Laure et Pétrarque
Coup de foudre
Oh, il ne reste plus grand chose, du beau couvent que les frères Cordeliers ont fait bâtir en 1233...
Juste un clocher ainsi qu'une petite chapelle...
Pourtant, saviez-vous qu'ici, la tendre Laure aimée de Pétrarque reposait dans la chapelle du couvent ?
Laure de Noves naît à Avignon en 1310, fille d'Audibert de Noves et d'Ermessende de Réal.
Elle épouse en 1325 Hugues de Sade... l'ancêtre du marquis de Sade.
C'est par un beau matin du 6 avril 1327 que Pétrarque la voit pour la première fois, à la sortie de l'église Sainte-Claire d'Avignon.
Le célèbre poète italien vient s'installer à Avignon tout jeune, sa famille ayant été exilée de Florence par les guerres civiles.
Il tombe immédiatement amoureux de la belle et décide d'en faire sa muse. Il a 23 ans, elle en a 17.
Mais Laure est mariée...
Complètement mordu !
Éperdument amoureux, obsédé par son image, il écrit le Canzoniere (le Chansonnier) pour elle, entre Avignon et Fontaine-de-Vaucluse.
Pour célébrer sa noblesse, sa beauté...
Il l’attend, il est heureux de pouvoir ne serait-ce l’apercevoir qu'un court instant !
Là, il peut la voir en compagnie de dames avignonnaises, il l'entend chanter.
Là encore, il la regarde se promener le long de la Sorgue.
Et lorsqu'elle perd un gant, il court lui rapporter, pour que leurs deux regards se croisent...
Ils s’aimeront, il lui écrira de magnifiques poèmes :
« Bénis soient le jour, le mois, l'année Et la saison et l'heure et le moment, Et le pays, la rive fortunée Où ces beaux yeux m'ont soumis tendrement. Béni l'éveil de mon âme étonnée, Le premier trouble anxieux et charmant, L'arc et le trait d'où ma blessure est née Et dont mon cœur souffre un si long tourment. Bénis les cris qui me sortaient de l'âme Quand j'appelais par son doux nom ma dame, Les vœux, les pleurs, les soupirs que j'aimais, Les vers écrits pour la rendre immortelle, Et ma pensée où ne demeure qu'elle, Elle, elle seule et nulle autre jamais ! »
Le tombeau de Laure
Mais Laure meurt de la peste peu avant l'âge de 40 ans, en 1348.
Elle laisse 11 enfants à son mari. Pétrarque lui survivra encore 26 ans...
Voilà ce que dit la Biographie universelle ancienne et moderne (tome 31, article NOVES) sur la redécouverte du tombeau de Laure : en 1533, la ville d'Avignon obtient l'autorisation d'ouvrir sa sépulture.
À l'intérieur, quelques ossements, mais surtout une petite boite en plomb.
Dedans, un parchemin sur lequel on peut lire un poème en italien....
Pas le moindre doute, un poème écrit de la main de Pétrarque !
On dit que François Ier, de passage à Avignon la même année, fait écrire ces mots et les dépose dans la tombe :
« En petit lieu comprins vous pouvez voir Ce qui comprend beaucoup par renommée ; Plume, labeur, la langue et le savoir Furent vaincus par l'aimant de l'aimée. Ô gentille âme, étant tant estimée, Qui te pourra louer qu'en se taisant ? Car la parole est toujours réprimée Quand le sujet surmonte le disant. »
Le roi veut faire élever un plus beau tombeau à ses frais, mais le projet ne voit pas le jour.
La sépulture a probablement été détruite pendant la Révolution.
Source
- Jean-Paul Clébert. Guide de la Provence mystérieuse. Éditions Tchou, 1968.