieures.
Mais à cet endroit, « une troisième chute d'eau intérieure infranchissable pour le bateau » les empêche d'aller plus loin.
Le lendemain, ils tentent de descendre les cascades, à 8 h du matin.
« Entrés par l'avant-dernière fissure, qui s'ouvre dans la grotte située en retour d'équerre du grand tunnel du Bonheur, au-delà de la perte des eaux », ils arrivent sur les coups de 10 h à une rivière souterraine, après avoir crapahuté à travers plusieurs salles.
Là, il faut marcher dans l'eau.
La marche est longue, difficile, pénible, car le lit de la rivière peut être peu profond par endroit, mais par moment, il faut avancer sur « des corniches latérales au-dessus de bassins très creux »...
Ils arrivent finalement là où, la veille, le bateau s'était arrêté à la cascade.
Puis une heure après, ils ressortent à l'air libre... On dit que cette exploration a été l'acte de naissance de la spéléologie !