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Le Parlement de Grenoble, au cœur de la Journée des Tuiles !

Quand : 7 juin 1788 - 11 juin 1788

Parlement du Dauphiné | ©Farajiibrahim / Wikimedia Commons / CC-BY-SA
Maison Révolution Française Palais du Parlement du Dauphiné

Le Parlement du Dauphiné est au centre de cette révolte du 7 juin 1788, prémices de la Révolution française.

Quelle est la situation ?

La crise financière est très grave ! Le royaume de France, endetté, est au bord de la faillite ! En cause ?

Les guerres, notamment celle d’Indépendance des États-Unis, mais aussi les dépenses grandiloquentes de la Cour à Versailles...

Calonne, le contrôleur général des Finances, propose des réformes fiscales, en vain.

On a bien tenté de faire payer des impôts aux plus privilégiés, mais on s’est vu opposé un non massif, notamment de la part des nombreux et puissants Parlements.

Les Parlements, des cours de justice constituées… de nobles et de riches bourgeois, qui, à l’idée de perdre leurs privilèges, ruent dans les brancards.

L'édit qui sape le pouvoir des Parlements

Le 8 mai 1788, le ministre de Louis XVI, Loménie de Brienne, fait passer un édit visant à réduire le pouvoir des Parlements.

Édit qui supprime notamment le droit de remontrance : droit qu'ont les Parlements de contester toute loi émise par le roi, avant son enregistrement.

L'édit du ministre prévoit également de remplacer les parlements par une cour plénière, aux membres nommés par le roi, les parlementaires cantonnés à de simples rôles de juges.

Un rôle considérablement amoindri, des privilèges qui sautent… les parlementaires grognent !

Loménie de Brienne

Loménie de Brienne | ©Rijksmuseum / CC0

La grogne monte dans le royaume

La grogne monte, surtout à Grenoble, où le Parlement du Dauphiné est le 3e plus important de France, après Paris et Toulouse !

Les avocats, les procureurs, mais aussi le peuple, prennent cause pour le Parlement, tous redoutant que la réforme de Loménie n'entraîne la ruine de la ville : en effet, la perte des privilèges et revenus des parlementaires impactaient tous ceux travaillant pour eux...

Grenoble est de plus frappée à l'époque par le chômage, les milieux agricoles et industriels confrontés aux mauvaises récoltes et au prix du pain qui augmente.

Il faut aussi dire que les Grenoblois sont très liés à leur Parlement, vieux du 14e siècle : il est très populaire en Dauphiné, car c’est un protecteur contre les exactions royales, un fidèle défenseur des droits de la province.

Parlement du Dauphiné : blason du Dauphiné

Parlement du Dauphiné : blason du Dauphiné | ©Farajiibrahim / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

Le Parlement du Dauphiné ferme ses portes !

Le 10 mai 1788, l'enregistrement de l’édit est imposé manu militari par le lieutenant général du Dauphiné, le duc de Clermont-Tonnerre.

Le palais du Parlement refusant de l'enregistrer, le duc revient avec les forces de l'ordre, le lendemain.

On est bien obligé de procéder à l'enregistrement... Puis les portes du palais du Parlement sont fermées, les membres ayant interdiction de siéger.

Vers la fin du mois de mai, le premier président du Parlement réunit les parlementaires et les consuls de la ville, pour condamner ce forçage de main et écrire une lettre à Loménie de Brienne déclarant illégales ces mesures.

Parlement du Dauphiné

Parlement du Dauphiné | ©Farajiibrahim / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

L'émeute commence !

Alors que le jour se lève sur Grenoble, le 7 juin 1788, les parlementaires grenoblois reçoivent l'ordre de Clermont-Tonnerre de quitter la ville, sur le champ !

Les Grenoblois, mis au courant, descendent dans les rues et se précipitent vers les portes de la ville, pour empêcher leur départ.

Alertés par le tocsin, les habitants des faubourgs et villages voisins accourent en renfort par masse, certains escaladant les murs, afin de pouvoir entrer dans Grenoble.

On se rend chez Clermont-Tonnerre dans son hôtel particulier, pour l’empêcher lui aussi de partir.

La foule... menace de le pendre :

« On présenta au duc une corde, et on délibéra si on le pendrait à la place d’un lustre de son salon ; il en fut néanmoins quitte pour des coups de canne, des injures et des reproches énergiques. On lui tint aussi une hache levée sur la tête. »
Journée des Tuiles (A. Debelle, 1889)

Journée des Tuiles (A. Debelle, 1889) | ©Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix / Domain public

Une « grêle de tuiles » !

Clermont-Tonnerre a eu, avant cela, le temps de déployer son régiment d’infanterie, le Royal-Marine, dans les rues de Grenoble.

Malgré l’ordre de ne pas faire feu sur la foule, c’est l’assaut de l’hôtel du duc par les Grenoblois, qui fait réagir et tirer les soldats, blessant un homme de 75 ans.

Rendus furieux par la vue du sang, les Grenoblois montent sur les toits de la ville et attrapent des tuiles romaines de près de 2 kilos, ainsi que les pierres qui servent à les bloquer, les jours de tempêtes.

On dépave aussi les rues. C'est « une grêle de tuiles de cailloux », qui pleut sur les soldats !

Place Grenette, une vingtaine de personnes sont blessées, 3 (dont un enfant) perdent la vie. Parmi les soldats blessés, un Béarnais... le maréchal d’Empire futur roi de Suède, Jean-Baptiste Bernadotte !

Les conséquences

Une assemblée des notables des trois ordres du Dauphiné finit par faire ouvrir les portes du Parlement, fermées jusqu'alors sur ordre du roi.

On obtient la capitulation du gouverneur, le duc de Clermont-Tonnerre, et la réintégration des membres du Parlement. La ville de Grenoble ne retrouve complètement son calme que le 11 juin 1788.

Mais surtout… ces représentants des trois ordres comptent se réunir en États Généraux. La réunion se déroule dans la salle du jeu de paume du château de Vizille, non loin de Grenoble, le 21 juillet 1788.

Soit 6 mois avant la convocation des États Généraux de 1789, à Versailles, prélude de la Révolution française.

Sources

  • Nicole Thévenet. Dossier pédagogique 1788 en Dauphiné : les prémices de la Révolution française. Musée de la révolution française.
  • Auguste Prudhomme. Histoire de Grenoble. 1888.
  • Octave Chenavaz. La révolution de 1788 en Dauphiné : journée des Tuiles, assemblée de Vizille. 1888.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !