Le tombeau de Maurice de Saxe à Strasbourg

Du 20 nov. 1750 à 1777

Le tombeauLe tombeau | ©Claude Truong-Ngoc / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

La mort du maréchal

Un duel, avec le prince de Conti, serait à l'origine de la mort du maréchal, à l'âge de 54 ans. Serait, oui... on n'en est pas sûr !

Sur les 8 heures du matin, ce 20 novembre 1750, un homme débarque au château de Chambord, porteur d'une lettre pour le maréchal, encore au lit.

Après avoir lu le pli, Maurice se lève brusquement, l'air grave, s'habille, et suivi de son aide-de-camp, sort du château à la rencontre de l'auteur de la missive.

On les voit mettre l’épée à la main, dégainer en un éclair... sur quoi, l'étranger et son courrier remontent dans leur voiture.

Le maréchal, soutenu par son aide, remonte clopin-clopant dans sa chambre. La rumeur dit qu'il venait de se faire mortellement blesser par le prince de Conti...

La raison ? Un mot de trop, 5 ans auparavant, sur le champ de bataille de Fontenoy...

Brûlé, noyé, pendu !

À Chambord, où Maurice est mort, tous les murs ont été tendus de noir.

Son corps, embaumé est placé sur un lit de parade entouré de 16 drapeaux pris aux ennemis, a été exposé dans une chapelle ardente, pendant 40 jours.

Mais lors du trajet qui mène son corps à Strasbourg,

« une des bougies du catafalque mit le feu à une de ses cadenettes. Le corbillard sur lequel était le corps versa dans un large fossé plein d'eau, et quand il fallut le descendre dans son tombeau, on se servit d'une moufle suspendue à une potence, ce qui donna lieu à un lazzi populaire, qu'après sa mort, le maréchal avait été brûlé, noyé et pendu. »

Maurice de SaxeMaurice de Saxe | ©Paris Musées - Musée de la Vie Romantique / CC0

Mais où l'inhumer ?

La mort de Maurice affole l’Église catholique !

Ce grand maréchal au service de la France ne peut décemment pas se faire inhumer à Saint-Denis, ni où que ce soit, d’ailleurs.

Pourquoi ? C’est un bâtard, fils d’Auguste le Fort, électeur de Saxe et roi de Pologne ! Et surtout un étranger (Allemand), de confession protestante !

Il lui faut un tombeau digne de lui, certes… mais ce sera à Strasbourg, la plus grande ville protestante du royaume à l’époque, dans l’église réformée Saint-Thomas !

DétailDétail | ©Ralph Hammann - Wikimedia Commons / CC-BY-SA

Péripéties vers Strasbourg !

Ça ne rentre pas !

Le 8 janvier 1751, le corps enfermé dans deux cercueils (l'un de plomb et l’autre de cuivre rouge) part de Chambord, escorté par 100 dragons du régiment de Saxe.

À Strasbourg, on l’inhume dans le temple de la ville, dans une chapelle du bas-côté. Provisoirement.

Car Louis XV veut pour lui un mausolée grandiose...

On choisit le célèbre sculpteur Pigalle pour accomplir cette lourde tâche.

En 1772, le tombeau achevé, on se rend compte qu’il ne rentre pas dans le petit temple strasbourgeois.

C'est ballot, dites donc, il serait mieux à Saint-Thomas…

Des machines pour le transport

En attendant, l'énorme tombeau se trouve à Paris, dans l’atelier de Pigalle ! Qui a fait des pieds et des mains pour que son bébé reste dans la capitale, en vain.

À l’hiver 1775, on embauche des ingénieurs pour concevoir des machines pouvant transporter le monstre de pierre : leur devis est hors de prix, et Pigalle, qui a bien étudié les engins, craint beaucoup de casse.

Il travaille à la conception de nouvelles machines, et hop, son tombeau fait le voyage sans encombres jusqu’à Strasbourg !

On y est. À l’été 1777, le corps du maréchal est enfin transféré à Saint-Thomas, avec une sacrée pompe. 26 ans après sa première inhumation !

DétailDétail | ©Ralph Hammann - Wikimedia Commons / CC-BY-SA

Le tombeau de Pigalle

Le célèbre Jean-Baptiste Pigalle met 20 ans, de 1756 à 1772, pour achever l’énorme mausolée. Mais quel rendu !

Jeu de drapés incroyable. Du mouvement, partout. La figure du maréchal, au centre, en impose : regardez un peu les détails de ses traits sévères, son air impassible !

Mais que racontent tous ces personnages ? La Mort appelle Maurice dans son tombeau, à droite.

La France, c'est cette figure féminine qui retient le bras du maréchal, en pleurant.

Les drapeaux sont brisés. L’aigle, le lion et le léopard sont tous terrassés, rappels des pays contre lesquels Maurice s’est battu (Autriche, Hollande et Angleterre) et contre lesquels il a remporté la bataille de Fontenoy, en 1745.

Sur la gauche, un incroyable Hercule debout, le coude sur sa massue, la tête dans sa main, accablé de chagrin !

Sources

  • Réné Taillandier. Maurice de Saxe, étude historique. 1865.
  • Jean-Toussaint Merle. Chambord. 1832.
  • Description du mausolée du maréchal de Saxe dans l'église de Saint-Thomas à Strasbourg. 1777.
  • Relation fidèle des obsèques et cérémonies faites à Strasbourg à l'entrée et inhumation de M. le maréchal de Saxe. 1777.
  • Louis Hardouin. La vie et les œuvres de Jean-Baptiste Pigalle. 1859.
  • René Ménard. L'art en Alsace-Lorraine. 1876.