La scène se passe le 23 décembre 1951, sur le parvis de la cathédrale Saint-Bénigne.
On a brûlé le père Noël !! La raison ? Les origines païennes du sympathique barbu en rouge.
Le clergé a autorisé que l’on brûle une effigie de 2,50 m de haut, accrochée aux grilles de la vénérable cathédrale bourguignonne, devant 250 enfants qu’on imagine, médusés, la bouche ouverte...
Usurpateur et hérétique, na ! On va voir pourquoi.
Les Pères Noël en scooter
Un jeune prêtre de 34 ans de la cathédrale Saint-Bénigne est à l'origine du bûcher : Jacques Nourissat.
Tout part d’un coup de gueule légitime : dénoncer les dérives d’une fête religieuse devenue débauches de dépenses, grand n'importe quoi sans âme et vide de sens.
Le matin du drame, c'est un défilé de scooters qui met le feu aux poudres.
Le prêtre observe, agacé, ce balai de 8 Pères Noël pétaradant dans les rues, faisant de la pub pour un grand magasin de Dijon.
Il se sent offensé : sa paroisse est dans la misère, on est à la sortie de la guerre, on fait ce que l'on peut pour survivre !
De saint Nicolas à Coca-Cola
Du coup, Nourissat fait brûler le responsable : le père Noël américain à la Coca-Cola.
Une création païenne venue détrôner le saint Nicolas célébré traditionnellement dans les pays de l’Est, depuis des lustres.
Petit retour sur cette usurpation !
Saint Nicolas
À l’origine, on a saint Nicolas. La tradition dit qu'il a ressuscité trois enfants assassinés, au 3e siècle.
Cela lui vaut de devenir le saint protecteur des plus petits.
Il meurt un 6 décembre : à cette date, tous les enfants reçoivent des cadeaux dans l’Est de la France, Allemagne et Pays-Bas.
Santa Claus
En 1863, l’Américain d’origine allemande Nast popularise une version plus joviale de Nicolas, dans les journaux.
Il s’appelle Sinterklaas, l'actuel Santa Claus : ça y est, on venait de passer de saint Nicolas... au Père Noël !
Coca-Cola
Coca-Cola clame être à l’origine du Père Noël actuel, habillé de rouge.
Une image créée en 1931 : les sodas se vendant mal en hiver, ça va aider la firme à gaver de sucre les enfants, qu’il neige ou qu’il vente...
Un Père Noël replet, qui occulte le vrai sens de Noël : la naissance du petit Jésus.
En plus, on ment aux enfants, on leur apprend la surconsommation et le gaspillage...
Au final...
À Dijon, vu les réactions partagées des habitants, la mairie décide dès le lendemain, en signe de paix, de faire monter un Dijonnais déguisé en Père Noël, sur le toit de l’hôtel-de-ville…
Et depuis, tous les ans, c'est la traditionnelle descente du barbu du haut de la tour de la mairie.
Sans plus aucun incident !
N.B. : L'anecdote a inspiré à l'anthropologue Claude Lévi-Strauss sa nouvelle Le Père Noël supplicié (1952).