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Marie Anson ou la légende du château d'Alençon

Château d'Alençon : tour Couronnée à gauche | ©Patrick - Morio60 / Flickr / CC-BY-SA
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En deux mots

Avez-vous remarqué la tour Couronnée, qui fait partie du château d'Alençon ?

On raconte que la châtelaine Marie Anson y meurt assassinée de la main de son époux, le seigneur Renaud.

On voit, parait-il, le fantôme de la jeune femme errer certains soirs, au sommet de cette tour...

Zoom sur la légende de Marie Anson

Une dame isolée

Notre légende porte sur un (supposé) seigneur du château d’Alençon. Le voilà : il s’appelle Renaud.

Le sinistre époux de la dame nommée Marie Anson, qui a donné son nom à la légende. Parti à la guerre dans un pays lointain, il a laissé Marie seule.

Pendant cette absence, celle-ci subit les avances très poussées d’un homme amoureux d’elle. Elle l’ignore... superbement ! Entre temps, elle met au monde un garçon.

Trois anneaux d'or...

L’amoureux éconduit décide de se venger de la belle insolente !

Il parvient à lui voler ses trois anneaux d'or, pour en faire des copies, chez un argentier.

Puis il les porte à Renaud, lorsque celui-ci s'en revient de guerre, comme preuve ultime de l'infidélité de son épouse.

« Ta femme a mis au monde un fils, elle a fait de moi son amant… Je dis vrai, regarde, voilà ses trois anneaux d’or ! »

Renaud reste figé. Foudroyé. Avant de se mettre en route vers le château, tel un automate pétri de haine...

Une mort terrible

La mère de Renaud le voit arriver : il a l’air... hors de lui.

Marie suggère à sa belle-mère de lui amener leur fils. Leur fils ? Qui lui dit qu'il est le père ? Alors... Renaud tue le petit, en le fracassant à mêmes les pavés !

Il attache ensuite Marie à la queue d'un cheval qu’il lance au galop, dans le parc de la forteresse, la traînant au sol dans les ronces et la boue, jusqu'à la mort.

Marie, mourante, supplie Renaud d'aller constater que ses trois anneaux sont à l'abri dans son coffre. Ce qui est le cas.

Effondré, Renaud lui demande ce dont elle a besoin. Une aiguille, du fil, un drap... pour l'ensevelir, elle et leur fils !

L'âme en peine de Marie Anson

La pauvre Marie Anson aurait subi son martyre dans l'ancien parc du château : de là son nom de Dame du Parc.

Et de là, la prétendue apparition fantomatique qu'elle fait à minuit, sur les créneaux, sous la forme d'un fantôme vaporeux.

Avant de disparaître, avec un cri à vous glacer le sang...

Certains rapportent l'avoir vue la nuit, laver ses vêtements ensanglantés, dans les eaux sombres de la Briante, au pied de la tour Couronnée.

Château d'Alençon

Château d'Alençon | ©Patrick - Morio60 / Flickr / CC-BY-SA

Quelles sont les origines de la légende ?

On ne sait pas bien, à vrai dire !

Ce qui reste sûr, c’est qu’aucune Marie Anson, aucun seigneur Renaud n’ont jamais vécu à Alençon ou dans les environs.

Le nom d'Anson ? Oh, il n'est pas normand ! On ne le connaît pas, parmi les seigneurs ou le peuple.

Ailleurs qu'en Normandie, oui ! Notamment à Paris ou en Angleterre.

Alors... quelles sont les sources de notre légende ?

Mathilde, l’épouse du Conquérant

On pourrait faire un parallèle de l’histoire de Marie Anson avec celle de l'épouse de Guillaume le Conquérant : Mathilde de Flandre.

Le Conquérant la maltraitait, racontent les récits populaires.

Ainsi, un jour, de retour d'Angleterre, Guillaume « de chaude colère, attacha la dame par les cheveux à la queue de son cheval et la traîna de ce lieu jusqu'à l'autre côté de la ville... »

Guillaume II de Bellême

L’histoire de Marie rappellerait aussi les mauvais traitements du terrible comte de Bellême Guillaume II envers sa femme, Hildeburge, au milieu du 11e siècle.

Jusqu’à ce que ce mari, réputé violent et jaloux, la fasse assassiner.

Le chroniqueur Guillaume de Jumièges rapporte ainsi :

« Un certain matin qu'elle allait à l'église pour prier Dieu, Guillaume la fit subitement étrangler en son chemin par deux de ses parasites. »

D'autres membres de cette cruelle famille Talvas ont fait parler d'eux : à l'image de ce seigneur d'Alençon (jaloux, encore un), qui précipite sa femme (qu’il soupçonne d’adultère) du haut d'un rocher.

Vous remarquerez un point commun avec la légende de Marie Anson : ce même fond de violence, jalousie et soupçon...

Geneviève de Brabant

Geneviève est une héroïne populaire et légendaire du Moyen Age : son mythe a donné naissance à quantité d’œuvres !

La trame est à peu près la même, que pour Marie Anson, sauf son dénouement, moins sanglant.

Le seigneur Siffroi quitte son épouse, Geneviève, pour partir faire la guerre : il la confie à l’intendant Golo.

Vous devez savoir que la dame est tombée enceinte, quelques jours avant le départ de Siffroi... elle-même l’ignore encore !

Golo tente de la séduire, mais Geneviève refuse. Il se venge alors en affirmant à Siffroi que le fils à qui elle a donné le jour n'est pas le sien.

Siffroi ordonne de noyer mère et enfant. Golo livre les deux âmes à des domestiques, qui, au moment d’accomplir leur méfait, les prennent en pitié et les abandonnent dans les bois.

Geneviève survit dans la forêt, jusqu’à se retrouver des années plus tard nez à nez avec Siffroi, en pleine partie de chasse.

Son épouse lui raconte toute la vérité : Siffroi lui pardonne et fait exécuter Golo.

Un mélange d’histoires populaires

La légende de Marie Anson pourrait en fait venir d'un mélange de deux légendes :

  • l'histoire de Geneviève de Brabant ;
  • la légende Le Clerc de Rohan, publiée en 1846 dans le recueil de poèmes populaires bretons de La Villemarqué, Le Barzaz Breizh, que voici résumée.

Un seigneur parti à la guerre laisse son épouse et son enfant seuls. Un clerc, à qui il les a confiés, essaie de séduire la dame, en vain.

Sa réaction ? La vengeance ! Terrible. Il massacre le chien, le destrier préféré du seigneur, mais surtout, le petit enfant.

Avant d'écrire au seigneur que son épouse, partie au bal avec son amant, avait laissé leur fils sans surveillance, et qu’un cochon l’avait dévoré.

Quand le seigneur reçoit la lettre, il était sur le chemin du retour.

La rage l’aveugle !! Rentré au château, il tue le clerc, qui n’avait pas surveillé sa moitié, avant d’aller poignarder cette dernière, qui meurt sur le coup.

Un prêtre, témoin de tout depuis le début, raconte la vérité au seigneur, à propos de l’innocence de la dame. Mais il est trop tard…

Source

  • Discours de M. de La Sicotière : la légende de Marie Anson. Bulletin de la Société historique et archéologique de l'Orne. Janvier 1883.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !