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Les Enervés de Jumièges et leur tombeau

Quand : 650

Le tombeau | Philippe Alès / CC-BY-SA
Abbaye Lieu de sépulture Torture Bénédictin Clovis II Abbaye de Jumièges

Des ados pas contents !

La Révolution l'a bien abîmé, mais il est encore debout, ce tombeau ! Qui répond au nom étrange d’Énervés...

On dit que ce sont les gisants des deux fils de Clovis II et de la reine Bathilde, héros malgré eux de la légende que voici...

Ces deux princes profitent du départ de leur paternel en Terre Sainte pour comploter.

Pour le détrôner, tiens ! Sauf que leur père apprend la chose, et revient vite fait en France pour voir ce qu'il se trame vraiment.

Au début, il tente de négocier, de les calmer.

Mais rien à faire ! Les fistons provoquent même leur vieux père en combat singulier !

Aïeuh, ça pique un peu

Clovis finit par les envoyer en justice. La sentence ?

On leur brûle (« cuit » comme on dit alors) les nerfs des bras et des jambes.

Car en fait, l'énervation est un vieux supplice qui consiste à brûler ou couper les nerfs des membres d'un condamné !

De rendre la personne handicapée, incapable de bouger. Énervé, littéralement, sans nerf !

Ensuite, on les installe dans une petite embarcation qu'on envoie voguer sur la Seine.

Advienne que pourra de ces deux-là, grommelle Clovis en regardant s'éloigner le frêle esquif.

Ah oui, alors, que se passe-t-il ? Le courant finit par porter les deux à Jumièges, devant l'abbaye.

Là, saint Philibert les reçoit et les persuade de rester pour se consacrer à la prière.

Les deux frères acceptent et y passeront le reste de leur vie...

Les énervés de Jumièges (Luminais, 1880)

Les énervés de Jumièges (Luminais, 1880) | ©Philippe Roudaut / CC-BY-SA

Une légende, hein ?

Mais problème, la légende comporte des petits points d'ombre.

Si ! Tenez, Clovis II n'a jamais eu de fils qui se sont rebellés contre lui (Thierry, Clotaire et Childéric sont rois après lui) et en plus, il n'a jamais mis un pied en terre Sainte...

Mais il reste le tombeau : on voit les deux hommes couchés côte à côte, mains jointes, les pieds reposant sur des lions, le corps couvert d'une tunique à fleurs de lys et la tête ceinte d'une couronne...

Tout indique chez eux une origine noble, voire royale.

Une sculpture assez représentative des gisants de l'époque de saint Louis.

Bizarre pour un fait qui se serait passé vers le VIIe siècle !

En tous cas, Guillaume de Jumièges n'en parle pas au XIe siècle dans son histoire de l'abbaye.

Mabillon rapporte même que les statues représenteraient plutôt le duc de Bavière Tassillon et son fils Théodon, reclus à Jumièges pour avoir soulevé les Huns contre Charlemagne...

Source

  • Hyacinthe Langlois. Essai sur les Énervés de Jumièges et sur quelques décorations singulières des églises de cette abbaye. 1838.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !