La statue de Jean-Honoré Fragonard à Grasse, le peintre rococo des scènes galantes

Statue de Fragonard, GrasseStatue de Fragonard, Grasse | ©Berthold Werner / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

De qui s'agit-il ?

Scènes de genre, paysages, portraits, peinture libertine évocatrice des alcôves de l'époque de Louis XV, au temps de l'insouciante période de la pré-Révolution française…

Jean-Honoré Fragonard (1732-1806) est l'un des principaux représentants du style rococo !

Célébrissime pour ses représentations de scènes galantes et frivoles, comme les mythiques Verrou ou Les Hasards Heureux de l'Escarpolette...

Le peintre est natif de Grasse (bien que la majorité de sa carrière se soit déroulée à Paris). Voilà qui méritait bien une statue, dans la belle ville provençale !

Statue de Fragonard : détailStatue de Fragonard : détail | ©Tony Bowden / Flickr / CC-BY-SA

Sa statue à Grasse

La statue en marbre est signée par le Parisien Auguste Maillard, réalisée et inaugurée en 1907.

Regardez ces détails ! Fragonard, assis sur un tronc d’arbre, est prêt à peindre, palette et pinceau en mains. Sous ses pieds, le sol est jonché de roses.

Derrière lui, une muse sous les traits d’une jeune femme qui a l’air de voler, légère, sourire aux lèvres.

Sans oublier l’Amour, l'emblématique chérubin froufroutant des œuvres rococo de Fragonard !

Statue de Fragonard : détailStatue de Fragonard : détail | ©Tony Bowden / Flickr / CC-BY-SA

Fragonard en deux mots !

  • Fragonard a eu pour maîtres les célèbres Chardin et Boucher ;
  • son cousin germain s'appelle Honoré Fragonard : célèbre anatomiste et vétérinaire connu pour ses impressionnants écorchés, conservés au musée Fragonard de Maisons-Alfort ;
  • en 1771, Fragonard réalise une célèbre commande pour le château de Louveciennes de Mme du Barry, favorite de Louis XV : une série de 4 toiles intitulée Les Progrès de l'amour. Finalement rejetées car jugées peu adéquates avec le décor du château, les toiles se retrouvent un temps dans l’atelier de Fragonard ; aujourd'hui, elles sont exposées à la Frick Collection (New York) ;
  • la mode néoclassique commençant à détrôner tout le reste, le succès n’est plus au rendez-vous pour Fragonard, dès 1774. Rongé par la mort de sa fille Rosalie en 1788, il part se réfugier à Grasse 2 ans plus tard. Son ancien élève David le sort de l’ombre : il le fait nommer conservateur du Muséum (futur Louvre), en 1793 ! Il occupe ce poste 7 ans ;
  • le temps de la retraite sonne pour Fragonard, en 1800 : entouré par famille et amis, « Bon Papa Frago » s’éteint en 1806. Il avait eu le temps de voir que les œuvres de son fils Évariste (élève de David), ainsi que celles de sa belle-sœur et élève Marguerite Gérard, connaissaient un beau succès !

Fragonard en 7 œuvres

Portrait de l'abbé de Saint-Non (1769)

Ce portrait du dessinateur et graveur ami du peintre fait partie de la série dite des « portraits de fantaisie », réalisée autour de 1769.

Identifiables au premier coup d’œil, ces portraits très vivants, aux touches rapides, ont été réalisés en une heure seulement : Fragonard n'attendait pas le séchage de la première couche de peinture, pour appliquer la seconde !

Les personnes représentées portent des tenues de fantaisie, à la mode espagnole. D’où leur nom !

L'abbé de Saint-Non (J.-H. Fragonard, 1775)L'abbé de Saint-Non (J.-H. Fragonard, 1775) | L'abbé de Saint-Non (J.-H. Fragonard, 1769) | ©Sailko / Wikimedia Commons / CC-BY

La Résistance inutile (1770)

À l’instar de ce tableau, certaines œuvres de Fragonard lui ont à jamais collé une image sulfureuse, que ce soient des scènes d'ébats fougueux, ou de jeunes femmes très légèrement vêtues.

Effectivement... on a ici, avec La Résistance inutile, une bataille de polochons, dans un lit où l'on ne sait pas qui domine, de Madame ou Monsieur !

Certains ont même vu des signes grivois, dans la forme équivoque desdits oreillers et polochons...

La Résistance inutile (J.-H. Fragonard, 1770)La Résistance inutile (J.-H. Fragonard, 1770) | ©Nationalmuseum / Public domain

La Lettre d'amour (1775)

Fragonard reprend ici la thématique de la lettre d'amour, largement déclinée dans la peinture flamande du 17e siècle, avec notamment Vermeer.

C'est aussi un clin d’œil au roman épistolaire, courant littéraire alors très en vogue, au 18e siècle.

La Lettre d'amour (J.-H. Fragonard, 1770)La Lettre d'amour (J.-H. Fragonard, 1770) | La Lettre d'amour (J.-H. Fragonard, 1775) | ©Metropolitan Museum of Art / CC0

Les Progrès de l'Amour (1773-76)

Voilà une composition plusieurs fois reprise par le peintre : L’Amour Folie, pendant de L'Amour Sentinelle.

Ces cupidons font partie de la série de 4 peintures intitulée Les Progrès de l'Amour : une commande de Mme du Barry, pour décorer son château francilien de Louveciennes.

Les toiles livrées ayant finalement été rejetées (jugées peu raccord avec le style du château), Fragonard les garde un temps chez lui, avant de les installer chez un cousin.

Il ajoute pour l'occasion 10 autres toiles sur le sujet de l'amour, dont L’Amour Folie et L'Amour Sentinelle.

L'Amour Sentinelle, L'Amour Folie (J.-H. Fragonard, 1773-76)L'Amour Sentinelle, L'Amour Folie (J.-H. Fragonard, 1773-76) | ©National Gallery of Art / CC0

L'Heureuse Famille (1775)

Fragonard, ce n'est pas qu'un peintre de scènes érotiques et émoustillantes !

Ce sont aussi de touchantes scènes de genre, dont voici l'une des plus célèbres.

L'Heureuse famille (J.-H. Fragonard, 1775)L'Heureuse famille (J.-H. Fragonard, 1775) | ©National Gallery of Art / CC0

Le grand escalier de la villa d'Este à Tivoli (1760)

Ne trouvez-vous pas que l'on retrouve un peu du célèbre peintre des ruines Hubert Robert, dans ce beau paysage italien ?

Il faut dire que Fragonard et Hubert Robert ont peint côte à côte, cet été de 1760, à Tivoli non loin de Rome !

Les deux artistes sont alors en plein milieu d’un voyage de 5 ans, en Italie.

Le mimétisme est tel, qu'une œuvre de Fragonard, Les Cascatelles de Tivoli (aujourd'hui au Louvre), a longtemps été attribuée... à Robert !

L'escalier de la villa d'Este (J.-H. Fragonard, 1760)L'escalier de la villa d'Este (J.-H. Fragonard, 1760) | ©Minneapolis Institute of Art / Public domain

Conversation à l'orée du bois (1773)

Le succès des scènes galantes et frivoles de Fragonard finit par faire son temps. La mode de ce que l’on allait appeler néoclassique commence à faire parler d’elle...

Inquiet, Fragonard se lance en 1773 dans un périple d’un an, qui l’emmène en Provence, en Italie et en Autriche : il en tire une série de superbes sanguines et de lavis, représentant pour la plupart des paysages.

À son retour à Paris en 1774, en tous cas, sa célébrité diminue bel et bien...

A Gathering at Wood's Edge (J.-H. Fragonard, 1773)A Gathering at Wood's Edge (J.-H. Fragonard, 1773) | Conversation à l'orée du bois (J.-H. Fragonard, 1773) | ©Metropolitan Museum of Art / CC0

Sources

  • Claude Manceron. La Révolution française : dictionnaire biographique. Éditions Renaudot, 1989.
  • Le monument de Fragonard à Grasse. In L’Illustration. 13 avril 1907.
  • Guillaume Faroult. Œuvres commentées de Fragonard : La Lettre d'amour. Site officiel du musée du Grand Palais, grandpalais.fr. 22 décembre 2015.