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La première du Mariage de Figaro au théâtre de l'Odéon, en 1784 !

Quand : 1784

La façade | DXR / CC-BY-SA
Salle de spectacles Théâtre de l'Odéon de Paris

Saviez-vous que le Mariage de Figaro a été joué au théâtre de l’Odéon pour la première fois, en 1784 ?

Retour sur la genèse de cette pièce qui préfigure la Révolution, écrite en 1778, et zoom sur la folle journée qu'a été la première, à l'Odéon !

Une pièce qui picote où ça fait mal

Le Mariage de Figaro, du point de vue historique, c’est quoi ?

La pièce pré-révolutionnaire dans toute sa splendeur !

Avec ses idées qui picotent, qui critiquent l'ordre établi depuis des siècles :

• les privilèges d’un autre temps, l’aristocratie, l'inégalité entre les Hommes.

« Qu'avez-vous fait pour tant de biens ? Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus », dit Figaro à son maître. Ah là là, très osé, pour l’époque !

• la condition des femmes, les hommes qui les oppressent : « traitées en mineures pour nos biens, punies en majeures pour nos fautes. »

• la liberté d'expression : « Sans la liberté de blâmer, il n'est pas d'éloge flatteur. »

L'histoire ?

On suit l'histoire de Figaro, le valet du comte Almaviva. Figaro s'apprête à épouser Suzanne, la camériste de la comtesse.

Les deux tourtereaux ne peuvent pas se marier sans le consentement du comte... or, Almaviva menace Suzanne de s'opposer à la noce, si elle refuse ses avances.

Mise au courant par le couple de héros, la comtesse va se venger de son goujat de mari...

Un mari qui finit par se faire ridiculiser, lors d'un faux rendez-vous galant : il demande pardon à genoux à sa femme, et Figaro peut enfin épouser Suzanne.

Toute l'intrigue se déroule en une journée, d'où le sous-titre de la pièce... La Folle Journée !

Scène des Noces de Figaro

Scène des Noces de Figaro | ©Rijksmuseum / CC0

Beaumarchais l’insolent

Celui qui ose tout est un petit horloger, lui-même fils d’un horloger parisien. Lui, le roturier né Caron, devenu M. de Beaumarchais après son mariage.

« Pour réussir, il faut être bien né », fait-il dire à son Figaro.

Non : la preuve, Beaumarchais s’élève petit à petit à la Cour de Versailles. Par des relations, des hasards. Espion pour Louis XVI, sa plume acérée va le rendre célèbre.

Il écrit son Mariage de Figaro en 1778, à l'âge de 46 ans.

Sur quoi on voit Beaumarchais courir dans tout Paris pour organiser des lectures, dans les salons à la mode, histoire de faire connaître sa pièce. Résultat ? Un succès fou...

En 1781, les acteurs de la Comédie-Française acceptent de jouer le Mariage.

Mais la pièce passera-t-elle l'épreuve de la censure et de la lecture du roi ?

Beaumarchais

Beaumarchais | ©Austrian National Library (ÖNB) / Public domain

Ça sent la Révolution !

Le Mariage de Beaumarchais se fait bien sûr censurer !

D’ailleurs, quand on lit la pièce pour la première fois à Marie-Antoinette et Louis XVI, en 1782, c’est le choc.

On apprend ceci dans les Mémoires de Mme Campan.

Louis (XVI) chouine :

« C'est détestable, cela ne sera jamais joué. Il faudrait détruire la Bastille pour que la représentation de cette pièce ne fût pas une inconséquence dangereuse. Cet homme (Beaumarchais, ndlr) se joue de tout ce qu'il faut respecter dans un gouvernement. »

Marie-Antoinette fait une moue déçue.

Beaumarchais, lui, doit rapidement faire des modifications à sa pièce, s'il espère la voir jouer un jour !

Censure !

On a vu que la pièce de Beaumarchais circulait déjà un peu, dans les salons littéraires parisiens, depuis sa création en 1778.

Sans avoir été jouée, à part une fois en petit comité privé, en 1783.

Mais là, le roi la censure encore. 6 fois de suite.

Effet inverse ! La censure excite les curiosités. On veut lire la pièce !

Des nobles organisent des lectures chez eux, dit Beaumarchais et son temps (Louis de Loménie, vol 2, 1873).

Par exemple chez Mme de Lamballe : un certain duc de Fronsac, bête comme ses pieds, se sent visé par la pièce.

Mais comme il est dit « il n’y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits » et qu’il ne veut pas passer pour un petit homme, il fait bonne figure !

Beaumarchais reprend sa pièce une nouvelle fois, change quelques petits détails et la diffuse plus largement. Succès !

L'Odéon vers 1780

L'Odéon vers 1780 | ©Paris Musées - Musée Carnavalet / CC0

La première à l’Odéon

Enfin, le 25 avril 1784, c’est la grande première à l’Odéon : un triomphe, on en redemande !

Mme Campan dit qu’à la 72e représentation, il y avait autant de monde qu’à la 1re !

Tout Paris débarque. On voit une duchesse « envoyer dès 11 h des valets de pied au guichet, attendre la distribution des billets indiquée pour 16 h seulement. »

« Des femmes de qualité oubliant toute décence et toute pudeur, s’enferment dans les loges des actrices dès le matin, y dînent et se mettent sous leur protection dans l’espoir d’entrer les premières. »

Sans compter « la garde dispersée, des portes enfoncées, des grilles de fer n’y pouvant résister, et brisées sons les efforts des assaillants. »

3 personnes meurent étouffées dans la foule...

Conclusion

Quand on sait qu’en 1785, Marie-Antoinette fait donner une représentation du Mariage, où elle joue elle-même le rôle de la comtesse...

Alors, Louis XVI trouvait-il toujours la pièce « détestable et injouable » ?

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !