Louis XIII à Champchevrier
Louis XIII a 18 ans, en juin 1619. Et que fait le jeune roi, cet été-là ?
Il vient plusieurs fois séjourner au château de Champchevrier, chez le sieur François de Daillon, seigneur du château du Lude et gouverneur du frère du roi Gaston d’Orléans !
Voilà ce que rapporte le célèbre Journal de son médecin, Jean Héroard...
Premier séjour : tapis de Turquie
« Le 4 juin 1619, le roi Louis XIII partit de Tours où il séjournait, alla à Champchevrier, où il dîna, et se rendit au Lude. Le 8 juin 1619, le même roi partant du Lude arriva à Champchevrier ; il alla se promener sur l’étang dans un bateau, à dix heures et demie il dîna, puis s’endormit sur un tapis de Turquie ; il faisait une chaleur excessive ; à quatre heures, il entra en carrosse et se rendit à Tours. »
Deuxième séjour : étang et arquebuse
« Le 25 juillet 1649, le roi entra en carrosse et alla à Champchevrier à dix heures ; il alla à l’étang, où il tira des oiseaux avec une arquebuse, dîna à dix heures trois quarts ; à une heure, entra en carrosse, puis dans la plaine, monta à cheval et vola des perdreaux, puis se rendit à Rillé. »
Troisième séjour : un lit de paille fraîche !
« Le 2 août 1619, de retour de Rillé, il arriva au château de Champchevrier et alla à l’étang à onze heures, dîna, et partit de Champchevrier à cheval, pour se rendre à Tours. Le 24 août 1619, arrive à Champchevrier à six heures et demie, va sur l’étang, revient à huit heures et demi, dîne, puis, ne pouvant dormir sur un matelas de satin en son cabinet, envoie quérir de la paille fraîche et un drap, se met en chemise de nuit et s’endort jusqu’à trois heures trois quarts ; il se lève, s’habille, goûte, prend son arquebuse et va à la basse cour, où il s’amuse à tirer des pigeons ; à cinq heures et demie, entre en carrosse ; il arrive à huit heures au Lude. »
Magnifiques témoignages d’une tranche de vie et de l’intimité d’un roi !
Mais comment sait-on tout ceci ? Grâce à l’incroyable Journal du fidèle médecin du roi, Jean Héroard.
Profitons-en pour faire un peu de lumière, sur ce témoignage inestimable !
Le journal… des digestions du roi !
Le 27 septembre 1601 naissait Louis XIII. Jean Héroard (prononcez Hérouard), 50 ans, entre en fonction auprès du dauphin.
Loin d’être un inconnu, ce monsieur ! Il avait été depuis plus de 30 ans, au service des rois Charles IX, Henri III et Henri IV, en tant que médecin ordinaire.
Dès le premier jour du petit Louis XIII, Héroard commence la rédaction minutieuse d'un journal, qui ne devait s'achever qu'à sa mort, en 1628.
Chaque jour, il y note absolument TOUT ce qui concerne le jeune Louis : heure du lever, état de son pouls et de son moral, sa toilette, ses repas, ses loisirs, jusqu'au nombre de gâteaux mangés... tout y est minutieusement consigné !
Pas pour rien que Michelet appelle ironiquement les écrits d’Héroard « Journal des digestions de Louis XIII »…
Des journées bien réglées
Les journées-types de Louis XIII, décrites par Héroard, sont à l'image du dernier bulletin du 29 janvier 1628, écrit près de La Rochelle.
Il donne un aperçu de ce que renferme le Journal d'Héroard, dans sa globalité :
« Le 29 janvier, samedi. Éveillé à 6 heures, après minuit, doucement levé, bon visage, gai, pissé jaune, assez peigné, vêtu, prié Dieu, altéré, ne veut point de bouillon, prend son jus d'eau d'orge et du jus de citron ; va à la messe, se va promener à pied à la digue, revient à 10 heures ; dîne, deux pommes cuites sucrées, chapon pour potage et pain bouilli, veau bouilli, la moelle d'un os, potage simple confit et jus de citron, hachis de chapon avec pain émié, gelée, le dedans d'une tarte à la pomme ; une poire confite, trois cornets d'oublis, pain assez, bu du vin clairet fort trempé, dragées de fenouil. va à sa chambre et à midi va à pied à La Malmète ; revient à 4 heures, va à son cabinet ; à 6 heures, soupe, potage confit avec jus de veau, veau bouilli. »
Les babillages du petit roi
On trouve dans ce Journal des mines d'informations passionnantes sur Louis XIII.
L’homme y est dévoilé, dans toute son intimité et sa dimension mortelle. Son caractère, son éducation, ses relations avec sa famille…
Mais aussi quantité de détails sur les mœurs du temps, le mode de vie.
Tenez, le langage de l'enfant qu'a été le roi, avec ses maladresses touchantes, sa prononciation approximative, tout est fidèlement retranscris par Héroard.
Vous voulez un exemple ?
Le 15 mai 1604, à Saint-Germain-en-Laye, le médecin utilise le mot potage, pour parler du bouillon du petit Louis, 3 ans. Celui-ci marmonne : « Je pense vous rêvez, c'est pas du potage. »
Plus tard dans la journée, il se cache dans le bureau d’Héroard, et l'appelle pour jouer ; « Moucheu Heoua, je suis en vot’e petite chamb’e ! »
Grâce au Journal, on apprend notamment que Louis a pris son tout premier bain... à l'âge de 7 ans, le 2 août 1608 !
Le mot bonbon utilisé pour la première fois !
Le 24 octobre 1604, Louis, 3 ans, est patraque. Il refuse d'aller voir son père.
« On lui dit que papa lui donnera du bonbon, il se laisse aller. [...] Il entre dans la chambre, va droit au roi, qui lui donne du sucre rosat. »
Le mot est lâché ! Oui, « bonbon ».
Ce mot a été utilisé pour la première fois, dans la langue française, dans le Journal d'Héroard !
Perdreaux au verjus et gelée de fruits
Bien que le roi soit devenu adulte, Jean Héroard continue de fidèlement consigner tout ce qui touche son quotidien. Notamment ce qui concerne ses repas.
Un bel aperçu de ce que la cour mangeait, au 17e siècle !
Ainsi, le 17 juillet 1627, voici le menu :
« Potage aux pigeonneaux, un pigeonneau, hachis de chapon avec sauce de jus de veau et jus d'orange, estomac d'un poulet rôti au jus d'oseille, estomac d'une tourterelle, gelée et cerises confites, pain trempé dans du sirop, cerises crues et dragées de fenouil. »
Au cours de l'été 1627, le roi, gravement malade, doit suivre des diètes. Elles sont à l’image du repas du 17 août 1627 :
« Au réveil, sirop de pommes avec du jus de citron et de l'eau d'orge. Au dîner, bouillon, potage confit et blanchi au jus de citron, des ris de veau frits, un perdreau au verjus de grains de raisin, de la gelée, des prunes et des cerises confites, une pomme crue, du vin clairet. »
La mort d’un père
Quand l’infatigable Jean Héroard meurt, à l’âge de 76 ans, le 11 février 1628, au cours d'un voyage pour aller soigner le roi à La Rochelle, Louis XIII perd une figure paternelle.
Il soupire : « J'avais encore bien besoin de lui ! »
Un certain Charles Bouvard succède au fidèle Héroard, comme Premier médecin du roi.
Sources
- Journal de Jean Héroard sur l'enfance et la jeunesse de Louis XIII (tome 2). 1868.
- Bulletin de la Société archéologique de Touraine (tome 2). Années 1871-1872-1873.