Le procès de Jeanne d’Arc au château de Rouen

Du 9 janv. au 29 mai 1431

Jeanne d'Arc en prison (Gravure d'après P. Delaroche)Jeanne d'Arc en prison (Gravure d'après P. Delaroche) | ©Rijksmuseum / CC0

Revivez avec nous toutes les étapes du long procès de Jeanne d'Arc, qui a eu lieu à Rouen, dans l'ancien château de Bouvreuil !

Sources : Jeanne d’Arc au château de Rouen (François Bouquet, 1865) / Procès de condamnation de Jeanne d’Arc dite la pucelle d’Orléans d’après les documents manuscrits et originaux (Vallet de Viriville, 1867) / Histoire de Jeanne d’Arc (Marcel Poullin) / Jeanne d’Arc devant ses juges (Collectif, 2013) / 7 juillet 1456, enterrement de l'affaire Jeanne d'Arc (Charles Boulanger, 1956).

Jeanne capturée !

Jeanne d’Arc est au summum de sa gloire. Elle a vaincu les Anglais à Orléans en 1429. Elle a mené le dauphin à son sacre à Reims pour devenir Charles VII.

Mais le 23 mai 1430, les Bourguignons, alliés des Anglais, la capturent près de Compiègne !

Elle sera menée de prison en prison à travers la Picardie, pour arriver à Rouen, le 25 décembre 1430.

Jeanne n’en sortira que le 30 mai 1431, jour de sa mort...

Et entre ces 5 mois de prison, elle va subir deux mois d’un procès éprouvant.

Sur les terres de Cauchon

Jeanne est prise à Compiègne : elle doit être jugée dans l’évêché de Beauvais.

Or, l’évêque de Beauvais c’est Pierre Cauchon.

Docteur de théologie, licencié en droit canon, conseiller du roi d’Angleterre (il a participé à la rédaction du traité de Troyes).

A la solde des Anglais, of course.

« Quand les Anglais envahirent la France, l’évêque de Beauvais, cédant aux appâts de la puissance, aux séductions de la richesse, aux enivrements de l’orgueil et de l’ambition, reçut les caresses et les faveurs d’Henry V, qui le nomma aumônier de France ; le gouvernement anglais, dès lors, n’eut point d’agent plus habile ni plus puissant. »

Il veut la récupérer à tout prix et la juger pour hérésie.

Enlever toute crédibilité à Jeanne

Il fallait la supprimer, car comme le dit Jeanne d’Arc de Victor Canet :

« L’Histoire dirait toujours que les Anglais avaient été battus par une femme ; il fallait donc faire de cette femme un être à part, et comme elle s’était dite l’envoyée de Dieu, démontrer qu’elle était « pleine du diable ». Les accusations de sorcelleries étaient fréquentes en ce siècle. Il était humiliant d’avoir été vaincu par une femme ; on pouvait avouer sans honte qu’on avait succombé à une sorcière. »

Il fallait déshonorer les Français qui avait envoyé une folle reconquérir leur royaume, montrer que le dauphin qu'elle avait fait sacrer roi de France n'était pas légitime.

Montrer que le tribunal ecclésiastique lui réservait le châtiment des sorcières... le bûcher.

Les étapes du procès de Jeanne d'Arc

Le procès d’office (9 janvier - 26 mars 1431)

C'est l'instruction du procès avec des enquêtes menées, des interrogatoires, des pièces rassemblées.

L’évêque Cauchon, l’ordonnateur du procès, a réuni 95 docteurs, ecclésiastiques pour la plupart, comme assesseurs du procès.

Puis dans le rôle du parquet, un examinateur (juge d’instruction), deux greffiers, un huissier appariteur et un « promoteur ».

Celui-ci s’appelle Jean d’Estivet, un chanoine ami de Cauchon, homme brutal et grossier. Il interdit Jeanne d’entendre la messe.

Alors le jour où il apprend que l’huissier Massieu a laissé Jeanne prié deux secondes devant la porte de la chapelle du château, sur le chemin du tribunal, il hurle :

« Truand ! Qui te fait si hardi de laisser approcher d’une église sans licence, cette p… ? Si tu recommences, je te ferai enfermer dans un cachot et tu ne verras pas le soleil d’ici un mois. »

Parmi ces 95, un seul anglais, le prêtre William Haiton : Bedford veut que Jeanne soit jugée par ses compatriotes.

