Venez à l’entrée principale du jardin des Tuileries, sur la place de la Concorde... une plaque commémore la première ascension dans un ballon à gaz, gonflé à l'hydrogène !
L'histoire se déroule le 1er décembre 1783 : les deux fous qui tentent cette incroyable aventure s’appellent Jacques Charles et Nicolas Robert !
Les premiers ballons
L'incroyable histoire des montgolfières ! Le vieux rêve de l'homme de voler, libre comme l'air...
Tout commence en 1782, quand les frères Montgolfier, deux petits papetiers ardéchois, réalisent leurs premières expériences, avec des ballons miniatures en taffetas, renfermant de l'air chaud.
Le 5 juin 1783, les frères organisent le premier grand vol de ce qui deviendra une montgolfière, à Annonay dans l'Ardèche.
Puis, le marquis d’Arlandes et le chimiste Pilâtre de Rozier réalisent le 1er vol en ballon de l’histoire, le 27 août 1783 : l'engin avait atterri sur la Butte-aux-Cailles.
Un ballon... rempli d'hydrogène
Voilà donc le tour du chimiste Jacques Charles et de son collègue l'ingénieur Nicolas Robert, l'un des deux concepteurs de l'aérostat qui nous intéresse ici, la Caroline.
Le ballon de Robert est drôlement plus évolué que celui qui a atterri sur la butte aux Cailles : au lieu de simple papier, celui-ci a été fabriqué en taffetas imperméable recouvert de gomme élastique (dite résine du Pérou).
Mais surtout... il est gonflé à l’hydrogène.
Ça, c'est la grande révolution ! À la place de l'air chaud utilisé par les frères Montgolfier, Jacques Charles utilise de l'hydrogène, un gaz plus léger que l’air.
Plus léger, oui, mais à la moindre étincelle... je ne vous raconte pas le carnage !
Le melon poli !
Le ballon, avec ses losanges de taffetas rouges et jaunes, a fière allure : il a la forme d’un melon tout poli, dit Gérard de Nerval dans Les ballons (1831) !
En dessous, la nacelle : un char rococo à souhait, or et bleu.
Il s'agit, ni plus, ni moins, de l'ancêtre des ballons à gaz actuels !
Robert a en plus équipé son engin d'un baromètre et d'un thermomètre, qui vont leur permettre de faire des relevés météorologiques de l'atmosphère !
Le spectacle aux Tuileries
Voilà, nous y sommes.
Ce 1er décembre 1783, 400 000 badauds s’agglutinent dans les gradins installés dans les jardins des Tuileries, mais aussi sur la place de la Concorde, aux fenêtres des maisons...
On fait payer l’entrée aux jardins 3 francs, une petite somme, pour l’époque !
Il est 13h40 quand le ballon décolle enfin. Quel spectacle hallucinant, que ce gigantesque globe qui décolle devant la foule en délire, sidérée !
Une octogénaire pompette, la maréchale de Villeroi, n’en revient pas. Elle glapit : « On finira par trouver le secret de ne plus mourir. Et c’est lorsque je serai morte ! »
Au dernier moment, l'interdiction du roi
À la dernière seconde, une nouvelle se répand dans la foule. Traînée de poudre funeste. Le roi en personne a interdit à Charles et Robert de monter dans la nacelle !
Oui ! Regardez ! C'est ce lieutenant de police, venu apporter une lettre à Charles... contenant l'interdiction formelle de s'envoler !
Trop de risques...
Charles ne se démonte pas. Il fonce chez le ministre, M. de Breteuil, faire savoir ce qu'il pense : « J'ai pris, avec le public, des engagements, et plutôt que d'y manquer, je me brûlerais la cervelle. »
Touché par le désespoir de l'aéronaute, Breteuil prend sur lui de lever l'interdiction royale et autorise l'ascension.
On peut partir sereinement !
Champagne et sacs de sable
Les amis des deux aéronautes ont chargé la nacelle de lest, à savoir : des sacs de sable, des bouteilles de vins de champagne, un panier-repas composé de viandes, des fourrures et des couvertures, dans la perspective d'un « voyage au long cours. »
Là-haut, nos deux hommes ouvriront les bouteilles, pour trinquer à leur réussite, peut-être, mais surtout pour enlever du lest !
« Des papillons dans une prairie »
Les deux explorateurs vont parcourir près de 40 km, à 2200 m du sol ! Jacques dit du voyage :
« Nous avions l’air de voyager en traîneau. Les paysans couraient après nous sans pouvoir nous atteindre, comme des enfants qui poursuivent des papillons dans une prairie. »
Ils atterrissent finalement à Nesles-la-Vallée (95), sans encombres.
La dernière fois qu'un ballon s'était posé dans un champ, les paysans effrayés par ce monstre venu du ciel l'avaient taillé en pièces !
Jacques poursuit :
« Jamais rien n’égalera ce moment d’hilarité qui s’empara de mon existence lorsque je sentis que je fuyais de terre. Ce n’était pas du plaisir, c’était du bonheur. Échappé aux tourments affreux de la persécution et de la calomnie, je sentis que je répondais à tout en m’élevant au-dessus de tout. À ce sentiment moral succéda bientôt une sensation plus vive encore, l’admiration du majestueux spectacle qui s’offrait à nous. De quelque côté que nous abaissions nos regards, tout était têtes ; au-dessus de nous, un ciel sans nuage. »
Conclusion
Après la courte ascension de Pilâtre de Rozier et du marquis d'Arlandes en montgolfière à air chaud, en novembre 1783, Charles et Robert devenaient le deuxième équipage humain à voler en ballon.
Accueilli en héros, Charles fait un exposé sur son odyssée à l'Académie des Sciences, deux jours après l'exploit.
À 58 ans, il épousera la jolie Julie Bouchard des Hérettes, 22 ans, l'Elvire de Lamartine, dans son poème Le Lac. Il ne volera plus jamais...
Source
- A. Sircos, Th Pallier. Histoire des ballons et des ascensions célèbres. 1876.