Bienvenue chez l’abbé Michon, touche-à-tout archéologue et voyageur… le père de la graphologie !
Le château de l'abbé
Il ne reste que du château originel et médiéval de Montausier la tour de Montausier.
À la base, un vieux château dont l’origine se perd loin dans le temps... Sa destruction date de 1793.
Rasé intégralement, sauf notre tour ! Mais ce n’est pas elle qui nous intéresse.
C’est ce petit manoir à l’allure étrange, un peu plus loin. Il a été construit dès 1871 : il s’agit du manoir de l’abbé Michon, du nom de l’abbé Jean-Hippolyte Michon, le fondateur de la graphologie.
Il achète le domaine en 1849, mais comme il voyage beaucoup, il ne s’y fixe qu’à partir de 1877, jusqu’en 1881, à sa mort, ici même.
Mais qui se cache derrière ce Jean-Hippolyte Michon ?
L'abbé Michon
Un incroyable touche-à-tout
Né en 1806 en Corrèze, c’est un garçon vif, curieux, indépendant. Il se voue très tôt à la vie religieuse.
Mais en 1848, le voilà qui abandonne tout, calice et soutane, pour se consacrer à la science !
Oh, en fait, cela ne s’était pas fait par hasard, sans signe annonciateur…
L’idée lui trottait déjà dans la tête depuis longtemps. L’abbé avait déjà moult casquettes : architecte, archéologue, botaniste, géologue, dessinateur...
Marcheur infatigable, il a bourlingué plusieurs années entre les déserts brûlants d’Orient et l’Europe, prêchant et faisant des conférences (c’est un très bon orateur), tant religieuses que graphologiques.
Historien passionné, il fonde la Société archéologique et historique de la Charente en 1844.
Il commence aussi à écrire. Il publie Histoire de l’Angoumois, Vie de Jean-Joseph-Pierre Guigou évêque d’Angoulême, Statistique monumentale de la Charente, Monographie du château de Larochefoucauld, La Révolution et le clergé…
Mais c’est la graphologie qui commence à le titiller de plus en plus. Il collectionne les autographes et les étudie pendant 30 ans !
Les bases de la graphologie
La graphologie, au 19e siècle, c’est tout nouveau, tout beau. Littré a été le premier a l’ajouter dans son dictionnaire :
« La graphologie est l’étude par laquelle on croit pouvoir parvenir à connaître l’état moral, les aptitudes et les dispositions d’une personne par la forme des lettres et des traits de son écriture. »
On est en 1877. Bien sûr, au début, ses détracteurs sont nombreux. Gna gna, ce n’est pas une vraie science, tout ça…
Les premiers balbutiements de la graphologie, on les a eus avec un professeur de Bologne, en 1622, Camillo Baldo.
Il publie Traité pour apprendre à connaître par une seule lettre-missive la nature et la qualité du scripteur. Il affirme pouvoir juger du caractère d’un être en scrutant son écriture...
Mais voilà notre abbé Michon, qui va poser les principes de cette science, batailler, travailler dur, lutter avec énergie.
Michon devient le premier à lui donner un nom, la graphologie (du grec graphein « écrire » et logos « science »), et la vulgariser avec des règles simples.
Il publie à ce sujet :
- Méthode pratique de graphologie ;
- Système de graphologie ;
- L’art de connaître les hommes d‘après leur écriture ;
- Dictionnaire des notabilités contemporaines jugées d’après leur écriture ;
- et même… Histoire de Napoléon Ier jugée d’après son écriture !
La graphologie au château
Le premier congrès de graphologie a lieu chez l’abbé, au château de Montausier, en juillet 1880. Il dure 3 jours.
Bulletin de la Société des lettres, sciences et arts de la Corrèze (tome 14, 14e année, 1892) rapporte que cela se passe sous une grande tente dressée dans le parc.
Michon préside 6 séances en tout, ici.
La petite vie de l'abbé à Montausier
L’abbé Michon laissait une petite voiture et un cheval, chez son frère médecin à Baignes-Sainte-Radegonde, non loin du château.
À la belle saison, il allait la récupérer et trottait, outils en poche, farfouiller à la recherche de minéraux et de plantes, avant de revenir au manoir consigner ses trouvailles.
Michon a une vigne qu’il exploite, non loin du château : il ne gagne pas beaucoup d’argent, sa vigne lui permet de subsister !
Il creuse même dans le tuf une grotte qu’il habite, les beaux jours venus.
Le reste du temps, il le passe à Paris ou en voyage.
Quid du château de Montausier ? Michon le fait construire (d’après ses propres plans) pour sa nièce : elle aura un pied-à-terre en Charente, près de la grotte de son oncle ! Michon y invite dès lors sa belle-sœur, son neveu.
74 ans et toutes ses dents, l’abbé n’arrête jamais : il se lève à l’aube, écrit, fait des boutures dans sa vigne, re-écrit un article, taille les arbres de son jardin… le dimanche, il part dire la messe à l’église voisine de Baignes.
Un immense héritage
Jean-Hippolyte Michon s’éteint d’une fluxion de poitrine dans son château charentais, le 8 mai 1881.
Il laisse derrière lui la graphologie, qui encore aujourd’hui divise beaucoup : science, pseudo-science, grand n’importe quoi ?
Celle qui peut nous en dire plus sur nos traits de caractère est encore très utilisée dans le monde du travail, pour choisir des candidats. En tous cas en France...
L’abbé Michon crée aussi en 1871 la Société de graphologie, la S.F.D.G., qui existe encore aujourd’hui à Paris : elle se trouve au 5 rue des Chanaleilles.
Sources
- Auguste Glardon. La graphologie. In Bibliothèque universelle et revue suisse (tome 52, 96e année, 3e période). 1891.
- F. Longy. Le canton d'Eygurande. In Bulletin de la Société des lettres, sciences et arts de la Corrèze (tome 14, 14e année). 1892.
- M. Varinard. Notice historique sur Jean-Hippolyte Michon. In Bulletin de la Société scientifique, historique et archéologique de la Corrèze (tome 17). 1895.