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Louise Michel enfermée à l'abbaye d'Auberive, 20 mois d'une souffrance infinie

Quand : 24 décembre 1871 - 24 août 1873

L'abbaye | ©Olive Titus / Flickr / CC-BY
Abbaye Emprisonnement Commune de Paris Abbaye d'Auberive

L’abbaye d'Auberive

Une paisible abbaye cistercienne de Haute-Marne, non loin de Langres, dont les bâtiments datent du 18e siècle.

Des pierres blanches séculaires et muettes, dans une verdure silencieuse.

Depuis sa fondation en 1135, elle croyait avoir tout vu, tout : les souffrances de la guerre de Cent Ans, des guerres de Religion, de la terrible Révolution française…

Le gendre du grand Diderot avait même repris les bâtiments, en 1797, pour y établir une filature de coton !

Mais en 1856, l’État rachetait Auberive, pour en faire une sinistre prison pour femmes.

Louise Michel y est incarcérée, entre le 24 décembre 1871 et la 24 août 1873.

L'abbaye d'Auberive

L'abbaye d'Auberive | ©Espirat / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

Louise Michel... condamnée !

Résumer Louise Michel en deux mots ? Oh, quasi impossible !

Institutrice et écrivaine, militante anarchiste, grande figure de la Commune de Paris, à laquelle elle participe activement !

En décembre 1871, justement, le Conseil de guerre la juge, avec d’autres communards, pour sa participation à l’insurrection.

La condamnation est terrible, sévère : la déportation à vie, en Nouvelle-Calédonie !

L. Michel en costume de fédéré

L. Michel en costume de fédéré | ©Internet Archive Book Images / Public domain

Le transfert de Louise vers Auberive

En attendant sa déportation, Louise Michel est tout d’abord transférée de sa prison de Versailles à la prison centrale d’Auberive, en décembre 1871.

On est en plein hiver. Ambiance glaciale, noire. Il neige dru, sur la campagne marnaise.

Pour Louise et ses compagnes d’infortune, elles aussi prisonnières, le voyage de transfert en voiture cellulaire est terrible.

On est peu vêtue, on n’a quasiment rien à manger.

Louise racontera l’accueil réservé, en arrivant à Auberive :

« Une grande porte s’ouvrit en grinçant et nous fûmes introduites dans une salle au milieu de laquelle trônait un poêle qui répandait une douce chaleur. C’était la première fois que nous voyions du feu depuis notre incarcération. Nous nous étions approchées pour nous chauffer, un gardien nous repoussa violemment en hurlant : "Voulez-vous bien me ficher le camp, tas de drôlesses !" »
Auberive : les cellules

Auberive : les cellules | ©Espirat / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

La vie quotidienne à Auberive

Le froid, la solitude, les moqueries des gardiens seront les compagnes de Louise pendant 20 mois. Une vie très dure.

« Je crois que je serais morte, si on m’avait reconduite dans cette affreuse prison où j’ai tant souffert », écrira-t-elle plus tard.

Dans ses Mémoires, Louise écrit encore :

« Je revois Auberive avec les étroites allées blanches serpentant sous les sapins ; les grands dortoirs où, comme autrefois à Vroncourt, le vent souffle en tempête et les files silencieuses de prisonnières, sous la coiffe blanche, pareille à celle des paysannes. »

Les prisonnières mangent deux fois par jour, à 9 heures le matin, puis à 16 heures.

Chaque repas, peu copieux, se compose d’un unique plat de légumes : patates, haricots, riz, lentilles…

Le dimanche et les jours fériés, de la viande.

Chacune peut acheter du lard, des saucisses, du fromage, avec l’argent qu’elle reçoit pour son travail quotidien, à condition de ne pas dépasser une certaine quantité !

Auberive : une cellule

Auberive : une cellule | ©Espirat / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

Écrire, pour survivre !

On l’a dit, la vie est terrible, à Auberive. Alors, pour tenir, Louise Michel écrit. Des poèmes, d’abord.

Premier poème

Le premier s’appelle Anniversaire, composé le 28 octobre 1872, pour commémorer l’insurrection du 31 octobre 1870.

Deuxième poème

Le deuxième poème écrit par Louise à Auberive, le 28 novembre 1872, s’appelle Hiver et Nuit.

Il commémore l’exécution de son compagnon Théophile Ferré.

« Soufflez, ô vents d’hiver ! Tombe toujours, ô neige ! On est plus près des morts sous tes voiles glacées, Que la nuit soit sans fin et le jour s’abrège. On compte par hivers chez les froids trépassés. »
Louise Michel en prison (1871)

Louise Michel en prison (1871) | ©Paris Musées - Musée Carnavalet / CC0

Troisième poème

Le dernier poème date du 2 août 1873, soit trois semaines avant son départ pour la Nouvelle-Calédonie : Les Justiciers.

Il commence ainsi :

« Vous avez voulu que je vive, Pour vous c’est la fatalité ! Vous me verrez, de vive en vive, Jeter le cri de liberté. J’irai partout, criant justice, Appelant les sombres vengeurs, Afin que chacun vous maudisse Épouvantables égorgeurs ! »

Enfin, Louise écrit les textes qui constitueront Le Livre du jour de l’an : historiettes, contes et légendes pour les enfants.

Un recueil publié en 1872 grâce au soutien d’un ami inspecteur des écoles de Montmartre, à Paris, M.de Fleurville.

Louise Michel (L.Tinayre, 1882)

Louise Michel (L.Tinayre, 1882) | ©Paris Musées - Musée Carnavalet / CC0

Le départ d'Auberive

Louise Michel quitte l’abbaye d’Auberive le 24 août 1873, vers 6 heures du matin.

Direction un autre enfer, le bagne, accompagnée de quelques autres communardes...

Auberive : la suite

Après la prison pour femmes, Auberive change de fonction : on transforme l’ancienne abbaye en colonie pour délinquantes mineures, puis pour adolescents délinquants.

L’épisode de période carcérale, commencée en 1856, prend définitivement fin en 1924.

Sources

  • Irma Boyer. Louise Michel : la vierge rouge. 1927.
  • Robert Brécy. La chanson de la Commune : chansons et poèmes inspirés par la Commune de 1871. Les Éditions Ouvrières, 1991.
  • F. Steenackers. Une visite à la maison centrale d’Auberive.
  • Article Histoire de l’abbaye d’Auberive sur le site officiel abbaye-auberive.com.
  • Collectif. Défense et illustration de la didactique de la littérature. Les Presses de l’Écureuil, 2022.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !