Le château de Lourdes, terrible Bastille des Pyrénées

De 1650 à 1803

Le châteauLe château | ©Mentnafunangann / CC-BY-SA

1000 ans d'histoire !

Du haut de ses 1 000 ans d’histoire, sur son piton rocheux, le château de Lourdes a presque tout connu.

Depuis le siège légendaire de Charlemagne en 778, qui lui laisse son nom, jusqu’à devenir la possession des rois de France sous Philippe le Bel, puis celle des Anglais par le traité de Brétigny, en 1360.

Aujourd’hui paisible musée des traditions pyrénéennes (depuis 1921), il a su aussi montrer une facette plus sombre. Celle d’une prison d’État.

Château de Lourdes (1860)Château de Lourdes (1860) | ©Bibliothèque patrimoniale de Toulouse - Rosalis

La Bastille des Pyrénées

Au 17e siècle, jusqu’au début du 19e siècle, le château de Lourdes devient prison d’État : on ne la connaîtra plus que sous le terrible nom de « Bastille des Pyrénées. »

Évocateur, vous ne trouvez pas ?

Le diplomate helléniste comte de Marcellus, qui a visité la région de Lourdes, au 19e siècle, écrit ces vers bien sentis sur le château-prison (Les lettres de cachet à Toulouse au XVIIIe siècle d'Auguste Puis, 1914) :

« Là, dans d'effroyables cachots, Entourés d'épaisses ténèbres, Plus d'un captif, couché sous ces voûtes funèbres, Attendrissait leurs lugubres échos, Par ses gémissements, ses pleurs et ses sanglots. Les rayons bienfaisants de la brillante aurore Lui portaient chaque jour un douloureux réveil Et la nuit, il puisait dans un triste sommeil La force de souffrir encore... »

Château de LourdesChâteau de Lourdes | ©Tylwyth Eldar / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

« Incivique et ivrogne »

La prison commence par accueillir des protestants, sous le règne de Louis XIV, puis à la Révolution, prêtres réfractaires ou émigrés.

Le registre d’écrou de cette fin de 18e siècle détaille les « crimes » des prisonniers. Et c'est... effarant !

« Incivique. Ayant refusé le baiser de paix au citoyen N. devant l’autel de la patrie. Tracassier. Ivrogne. De glace pour la Révolution. Caractère tartufe, réservé dans ses opinions. Caractère menteur comme un arracheur de dents. Pacifique Harpagon, indifférent pour la Révolution... »

Château de LourdesChâteau de Lourdes | ©Père Igor / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

Enfermés sur lettres de cachet

On enferme également à Lourdes les « mauvais garçons » : tout sauf de grands délinquants, mais leurs familles « respectables » veulent à tout prix s'en débarrasser.

C’est là où les lettres de cachet devenaient vos amies ! Délivrées au nom du roi, elles permettaient de régler (souvent de façon abusive) des litiges entre particuliers : liaisons extra-conjugales, troubles mentaux, rejetons turbulents et dépensiers…

Par ces lettres, les familles évitaient des procédures trop longues et voyaient le problème réglé sans faire de scandale.

Ainsi, en un claquement de doigt, votre vie basculait : direction les geôles moisies d'une sinistre forteresse, sans possibilité de sortie avant très longtemps…

Voilà ainsi plusieurs exemples de ces emprisonnements plus que contestables, à Lourdes, rapportés par l'Inventaire-Sommaire des Archives Départementales antérieures à 1790 : Gironde (tome 1, 1864) :

  • « 1778 - Jean Gabriel Darmana, renfermé dans le château de Lourdes pour irrégularité de conduite » ;
  • « 1779 - Étienne Amant Cressen, détenu au château de Lourdes pour excès » ;
  • « 1782 - les nommés Raimbault et Bernard Descatha, renfermés dans le château de Lourdes pour leur conduite scandaleuse »...
Château de LourdesChâteau de Lourdes | ©Père Igor / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

Quelques exemples de prisonniers

1767 : le duc de Mazarin

Le duc de Mazarin, prince de Valentinois (l’arrière-petit-neveu du célèbre cardinal), se fait emprisonner au château, à cause d’une histoire galante à la cour, en 1767.

Il se retrouve un jour à attendre devant la porte d’une jeune femme... en compagnie d’un autre homme ! L’amant de trop...

S’ensuit une bagarre. Notre prince se fait blesser à la jambe, mais on l’envoie tout de même à Lourdes plusieurs années, guérir sa jambe cassée et calmer son ardeur…

Apparemment, les conditions de détention ne sont pas si terribles que ça : le gouverneur du château lui demande même d’être le parrain de son fils ! Et quand il est libéré, le duc laisse des cadeaux à ses gardiens…

1763 : monsieur Boutan

En 1763, un certain sieur Boutan, conseiller au présidial d'Auch, accusé d'avoir envoyé des lettres anonymes, est enfermé au château de Lourdes.

Il écrira une lettre, comme une bouteille à la mer, au chancelier Lamoignon :

« Les rigueurs avec lesquelles je suis traité ici, toujours enfermé dans une chambre avec trois compagnons, de monter plusieurs fois par jour un escalier en vis de 101 marches pour la moindre nécessité, me tournent la tête et les jambes me manquent. J'ai résisté à l'hiver, mais je crains de succomber à l'été. Les supplices me seraient moins affreux que cet horrible cachot où j'ai actuellement la fièvre sans pouvoir me procurer le moindre secours, tant on est difficile à laisser entrer dans cette tour. »

1803 : lord Elgin

Après la Révolution française, qui rend leur liberté aux prisonniers du château, le Premier consul Bonaparte refait de la forteresse une prison d’État.

Cette fois, on compte des prisonniers de marque : à l'image de l’ambassadeur anglais lord Elgin, arrêté alors qu'il se trouvait aux thermes de Barèges, pour se soigner !

Thomas Bruce, dit lord Elgin (1766-1841), vous le connaissez indirectement : c’est lui qui fait transporter le décor sculpté du Parthénon d’Athènes à Londres !

Bref, pour en revenir à Lourdes, Elgin y est enfermé à la fin de l’année 1803, sur ordre du futur empereur Napoléon : retenu en otage afin d’obtenir, en échange, la libération du général Boyer, prisonnier, lui, en Angleterre !

Un notable et historien local, Bascle de Lagrèze, accuse même l’Anglais d’avoir profité de son incarcération, pour dépouiller le château de Lourdes de décors antiques romains...

Sources

  • Henri Lasserre. Notre-Dame de Lourdes. 1891.
  • Jean Robert. Lourdes : château et musée pyrénéen. 1971.
  • Alphonse Meillon. Excursions autour du Vignemale. Éditions des Régionalismes, 2023.