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La tombe de Blanche d’Antigny, la Nana de Zola

Quand : 1840 - 28 juin 1874

Blanche d'Antigny | ©Society of Swedish Literature in Finland / CC-BY
Lieu de sépulture Funérailles Cimetière du Père-Lachaise

Blanche d’Antigny, actrice et courtisane, inspire à Émile Zola son personnage de Nana. Elle repose au Père-Lachaise, division 36 !

Nana / Blanche

L'enfance, la vie, la mort de l'héroïne de Zola font écho à celles de Blanche d'Antigny.

Mêmes origines populaires (moins miséreuses pour Blanche), mêmes débuts de courtisanes, mêmes succès fulgurants sur scène.

Viennent la vie d'oiseau de nuit dans les restaurants chics, l'argent, les grands couturiers, les rivières de diamants...

La dégringolade, ensuite, où la vie se révèle bien amère : l'une comme l'autre finissent sans un sou en poche. Elles succombent aussi toutes deux à une horrible maladie.

L’histoire de celle qui se cache derrière Nana, Blanche d’Antigny

De la Brenne à Paris

Notre histoire commence à Martizay, au cœur de la sauvage Brenne berrichonne.

Marie-Ernestine Antigny y naît, en 1840. Son père, Jean, est menuisier, sa mère Eulalie Guillemain, ménagère.

Elle quitte son Indre natale toute jeunette pour la capitale :

« Elle avait le diable au corps. Son sang bouillonnait dans ses veines, toute sa nature exubérante se cabrait. C’était un véritable boute-en-train. »

À Paris, on la retrouve à deux doigts d’entrer au couvent… non… elle ? Impossible !

Comme le cheval qui s’ébroue, elle se ravise, devient d’abord vendeuse en mercerie rue du Bac.

Ça ne manquerait pas un brin d’aventures ? La petiote de 16 ans n’a pas quitté son Berry pour cela, tout de même ?

Rassurez-vous... De simple écuyère (elle apprend le métier avec un amant roumain qu’elle suit à Bucarest), elle devient courtisane.

Elle s’impose avec sa beauté blonde à la peau diaphane et aux yeux verts. Une cocotte, comme on dit…

Blanche d'Antigny

Blanche d'Antigny | ©Paris Musées - Musée Carnavalet / CC0

La Russie...

Et puis, Blanche se dit un jour qu’elle ferait bien un tour en Russie, au bras du diplomate russe qu’elle a séduit, Alexandre Gortchakov, 65 printemps.

Elle ? Elle a 22 ans, elle est pétillante, elle fait tourner toutes les têtes, là-bas, et devient Blanche d’Antigny : notre Berrichonne a gagné une particule, avez-vous remarqué ?

Mais la tsarine fait expulser du pays celle qui a eu une conduite très peu orthodoxe… oui, un comble en Russie !

Blanche d'Antigny

Blanche d'Antigny | ©Paris Musées - Musée Carnavalet / CC0

... puis Paris, encore !

Retour en France en 1865 : Blanche, devenue riche à millions, use de tous ses charmes pour monter sur les planches, après une formation expresse de comédienne : la voilà à l’affiche des opérettes d’Offenbach.

Un succès ! Est-elle bonne actrice, au moins ?

Bof, car comme dit Barbey d’Aurevilly dans Le théâtre contemporain :

« Ce n’est pas une actrice, c’est une intrigue. Ses diamants jouent mieux qu’elle » !

Nana, Zola, les Rougon-Macquart

Nana

Alors, voyons un peu Zola et sa fresque monstre, sa saga des Rougon-Macquart ou Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le Second Empire !

Tout est dans le titre… ladite saga comprend 20 romans, publiés entre 1871 et 1893 !

Nana, le 9e, paraît en 1880. Celui-ci retrace le parcours éphémère de l’héroïne, comédienne et courtisane, de ses débuts miséreux à sa chute finale, en passant par ses succès sur scène.

Nana, c'est la fille de Gervaise et de Coupeau, les héros de L’Assommoir.

Blanche d'Antigny

Blanche d'Antigny | ©Paris Musées - Musée Carnavalet / CC0

La mort de Nana, tout un symbole

La mort horrible du personnage de Zola, seule, dans une chambre d’hôtel, frappe fort, symboliquement parlant : elle représente la fin du Second Empire, avec le début de la guerre franco-prussienne !

Nana meurt de la variole. Une maladie qui se caractérise, entre autres, par une impressionnante éruption cutanée sous forme de pustules remplies de pus.

Justement, voilà la fin de Nana, par le grand Émile :

« Nana restait seule, la face en l’air, dans la clarté de la bougie. C’était un charnier, un tas d’humeur et de sang, une pelletée de chair corrompue, jetée là, sur un coussin. Les pustules avaient envahi la figure entière, un bouton touchant l’autre. Et, flétries, affaissées, d’un aspect grisâtre de boue, elles semblaient déjà une moisissure de la terre, sur cette bouillie informe, où l’on ne retrouvait plus les traits. Un œil, celui de gauche, avait complètement sombré dans le bouillonnement de la purulence ; l’autre, à demi ouvert, s’enfonçait, comme un trou noir et gâté. Le nez suppurait encore. Toute une croûte rougeâtre partait d’une joue, envahissait la bouche, qu’elle tirait dans un rire abominable. Et, sur ce masque horrible et grotesque du néant, les cheveux, les beaux cheveux, gardant leur flambée de soleil, coulaient en un ruissellement d’or. Vénus se décomposait. Il semblait que le virus pris par elle dans les ruisseaux, sur les charognes tolérées, ce ferment dont elle avait empoisonné un peuple, venait de lui remonter au visage et l’avait pourri. »

La mort et les funérailles de Blanche

La mort de Blanche d'Antigny

C’est une Blanche complètement ruinée, poursuivie par ses créanciers, délaissée par ses amis, qui s'éteint au 93 boulevard Haussmann, le 28 juin 1874, à 34 ans.

Son agonie inspire donc fortement Émile Zola pour mettre en scène la mort de Nana...

Mais contrairement à son héroïne que la variole emporte, Blanche succombe de « fièvre typhoïde compliquée des premiers symptômes de la phtisie. »

Tout comme Nana, la maladie la défigure, la laissant méconnaissable. Terrible, pour la belle devant qui le Tout-Paris s'agenouillait !

Elle meurt seule, dans une chambre d'hôtel déserte et silencieuse...

La tombe de Blanche

La tombe de Blanche | ©Pierre-Yves Beaudouin / Wikimedia Commons / CC BY-SA

Les funérailles au Père-Lachaise

Le quotidien La Liberté (1/07/1874) rapporte que la cérémonie religieuse a été célébrée à l’église Saint-Augustin.

Le convoi suivant le cercueil recouvert de couronnes, se compose d'une trentaine de voitures (hallucinant !), avec le père de Blanche en tête.

On compte ensuite une foule silencieuse évaluée à 1000 personnes.

On doit la construction de la chapelle où repose Blanche au Père-Lachaise à son amie comédienne Caroline Le Tessier : une tombe aujourd’hui tristement à l’abandon…

Source

  • Guy Vauzat. Blanche d'Antigny, actrice et demi-mondaine. 1933.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !