Les amours brisées de la soeur d'Henri IV, Catherine de Bourbon, à Pau
Pour commencer
C’est une destinée de femmes somme toute classique, dans l’Histoire des hommes.
Une femme discrète. À la merci des caprices politique et diplomatique des grands de ce monde, tout petit pion sur le grand échiquier des puissants, où les dames n’ont pas leurs mots à dire.
Pourtant, elle mériterait, qui sait, un film !
Voici Catherine de Bourbon, la sœur du roi de France Henri IV.
Pour satisfaire ses propres ambitions, Henri n’hésitera pas à sacrifier, briser le seul amour qu'aura connu Catherine, dans sa courte vie.
Régente du Béarn pour son frère
Catherine naît le 7 février 1559, à Paris. Elle est la dernière des cinq enfants du couple Jeanne d’Albret/Antoine de Bourbon.
L’un des deux survivants de cette fratrie, avec son frère Henri, futur Henri IV !
Un frère qui la nomme régente du Béarn, en 1577 : la voilà qui vient s’installer dans le château familial de Pau.
Elle y réside jusqu’en 1592, avant que son frère ne la rappelle à Paris.
À cette date, cela faisait 5 ans que Catherine était tombée amoureuse, plus que de raison.
Mais savez-vous le plus incroyable ? C’était réciproque ! L’objet de ses soupirs s’appelle Charles de Bourbon...
Les cousins... amoureux
Catherine et Charles se rencontrent en 1587. Charles de Bourbon, comte de Soissons, n’est autre que le cousin de Catherine et Henri.
L’ancien compagnon d’armes de ce dernier. Le fils de Louis de Bourbon, prince de Condé, principal chef protestant, durant les guerres de Religion.
Henri, au départ, voit l’histoire d’amour des deux tourtereaux d’un bon œil. Mieux, il encourage leur union ! Puis se ravise.
Pourquoi tant de haine ?
Henri n’a toujours pas d’héritier. Ce roi de France dont la légitimité est contestée a peur que son si beau cousin, s’il épouse Catherine, ait des enfants.
En plus d’hériter de la couronne de Navarre et des terres du Béarn, ce Bourbon catholique pouvait devenir... roi de France !
Henri IV fait assiéger le château de Pau !
Catherine et Charles sont bien décidés à braver l’interdit royal, pour vivre leur amour.
Au début de l’année 1592, Charles, sous prétexte d’aller voir sa mère malade à Nogent, est autorisé à quitter l’armée d’Henri, qui bataille dans tout le royaume, contre les Ligueurs.
En fait, il prend la direction de Pau... pour épouser Catherine en secret ! Mais on ne désobéit pas au roi comme ça ! La nouvelle arrive aux oreilles d’Henri.
Celui-ci demande au président du Parlement de Béarn, Pierre de Mesmes, d’empêcher à tout prix cette folie. Comment ? En assiégeant le château de Pau, le 6 avril 1592 !
Un groupe armé fait irruption dans la grande salle du château, sur les coups de 23 heures. On intime à Charles de quitter le Béarn : on pense qu’il est venu enlever la sœur du roi !
Catherine est choquée par cette démonstration de force. Mais elle n’a pas dit son dernier mot...
Des promesses de mariage finalement annulées
Charles et Catherine signent une promesse mutuelle d’engagement, qu’il confie à la maîtresse d’Henri, Corisande d’Andoins.
Catherine, amère, quitte ensuite Pau pour la cour parisienne de son frère, demander des explications. Henri, lui, est dans une rage folle : il a appris, pour l’échange de promesses. Quelle défiance !
En septembre 1593, Henri charge son ministre et ami Sully de tout faire pour que Catherine oublie ses projets de mariage avec Charles. Oublie surtout son amour dévorant pour lui !
Il y arrive : le 8 septembre, Catherine, ravagée par la tristesse, déclare nulles toutes promesses de mariage avec son cousin :
« Nous, Catherine, sœur unique du Roi, reconnaissant la proximité du lignage qui est entre nous et Charles de Bourbon, comte de Soissons, pour être enfants issus des deux frères, qui est un degré de consanguinité suffisant pour nous obliger à une amitié mutuelle sans autre lien plus étroit... »
Charles, lui, ne s’exécutera que le 23 février 1594, quatre jours avant le sacre du futur Henri IV, qui lui avait arraché sa renonciation écrite.
Henri pouvait maintenant placer ses billes, et marier sa sœur avec qui bon lui semblait !
Un mariage avec le duc de Lorraine
Mais Catherine ne voudra aucun des prétendants choisis par son frère.
Pas même celui que le fidèle Sully vient proposer à Catherine à Fontainebleau, en mai 1596 : un prince de sang catholique, le duc de Montpensier, chef d’une branche cadette des Bourbons.
La conversation tourne au venin ; Catherine, à bout, explose de colère !
Henri IV finit par conclure des accords de mariage avec le très catholique Charles II, duc de Lorraine et de Bar, en juillet 1598. Catherine a près de 40 ans.
Quand Henri lui annonce la nouvelle, sa pauvre sœur soupire : « Je ne trouve point là mon compte (comte) » !
Il faut forcer les choses
Mais elle refuse de se convertir. La future union fait scandale !
De peur que le pape ne pousse le duc à répudier son épouse, Henri gronde à Catherine que si elle persiste dans son refus d’abjurer, « elle se trouverait n’avoir été que la concubine du duc de Bar. »
Elle réplique, à bout de tout : « Et vous, sire, l’entremetteur ! »
Il faudrait une dispense du pape, pour rendre les noces possibles, entre deux personnes de religions différentes...
Mais à la toute fin de l’année 1598, le pape Clément VIII s’oppose finalement au mariage.
Henri IV, fatigué de la situation, brusque les choses : il intimide l’archevêque de Reims, pour qu’il accorde une autorisation ! Le mariage a finalement lieu le 31 janvier 1599, à Saint-Gemain-en-Laye.
Le duc lorrain se fait bientôt excommunier. Mais le mal était fait, le mariage est tout sauf heureux. Quelle surprise, oui, vraiment !
Un amour et une vie meurtris
Catherine de Bourbon meurt le 13 février 1604, rongée par la maladie, à seulement 45 ans.
Elle a laissé nombres de poèmes, dont certains vers résument à eux seuls sa vie brisée, pourtant riche d’un amour véritable :
« Ô Dieu, je n’en puis plus, la douleur qui m’accable Me fait crier à toi, sois moi donc secourable. Modère, s’il te plaît, la douleur que je sens ; Arrache de mes os cette fièvre cruelle Dont l’ardente chaleur dessèche ma moelle, Et par vains égare tous mes sens. Mille tristes pensées viennent tous à l’envie Essayer de troubler ma faible fantaisie. Le triste désespoir chemine avec eux, Et tout ce que mon mal de mémoire me laisse Ne sert que d’augmenter la douleur qui me presse, Rendant mes maux passés présents devant mes yeux. »
Sources
- Lettres inédites de Catherine de Bourbon, princesse de Navarre, recueillies par Ernest de Fréville. Bibliothèque de l'École des chartes (4e série, vol. 3). 1857.
- Jean-François Samazeuilh. Catherine de Bourbon, régente du Béarn. 1863.
- Bernard Barbiche, Ségolène de Dainville-Barbiche. Sully : l'homme et ses fidèles. Fayard, 2014.