Les interrogatoires publics (21 février - 3 mars 1431)

Le 21 février 1431, le premier interrogatoire public commence à 8 heures du matin dans la chapelle du château de Rouen, pour s’achever 3 heures plus tard et reprendre l'après-midi, 4 heures durant, parfois.

Un supplice !

Les séances publiques suivantes ont lieu dans la « chambre de parement », du 22 février au 3 mars : 6 interrogatoires publics, en tout.

Les questions sondent tout de sa vie, un vrai CV étalé aux yeux de tous : sa foi, ses Voix, sa mission auprès du roi, le port d'habit d'homme (interdit aux femmes par l’Église), les fêtes champêtres du village de Domrémy qui virent au sabbat, à croire ses juges…

Ils sont une cinquantaine d’assesseurs autour de Cauchon, à scruter cette jeune femme de 20 ans, habillée en homme, qui répond « hardiment » aux questions tordues des juges.

Par exemple : « Savez-vous si vous êtes en état de grâce ? »

Jeanne répond : « Si je n’y suis Dieu m’y mette, si j’y suis Dieu m’y garde. »

Elle prévient tout de suite qu’elle ne répondra pas à tout, ses Voix lui ayant défendu d’évoquer certaines choses.

Les interrogatoires secrets (10 - 26 mars 1431)

Ils sont au nombre de 9. Ils ont lieu du 10 au 17 mars.

Par interrogatoires secrets, on entend les interrogations fait à la prison du château de Rouen, en petit comité. Ils durent trois jours.

Trois jours de questions variées, qui font se contredire Jeanne, pour que ses propos se retournent contre elle, par la suite.

Les juges veulent la piéger dans ses réponses. Le frère Isambard, de Rouen, dit :

« L’on demandait et proposait à la pauvre Jeanne interrogatoires trop difficiles, subtils et cauteleux, tellement que les grands clercs et gens bien lettrés qui étaient là présents, à grand peine y eussent su donner réponse ; par quoi plusieurs de l’assistance en murmuraient. »

Jeanne est seule face à ses juges qui multiplient les questions. L’huissier Massieu dit :

« Il y avait six assistants avec les juges qui l’interrogeaient, et parfois, quand on l’interrogeait et qu'elle répondait à la question, un autre interrompait sa réponse, de façon qu’elle dit plusieurs fois à ceux qui l’interrogeaient : « Beaux seigneurs, faites l’un après l’autre », dit-elle.

Ça les arrange bien, dans la confusion, elle pouvait avouer des choses…

Le procès d'ordinaire 27 mars 1431 - 24 mai 1431

Il commence par la lecture de l'acte d'accusation, contenant 72 articles rédigés à partir des réponses de Jeanne.

Quelques semaines plus tard, on les condense à 12 articles.

Pour chaque article, Jeanne doit accepter ou récuser.

On la déclare « sorcière, devineresse, fausse prophétesse, invocatrice des esprits mauvais, sacrilège apostate, excitatrice de la guerre, hérétique et suspecte d'hérésie, etc. »

La torture (9 mai 1431)

Jeanne, qui a réponse à tout, fatigue les juges, qui la mettent face aux instruments de torture dans la Grosse Tour ou donjon, l’actuelle tour Jeanne d’Arc, le 9 mai 1431.

Pour l’effrayer. La faire plier !

« On lui dit que si elle n’avouait la vérité à cet égard elle serait mise à la torture dont on lui montrait les instruments tout disposés alors dans la même tour. »

Jeanne répond ceci :

« Vraiment, si vous me deviez faire détraire (arracher) les membres et faire partir l’âme hors du corps, si ne vous dirai-je autre chose ; et si je vous disais autre chose, après je vous dirais toujours que vous me l’auriez fait dire de force. »

Devant l’attitude de Jeanne, les juges écrivent dans le procès-verbal :

« Vu l’endurcissement de son âme et le ton de ses réponses, nous juges, craignant que les tourments de la question lui fussent peu profitables, nous avons cru devoir surseoir à l’y appliquer pour le moment, jusqu’à ce que nous en ayons plus amplement délibéré. »

Trois jours après, Cauchon réunit 12 juges pour savoir si Jeanne serait soumise à la torture.

Considérant ses réponses, ils jugent qu’il n’est pas nécessaire de la torturer, à la majorité...

L'abjuration (24 mai 1431)

Pour ses juges, elle est hérétique, il faut qu’elle se rétracte !

Le 24 mai, on conduit Jeanne au cimetière Saint-Ouen de Rouen, devant une foule nombreuse du peuple et du clergé.

