De qui s'agit-il ?
Decazeville, dans l'Aveyron, tient son nom d’Élie Decazes (1780-1860) homme politique et fondateur de l'usine à l'origine du développement sidérurgique de la ville.
L’un des plus jeunes premiers ministres français, dernier favori de l'Histoire, dixit François de Coustin, dans sa biographie parue chez Perrin.
Louis XVIII en fait son confident, le considérant... comme son fils !
Sa statue à Decazeville
Sa statue en bronze, dans le centre-ville de Decazeville, date de 1864. Une réalisation du sculpteur parisien Augustin Dumont.
On doit notamment à ce dernier :
- le Génie (1835) qui surmonte la colonne de Juillet, place de la Bastille ;
- le Napoléon au sommet de la colonne Vendôme (1863) !
En septembre 1943, menacée de réquisition par les Allemands pour être fondue, la statue est cachée dans les abattoirs de Decazeville, pendant plus d'un an !
- Decazes est représenté un livre dans la main gauche, l'index pointé vers le site sidérurgique de Decazeville ;
- son visage a été sculpté d'après son célèbre portrait par Gérard (1816).
Tout sur Élie Decazes en deux mots !
Proche des Bonaparte
Decazes naît dans une famille de notables aisés, avec des origines dans la bourgeoisie de province (Gironde).
Après des études de droit, il devient, via son beau-père qui l'introduit auprès de l'empereur, conseiller de Louis Bonaparte/roi de Hollande (1807) et de Laetizia, la mère de l’empereur.
Decazes reste fidèle à la famille impériale jusqu'à la chute de Napoléon Ier et le retour des Bourbons sur le trône.
Le mot qui fâche Napoléon !
Decazes accueille bien les Bourbons, après la chute de l'empereur en 1814.
Oublié, l’empereur ? En tous cas, lors du rapide retour de Napoléon en 1815, après son exil de l’île d’Elbe, Decazes... refuse de venir le féliciter !
Quelqu'un lui dit que la rapidité avec laquelle Napoléon Ier a traversé la France depuis le Sud, pour rejoindre Paris, montrait sa légitimité. Decazes répond : « Je n'ai jamais ouï-dire que la légitimité fut le prix de la course. »
Le mot arrive aux oreilles de l'entourage de l'empereur... qui se dépêche de l'exiler loin de la capitale !
L'affaire de la pseudo bière empoisonnée
Decazes succède au célèbre Fouché, comme ministre de la Police, en 1815.
Sa première affaire, confiée par Talleyrand ? La pseudo tentative d'empoisonnement de l'empereur russe Alexandre Ier, alors à Paris. Poison versé dans la bière favorite du Slave, parait-il…
Decazes n'a aucun mal à montrer que le poison est en fait de l'eau mélangée à du salpêtre, pour nettoyer les vitres !
C'est à cette occasion qu'il rencontre Louis XVIII, impressionné par la manière dont Decazes a résolu le problème… tout comme par ses traits avenants et ses bonnes manières !
Favori et fils adoptif du roi !
Favori de Louis XVIII, Decazes devient vite son confident. Le roi est veuf, sans enfants. Seul. Il l'appelle « mon fils. »
« Ne songez-vous jamais que vous avez un père ? Je songe si souvent que j’ai un fils. Confiez-vous à votre père », lui dit un jour le roi !
De quoi déchaîner la haine des ultraroyalistes, qui voient Decazes comme un mignon, un « parasite vulgaire de basse extraction », dixit Vial : l'un d'eux le traite même de « champignon » !
Plus jeune premier ministre !
À 39 ans, en 1819, ce royaliste modéré, bête noire des ultras, favorables à une monarchie absolue, devient le plus jeune Premier ministre que la France ait connu !
À l'époque, d'ailleurs, on ne parle pas encore de Premier ministre, mais de président du Conseil des ministres : titre créé en 1815 et porté le premier par Talleyrand, jusqu'à son abrogation en 1959.
Échec et mat pour Decazes
Ministre de l'Intérieur en décembre 1818, Premier ministre en 1819, au faîte de sa gloire, Decazes est pourtant tenu responsable par les ultras de l'assassinat du duc de Berry, neveu de Louis XVIII, en février 1820. Le seul capable de donner un héritier aux Bourbons, c’est bête !
C’est la goutte d’eau, la fin du favori trop modéré : Decazes doit démissionner. Louis XVIII doit aussi s'en défaire : il l'éloigne en le nommant ambassadeur à Londres.
Un héros de roman balzacien !
Decazes inspire à Honoré de Balzac plusieurs célèbres personnages de sa Comédie humaine : notamment celui d'Henri de Marsay, qui apparaît dans Les Illusions perdues ou Splendeurs et misères des courtisanes.
Decazeville, la fondation
Une fois retiré de la vie politique, grâce à son formidable carnet d’adresses, Decazes fonde, en 1825, la Compagnie des houillères et fonderies de l'Aveyron.
Son but ? Faire de la région un pôle sidérurgique majeur ! Il installe son entreprise dans un petit hameau pauvre et hirsute, alors appelé Lassalle : Lasalle se fera rebaptiser Decazeville, en son honneur.
En 1842, Decazeville possède la plus grande usine sidérurgique de France. Après un bel âge d'or, le dernier puits ferme en 1966, mais la dernière mine à ciel ouvert, dite La Découverte, est exploitée jusqu'en 2001. Le seul vestige de cette industrie encore visible aujourd’hui.
Sources
François de CoustinÉlie DecazesPerrin, 2020
Charles-Éloi VialLes derniers feux de la monarchiePerrin, 2016
Marie-Françoise Ribadeau-Dumas, Roland ChabbertStatue du duc DecazesRégion Occitanie, 2006Inventaire général Région Occitanie, inventaire.patrimoines.laregion.fr