Mariage royal à Saint-Jean-au-Marché

Henry et Catherine (Chroniques de St Denis, 15e s)Henry et Catherine (Chroniques de St Denis, 15e s) | ©The British Library / Public domain

Le traité de Troyes, prémices du mariage...

Puisque ce mariage est une des conséquences du traité de Troyes... commençons par évoquer ce traité, vous voulez bien ?

Un point, d'abord, sur la situation, en pleine guerre de Cent Ans.

Charles VI, englué dans des crises de démence de plus en plus costaudes, paraît bien incapable de régner.

Sa moitié, Isabeau de Bavière, assure la régence aux côtés du frère du roi Louis d’Orléans et de Jean sans Peur, son cousin. Mais des oppositions surgissent sur la manière de gouverner.

Jean sans Peur est bientôt assassiné par les partisans du dauphin.

Aaaah, le dauphin. Futur Charles VII de France ! Le petiot est accusé du meurtre du Bourguignon Jean ! Et complètement écarté du pouvoir par sa propre mère !

Le meurtre va engendrer une guerre civile entre Bourguignons et Armagnacs, le parti du dauphin.

Face à une France déchirée et exsangue, Henri V d'Angleterre impose, avec la complicité de la reine Isabeau de Bavière, la signature du traité de Troyes à Charles.

L'Anglais devait monter sur le trône de France !

Et voilà pourquoi on se retrouve ici, à Saint-Jean-du-Marché, en cette année 1420.

Pour célébrer la noce de la fille d’Isabeau et de Charles, Catherine de Valois, avec Henry V... king of England.

Qui avec ce sympathique traité, se retrouve propulsé roi de France et d’Angleterre, lui et tous les rois suivants, jusqu’en 1802 !

Il faudra une certaine Pucelle pour mettre les fesses du dauphin sur le trône, 9 ans plus tard, avec un sacre grandiose à Reims.

Saint-Jean-au-MarchéSaint-Jean-au-Marché | ©Chabe01 / CC-BY-SA

Tout sur la cérémonie !

Poêle et soupes

Le dimanche 2 juin 1420, la cérémonie commence. Henry avait son logement au cœur de la ville, dans le quartier Saint-Jean, c’est pourquoi l’église du Marché a été choisie.

L’archevêque de Sens Henri de Savoisy unit la main de Catherine, « moult belle dame, humble et de noble atour » à celle d’Henri, « sous le poesle ».

Un quoi ? Poêle ?? Faisait-il froid, en ce mois de juin ? Nooon, rien à voir. Le poêle, dans les anciens mariages, c’est un voile blanc tendu au-dessus des têtes des conjoints !

Après la cérémonie, les époux mangent ensemble les « soupes ».

Rituels du Moyen-Age quasi obligatoires, ce sont de grandes tranches de pain trempées dans le vin.

Bénédiction et festin

Enfin, l’archevêque bénit le lit conjugal... c’est ce que l’on faisait en France à l’époque, et Henry avait voulu faire le mariage selon les coutumes de France.

Monstrelet dit dans ses Chroniques :

« Puis furent faites ce jour par le roi et les princes anglais grands pompes comme si présentement dût être roi de tout le monde. »

Le 3 juin, Henry offre un grand festin à Charles VI, au duc de Bourgogne et à tous les seigneurs.

« S’y furent faites ce jour-là par les Anglais grands états et bombance, étant richement vêtus et parés de draps d’or et de soie de riches couleurs et chargés de pierres. »

Livre des trahisons de France envers la maison de Bourgogne (Kervyn de Lettenhove, 1873)

Le chariot

Catherine arrive avec sa mère Isabeau dans un chariot « tout couvert et chargé de fin drap de velours, tout figuré à or par bandes d'un cartier de large, l'une blanche et l'autre violet. »

A ce chariot sont attelés des « hobbies (chevaux de selle, ndlr) d’Angleterre, blancs comme neige. Par-devant ce chariot se démenait grand mélodie de trompilles, clairons, ménestrels et de moult d'autres instruments à cents et à milliers. »

Henry VHenry V | ©The British Library / Public domain

Et pendant ce temps...

Alors qu’on célébrait ce mariage honteux, et que la France crevait de faim dans les campagnes pelées envahies par les Anglais, à Troyes, on ripaille.

Tout va bien !

La reine Isabeau ne trouve rien de mieux à faire que de dépenser, encore et encore.

Et d’une, pour se faire confectionner deux somptueuses robes pour la signature du traité et les noces, pour qu’on ne voit qu’elle : une en drap de soie de damas bleu, une autre en damas noir, les deux avec « 1500 ventres de menu-vair ».

Aaah ça, on ne va voir qu’Isabeau, cette morfale obèse qui ne se déplace qu’en chaise roulante à quatre roues, boudinée dans du bleu !

Et alors que la noce avait pris fin, elle fait venir de son palais parisien jusqu’à Troyes, par des routes infestées par la guerre et la mort, sa trentaine de petits oiseaux de compagnie dont elle s’ennuyait…

Conclusion

Henry V et Charles VI meurent respectivement le 31 août et le 21 octobre 1422, soit 2 ans seulement après avoir signé le traité de Troyes !

Catherine de Valois et Henry V auront un fils, le futur Henri VI d’Angleterre.

On l’a rencontré en train de se faire sacrer, dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, roi de France et d'Angleterre !

Le dauphin Charles reprendra le contrôle de la situation, aidée par une célèbre pucelle. Objectif boutage d’Anglais hors du pays et sacre à Reims en grande pompe !

Sources

  • Auguste Vallet de Viriville. Histoire de Charles VII. 1862.
  • Philippe Delorme. Isabeau de Bavière, épouse de Charles VI, mère de Charles VII. Éditions Pygmalion, 2003.
  • Œuvres de Georges Chastellain : chronique, 1419-1422. 1863.
  • Pierre-Sébastien Laurentie. Histoire de France (volume 4). 1841.