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Le château des Ternes et son terrible seigneur d'Espinchal

Quand : 1662 - 1686

Le château | ©Père Igor / Wikimedia Commons / CC-BY-SA
Château Procès Château des Ternes

Il est mauvais, il est cruel, il est vilain... lui, c'est le seigneur du château des Ternes, dont voici l'histoire !

Le Grand Diable

Le château des Ternes, en plein Cantal.

Il est lourd, fier, assis de toute sa masse au centre du petit bourg.

Détruit pendant la guerre de Cent Ans, reconstruit au 15e siècle par les seigneurs d’Espinchal… on voit un peu partout leur blason, taillé dans la pierre ou sur un vitrail : le griffon.

Le membre le plus célèbre de cette famille, seigneur de Massiac et des Ternes, s’appelle Gaspard.

Le peuple l’avait surnommé le « Grand Diable » avec raison…

« Il eut été l’homme le plus accompli du pays s’il eût pu joindre les bonnes mœurs à ses perfections extérieures et s’il eût eu une aussi belle et bonne âme qu’il avait le corps beau et l’esprit bon… Sa présence et sa conversation charmaient tout le monde. »

Beau, de l’esprit, il avait prouvé, semble-t-il, sa valeur au combat, charmant les dames et se faisant craindre… mais on « le trouvait toujours très disposé de faire crimes et injustices. »

Une épouse, des maîtresses... aïe !

Il se marie avec une dame de Châteaumorand, très riche, belle et vertueuse aussi, ce qui ne gâche rien.

Mais il lui fallait des maîtresses. Beaucoup ! Et ce qui devait arriver arrive : des problèmes.

L’une d’elles, par jalousie, lui fait des histoires. Elle ment en lui racontant que son épouse le trompe avec l'un de ses pages.

Piqué au vif, d'Espinchal part au triple galop pour le château des Ternes, où se trouvait son épouse (enceinte de 8 mois).

Il fait irruption comme une furie dans la chambre de la dame, et lui hurle : « Vous savez vos crimes : choisissez vous-même la punition que vous méritez », en lui tendant un pistolet et une fiole de poison.

La dame, qui n’avait rien fait, proteste. Pas longtemps, devant la colère du mari : elle s’enfile d’une traite le contenu de la fiole... préférant le poison pour avoir une mort lente et « aimer encore plus longtemps » Gaspard !

Je vous jure… Heureusement pour elle, un contre-poison donné par un médecin, appelé par un page, lui sauve la vie…

En attendant, Gaspard soupçonne deux pages :

  • il en emprisonne un au château des Ternes ;
  • l’autre est mutilé « par où il croyait qu’il avait pêché » et pendu sous les bras jusqu’à ce que mort s’ensuive.

Il fait même mourir de faim le premier dans ses oubliettes : Gaspard met « un bœuf au même régime que le reclus pour savoir qui, de la bête ou du page, résisterait le plus longtemps »…

Le château

Le château | ©Père Igor / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

Et hop, un enlèvement

Après des années passées à semer la terreur et la violence sur ses terres, Gaspard se fait condamner à mort à Riom, en septembre 1662.

Il se rend illico à Paris, demander la grâce de son ancien protecteur le duc de Guise. Il en profite pour enlever la fille d’un conseiller au Parlement.

Le conseiller se plaint au roi ? D'Espinchal enlève le conseiller !

Mais comme on était à Paris et pas en Auvergne, l’affaire fait scandale et le sieur doit retourner aux Ternes.

D’Espinchal continue ses embrouilles et ses crimes...

Et crac, la chute du petit

Nouvelle affaire : sa femme avait accouché d’un fils.

Or un jour, le petit tombe de cheval et se blesse le bas-ventre, « ce qui exigea un traitement très difficile. Comme il ne réussissait pas et que la gangrène pouvait s’y mettre, l’avis d’un habile médecin fut de faire une opération. »

Sauf que les ragots murmurent qu’il n’y a jamais eu d’accident : c’est Gaspard, qui lui a fait subir une opération.

Il suppose cet enfant illégitime, il fallait le rendre stérile « dans le dessein qu’il ne put point avoir de successeur »...

On ne sait pas la réalité, entre les rumeurs et les faits réellement répréhensibles.

En tous cas, maintenant, les rumeurs allaient bon train sur la cruauté d’Espinchal : et une dénonciation, encore une, arrive aux oreilles du roi.

On ordonne la tenue des Grands-Jours d’Auvergne.

Le château

Le château | ©VKaeru / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

Les Grands-Jours d’Auvergne

Ce sont des tribunaux exceptionnels, du Moyen Âge jusqu’à la fin de l’Ancien régime : on y juge des affaires déjà vues par des magistrats locaux, ou des affaires dont le dénouement ne satisfait personne.

On fait appel à des magistrats étrangers à la province en question, et tout devait ramener la paix et la justice. Normalement…

Ceux d’Auvergne durent de septembre 1665 à janvier 1666.

On devait juger des abus de nobles de la province. Malheureusement, sur les milliers d’affaires, seuls quelques seigneurs sont vraiment envoyés à la potence…

Quand les juges arrivent à Clermont-Ferrand pour la tenue des Grands-Jours, d’Espinchal pavane, se montre.

Pire :

« Il trompa la vigilance de tous les prévôts. Il les rencontra, il leur parla même, si bien déguisé et faisant si bien l’honnête homme qu’ils ne le reconnurent pas. On ne put s’en saisir et il fut condamné par contumace à avoir la tête tranchée. »

Condamnation à mort, avec son château de Massiac rasé, ses biens confisqués.

Les Ternes échappent à la démolition.

Figurez-vous que le gouverneur de la province, le duc de Bouillon, le protégeait…

Un tour en Bavière pour échapper au pire

Et en plus, connaissez-vous la meilleure ?

D’Espinchal était allé se mettre au service de la Bavière, pour échapper aux poursuites en France !

Il se fend même d’une lettre au lieutenant criminel : il pouvait venir l’arrêter, il les attendait à la tête de 60 000 hommes. Le gros malin !

En Bavière, le roi est séduit par Gaspard : il le fait capitaine général de ses gardes du corps.

Il reçoit même le commandement d’une armée, dans la guerre contre la France. Incroyable !

Et quand il revient en Auvergne, Louis XIV lui pardonne, lui donne récompenses et titres.

Faisait-il de l’espionnage, en Allemagne ? Avait-il négocié le mariage du dauphin avec Marie de Bavière ? Peut-être bien.

Il se fait même construire à Massiac la maison que l'on voit toujours (l’actuelle mairie).

D’Espinchal meurt très vieux pour l’époque, à 77 ans, après avoir réparé ses erreurs passées à grands coups de bonnes œuvres chrétiennes.

Il a été inhumé dans la chapelle de l’église Saint-André de Massiac.

Sources

  • Mémoires de Fléchier sur les grands jours, tenus à Clermont en 1665-66.
  • Jean-Baptiste Déribier du Châtelet. Dictionnaire statistique ou histoire, description et statistique du département du Cantal. 1856.
  • Annette Pourrat. Guide de l’Auvergne mystérieuse. Éditions Tchou, 1980.
  • Eugène Bonnemère. La France sous Louis XIV. 1865.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !