Une grosse fosse commune
Innocents ? Le nom du cimetière qui se trouve à l’emplacement de la fontaine actuelle, depuis l’époque gallo-romaine !
Avec sa petite église attenante fondée en 1130... le tout entouré de murs en 1186, un peu comme les galeries d’un cloître.
Il faut dire que l’endroit devient mal famé.
Les prostituées donnent leur rendez-vous ici.
Le Guide Bleu de Paris (éd. Hachette) dit que l’on a eu 2 millions de morts en tout, jusqu’à la suppression du cimetière en 1786 et le transfert des os aux Catacombes.
Car les Innocents, c’est le seul cimetière pour toutes les paroisses de Paris !
Et attention : ici, pas de tombes bien rangées, mais une immense fosse commune de 6 m de profondeur, où l'on empile les corps !
Et la terre des Innocents devient vite célèbre : « elle mangeait son cadavre en 9 jours », lit-on dans le Guide de Paris mystérieux (éd Tchou)...
Des os brûlés et mangés
Des qui vont en manger, des os, ce sont les Parisiens, en 1590 : la famine pousse les habitants « à moudre les os de leurs pères, rangés sur les charniers des Innocents, pour en faire du pain. »
La fosse commune, on la réserve pour le « peuple. » Quid des gens plus aisés ?
Enterrés dans les galeries qui entourent le cimetière, les charniers.
Tenez, c’est là que reposait Yolande Bailly, décédée à l'âge de 88 ans en 1514. Célèbre pour avoir eu... 293 enfants !
Et dans ces galeries, de petites boutiques pullulent : mercerie, vêtements, écrivains publics... sympathique, non ?
Les truands viennent aussi la nuit se réchauffer les fesses en faisant brûler les os !
On lit dans Pantagruel, de Rabelais :
« Paris est une bonne ville pour vivre, mais non pour mourir. Car les gueux des Saints-Innocents se chauffaient le cul des ossements des morts. »
Des vestiges !
Le cimetière des Innocents a complètement disparu, donc. Ah, si, deux petits vestiges.
Le premier, visible au musée du Louvre, dans l’aile Richelieu : la statue de la Mort, un grand squelette attribué à Germain Pilon.
Elle se trouvait dans une armoire fermée à clef, dit Nouvelle Histoire de Paris et de ses environs (J. de Gaulle). On ne l’ouvrait que pour la Toussaint...
Et au n° 11 de la rue des Innocents, juste derrière la fontaine, on voit des arcades, vestiges de l’ancien charnier !