On a préparé un bûcher, on la menace de la brûler, là, à moins qu’elle ne reconnaisse publiquement ses fautes. Jeanne refuse d’abord, puis, à bout, elle signe l’acte d’abjuration.

On la condamne à la prison à vie : Cauchon lui promet la prison ecclésiastique, dont les conditions de détention sont moins lourdes, et de la faire garder par une femme.

Elle accepte pour la première fois de reprendre ses habits de femme !

Relapse ! Les habits d'homme (27 mai 1431)

Cela faisait trois jours que Jeanne avait repris ses habits de femme, quand un grand bruit parcourt la ville. Elle a repris ses vêtements d’homme...

Elle est relapse, elle est retombée dans l’hérésie, après avoir abjuré !

Sur cette reprise d'habit masculin, les témoignages diffèrent.

Elle se protège face à ses geôliers

Un témoin dira qu'elle protège sa pudeur face à ses geôliers qui l'avaient agressée et battue. Le prêtre Martin Lavenu dit « qu'il a entendu de la bouche même de Jeanne qu’un grand seigneur d’Angleterre est entré dans la prison de ladite Jeanne et qu’il a tenté de lui faire violence et que c’était là le motif à ce qu’elle disait pour lequel elle avait repris des habits d’homme. »

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Ses vêtements féminins lui auraient été subtilisés pendant son sommeil et remplacés par des habits d'homme.

Jeanne se réveille et demande qu’on lui enlève ses fers et qu’on la mène à la messe. Au moment de s’habiller, au lieu de trouver des habits de femme, elle voit des vêtements d’homme, posés sur sa paillasse. Elle dit à ses gardiens qu’elle n’a pas droit de les enfiler, qu’on doit lui rendre les siens. En vain ! Elle se remet au lit. Mais vers midi, un besoin naturel la pousse à se lever, et, plutôt que de rester en chemise, elle enfile les vêtements. Les soldats appellent des témoins, qui constatent que Jeanne a manqué à son serment.

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Elle répare sa trahison envers ses Voix, sa mission au service de Dieu qui impliquait de se vêtir en homme pour livrer bataille. Elle montre qu'elle reprend le combat, son dernier combat.

Elle s’est en plus rendu compte que ses juges l’ont flouée. Ils lui avaient promis de la transférer dans une prison ecclésiastique, moins sévère, et de la faire garder par une femme, en échange de son abjuration. Ils n’ont pas tenu parole !

On ne saura jamais ce qu'il s'est réellement passé. En tous cas, cette reprise des vêtements masculins arrange ses juges. Ils peuvent l'accuser de récidive et la condamner à mort !

Farewell ! C'est plié

Pierre Cauchon prend congé. Le sort de Jeanne est scellé.

On l’entend dire aux Anglais :

« Farewell, faites bonne chère, elle est prise, il en est fait. »

Le 29 mai 1431, 42 assesseurs sur 42 rendent leur verdict : Jeanne est hérétique, relapse, excommuniée.

Elle est surtout condamnée pour une chose : le port d’habits d’homme, comme le dira l’huissier Massieu.

Ce qui est interdit par l’Église ! Le Deutéronome (texte de la Bible) dit :

« Une femme ne vêtira pas un vêtement d'homme non plus qu'un homme n'usera d'un habit de femme : celui qui fait cela est abominable aux yeux de Dieu. »

L'annonce faite à Jeanne

On envoie le frère Martin Ladvenu :

« lui annoncer la mort prochaine. Et quand il annonça à la pauvre femme la mort dont elle devait mourir ce jour-là, elle commença à s’écrier douloureusement, se destraire (arracher) les cheveux : « Hélas ! Me traite-t-on ainsi horriblement et cruellement, qu’il faille que mon corps, net en entier, qui ne fut jamais corrompu, soit consumé et rendu en cendres ! J’aimerai mieux être décapité sept fois, que d’être ainsi brûlée... »

Conclusion

Le bûcher

Le 30 mai 1431, Jeanne d’Arc était brûlée sur l’actuelle place du Vieux-Marché à Rouen. Vous voulez en savoir plus ? Ça se passe ici ! (lien)

Le procès de réhabilitation

Un second procès pour Jeanne d’Arc ? Oui !

Celui qui se déroule de décembre 1455 à juillet 1456, ouvert 24 ans après sa mort, à la demande de la mère de Jeanne.

Il a pour but de réhabiliter la jeune femme en prouvant son innocence.