
La Peau de chagrin
Saviez-vous que le château savoyard de Bourdeau a servi de cadre à un passage de La Peau de chagrin (1831) ? Un excellent roman fantastique, signé Balzac : il fait partie de la Comédie humaine.
L'histoire ? Allez, on vous rafraîchit la mémoire ! Raphaël de Valentin, le héros, un aristo âgé d'une petite trentaine, veut en finir... il est ruiné ! Mais le destin lui met un mystérieux antiquaire dans les pattes : celui-ci lui montre une peau de chagrin, talisman qui exauce tous les désirs.
À un prix, vous vous en doutez... elle réduit la vie de son propriétaire, à chaque vœu. Raphaël accepte tout de même de signer le pacte : ses voeux les plus fous se réalisent ! Mais sa santé décline, à mesure que la peau rétrécit. Et Raphaël n'arrive pas à freiner ses envies... Si vous ne l'avez pas lu, on ne vous racontera pas la fin !

La Peau de chagrin et le château de Bourdeau : la scène du duel
Nous voilà donc au moment du roman où le héros, grâce à la peau, est redevenu riche. Il écume les salons mondains de Paris et de province. Mais chaque voeu le rapproche de la mort... sa santé est minée, un mal mystérieux le ronge. Étrange ! Aucun medecin ne peut le soigner.
On finit par l'envoyer en cure à Aix-les-Bains, en Savoie. Lors d'une soirée, un jeune homme le provoque en duel. Pari relevé ! Hé, oui, Raphaël ne craint rien, la peau le protège... Il tue donc son rival, sans être blessé. Avant de constater, avec horreur, qu'encore une fois, la peau a rétréci...
Balzac situe donc son duel au château de Bourdeau (ou Bordeau). Ancienne maison-forte du 11e siècle, remaniée et restaurée au 19e siècle, il s'agit de l'un des plus vieux châteaux de Savoie. Il surplombe le lac du Bourget d'une centaine de mètres, assis au pied du mont du Chat.

« Raphaël sortit du salon, passant pour l’offenseur, ayant accepté un rendez-vous près du château de Bordeau, dans une petite prairie en pente, non loin d’une route nouvellement percée par où le vainqueur pouvait gagner Lyon. Raphaël devait nécessairement ou garder le lit ou quitter les eaux d’Aix. La société triomphait. Le lendemain, sur les huit heures du matin, l’adversaire de Raphaël, suivi de deux témoins et d’un chirurgien, arriva le premier sur le terrain.
— Nous serons très-bien ici, il fait un temps superbe pour se battre, s’écria-t-il gaiement en regardant la voûte bleue du ciel, les eaux du lac et les rochers sans la moindre arrière-pensée de doute ni de deuil. Si je le touche à l’épaule, dit-il en continuant, le mettrai-je bien au lit pour un mois, hein ! docteur ?
— Au moins, répondit le chirurgien. Mais laissez ce petit saule tranquille ; autrement vous vous fatigueriez la main, et ne seriez plus maître de votre coup. Vous pourriez tuer votre homme au lieu de le blesser. »