
Le fort de Brégançon, sur son rocher situé 35 mètres au-dessus de la Méditerranée, à Bormes-les-Mimosas (Var), a une bien longue histoire derrière lui. Et de nombreuses petites histoires... L'une d'elle nous emmène en 1348, quand la reine Jeanne Ire de Naples (1326-1382), comtesse de Provence, est venue se réfugier au fort... après, dit la légende noire, avoir fait assassiner son mari !
Une reine débarque à Brégançon
Fin janvier 1348. Qu'il paraît sinistre, le fort varois de Brégançon, sous la chape grise d'un ciel d'hiver ! Une silhouette debarque dans le petit port de Brégançon, d'une des galères affrétées par le Marseillais Jacques Galbert.
Voilà qu'arrive d'Italie Jeanne Ire de Naples, comtesse de Provence.
Par son père, elle descend du roi de France Louis VIIII. Sa mère s'appelle Marie de Valois : la demi-sœur du roi de France Philippe VI !
Femme au parfum de scandale, reine pendant 40 longues années, Jeanne s’est mariée 4 fois, a collectionné les amants, aurait même été jusqu'à faire assassiner son premier mari. Après la mort du 2e conjoint, elle règne en toute autonomie, faisant en sorte que les maris suivants ne soient plus que des princes consorts...

Poursuivie pour assassinat, elle trouve refuge à Brégançon
Mais revenons à l'arrivée de la reine à Brégançon. Jeanne est fébrile. Elle ne connaît plus aucune tranquillité ! On la soupçonne très fortement d'avoir fait étrangler son premier mari, André de Hongrie, en 1345... Elle a dû fuir son royaume napolitain, envahi par son beau-frère, qui réclame vengeance.
Voilà pourquoi elle trouve refuge dans le Var, sur ses terres provençales. Derrière les murs épais et protecteurs du fort de Brégançon. Histoire que les choses, comme on dit, se tassent...
Le site du fort de Brégançon est occupé dès l'Antiquité. Mais c'est durant le Moyen Âge que la place devient forteresse : d’abord sous l’autorité des comtes de Provence, avant d'être inclus dans le domaine de la couronne de France, en 1246, lors du mariage de Béatrix de Provence avec Charles d’Anjou, frère du roi de France Louis IX. Les membres de la maison d'Anjou sont les bienvenue : ça tombe bien, Jeanne en fait partie !

Une reine qui entend se faire innocenter
Le fort est un refuge idéal, dans la fuite en avant de la reine. Un répit salutaire de quelques jours, avant de rejoindre Marseille, puis Avignon, et qui sait, très vite, rentrer à Naples ?
Effectivement, à Avignon, Jeanne espère rencontrer le pape Clément VI. Afin qu'il l'innocente du meurtre de son premier mari, pardi ! Et l'autorise à épouser le second. Le souverain pontife accepte...
Sur le chemin du retour vers Naples (les poursuites du beau-frère vengeur se sont calmées), Jeanne s'arrête à nouveau à Brégançon, fin juillet.
Avant de quitter le fort, elle le cède à Jacques Galbert, l'armateur marseillais qui l'avait amenée sur l’un de ses navires, lors de sa fuite de Naples. Pour ne plus jamais revenir en Provence. En Italie, elle convolera encore 3 fois, régnera 40 ans sur le royaume de Naples et mourra, déchue de son trône, en prison... mais ça, c'est une autre histoire !
Sources
Maïté Billoré, Gilles LecuppreMartyrs politiques (Xe-XVIe siècle)Presses universitaires de Rennes, 2019
Jean FavierLes papes d'AvignonÉditions Fayard, 2006