Le chevalier immortalisé
Si le pauvre chevalier voyait cela, lui qui a rendu de si fiers services à Marseille, lord de son épidémie de peste de 1720 !
Sa statue coincée dans un triste petit square, entre des immeubles modernes...
Il faut dire qu'autrefois, avant son déménagement ici en 1959, son effigie se trouvait dans le quartier de la Tourette.
Et elle était nettement plus majestueuse...
On doit ce buste au sculpteur marseillais Jean-Baptiste Hugues, en 1880. Mais qui donc es-tu, Nicolas Roze ?
Généreux Marseillais !
La peste frappe
Celui que l'on surnommera « chevalier » naît à Marseille le 15 février 1671, issu d'une longue lignée de négociants.
Négociant lui aussi, il bourlingue aux quatre coins du monde.
Mais à son retour à Marseille, la peste est là qui frappe dans toute son horreur...
Ni une ni deux, Roze propose son aide aux échevins.
Des chèvres pour les orphelins
Comme on manque de place à l'Hôtel-Dieu, il crée celui de la Rive-Neuve.
Il vient visiter les malades tous les jours !
Il leur tend la main, leur parle, vérifiant s'ils sont bien soignés... enfin, « soignés », un bien grand mot, puisque l’on ne sait pas soigner la peste, à l'époque !
Il fait aussi dresser un gibet, pour montrer que l'ordre, c'est lui, maintenant : en temps de calamités, vous savez bien que tout part à vau-l'eau.
Ainsi, des voleurs pillent les maisons et le peu de nourriture qu'il reste. Roze les envoie à la potence !
Il prévoit tout : on raconte que pour nourrir les bébés orphelins, il fait venir des chèvres aux pis gonflés de lait !
Il dépense sa propre fortune, pour subvenir aux besoins des orphelins.
Le héros de la peste
Une odeur terrible
Mais Roze reste célèbre pour son dévouement lors de l'épisode de la Tourette : nous voilà en plein mois d’août 1720.
Il fait terriblement chaud, plus de 1 000 cadavres jonchent toute l’esplanade de la Tourette, depuis des semaines.
L'odeur, indicible, monstrueuse, fait défaillir.
Pourtant, il faut enterrer tous ces restes putrides, à tout prix !
C'est le seul endroit de la ville qui n'a pas encore été désinfecté.
Il faut faire vite... mais on ne sait plus où mettre les corps, tant il meurt de gens tous les jours !
Creuser, jusqu'à la mort
Alors, Roze propose quelque chose de fou : là, regardez, dit-il aux échevins.
On a des murailles flanquées de grosses tours. Sous ces bastions, il faut creuser de grandes fosses...
On va déplacer les corps à l'intérieur, et tout recouvrir de chaux !
Roze, aidé d'une centaine de bagnards à qui l'on a promis la liberté en récompense de leur service (s'ils en réchappent), traînent les corps dans les fosses.
Évidemment, tous les bagnards succombent... mais pas le chevalier, qui en réchappe de justesse.
Roze, héros de la peste marseillaise et rare noble à s'être dévoué corps et âme pour la survie de quelques-uns de ses compatriotes !
Source
- Auguste Laforêt. Souvenirs marseillais : la peste de 1720. 1863.