La porte Mordelaise et le siège de Rennes de 1356 : les 4000 cochons des Anglais

De 1356 à 1357

La porteLa porte | ©Pymouss / CC-BY-SA

Vous voulez une tranche d’anecdote pittoresque ? Alors vous êtes au bon endroit !

Une horde de cochons, des Anglais qui font le siège de Rennes en 1356, des habitants qui ne comptent pas se laisser faire…

Petit rappel sur le contexte historique

« L’anecdote des cochons » se déroule pendant le siège de Rennes, en 1356 : un épisode de la guerre de Succession bretonne.

Deux mots sur ce conflit, histoire de situer le contexte, vous voulez bien ?

Le duc de Bretagne meurt sans héritier en 1341 : une guerre civile va embraser tout le pays, pour s'emparer de la couronne.

Deux prétendants se déchirent : Jean de Montfort d’un côté, soutenu par les Français, Charles de Blois de l’autre… épaulé par les Anglais.

D’où la présence desdits Anglais, qui assiègent Rennes en 1356 !

La ruse des Anglais

En fait, les Anglais décident, non pas d’assiéger la ville, mais d’en faire le blocus.

Cela dure un poil plus longtemps, mais la technique est efficace : on attend que les habitants finissent leur vivre, crèvent de faim, et demandent la reddition.

Commencé le 3 octobre 1356, le siège, comme prévu, traîne en longueur. Les Rennais n'ont plus grand-chose à se mettre sur la dent...

L'ennemi le sait. Et compte en tirer profit !

C’est le chef des Anglais, Lancastre, qui a l'idée de mettre une véritable horde de porcs, juste devant la porte Mordelaise.

4000 bestioles, dit l’Histoire !

Il compte sur ce que les Rennais, affamés, soient assez idiots pour sortir et se précipiter sur les porcelets, en laissant les portes de la cité grandes ouvertes !

Comment faire ?

Là, on se dit : pas bête, l'Anglais !

Oui, mais à l’époque, Rennes est défendue par un vétéran : Guillaume de Penhoët, surnommé Tors Boiteux.

Commandant de la ville, mais aussi parrain du célèbre Bertrand du Guesclin !

Penhoët, on ne la lui fait pas. Il flaire le piège à des ki-lo-mètres !

« Laissez, grogne-t-il à ses gens, nous aurons les porcs des Anglais sans courir aucun risque ! »

Comment ? Vous allez voir.

Marée porcine !

Penhoët attrape une truie et la fait suspendre par les pattes arrières, à la poterne de la porte Mordelaise.

Furieuse, la bestiole se met à gigoter au bout de sa corde, comme une grosse carpe que l'on vient de pêcher.

Ses cris furibards ne mettent pas une minute à ameuter la horde de cochons à la porte !

On a bien sûr fait baisser le pont-levis… Une véritable marée porcine !

On se dépêche de libérer la truie, qui file dans Rennes, suivie par ses congénères. Et hop, on relève le pont !

Les Anglais ne peuvent rien faire que constater la ruse, complètement cois !

Du haut des remparts, les habitants se moquent en leur lançant le célèbre : « Vous nous devez des gages, car nous sommes maintenant vos porchers ! »

Conclusion ?

Au final, l'ennemi lève le siège début 1357, au prix d’une grosse rançon.

Et l’Histoire semble dire que malgré ce ravitaillement de lardons sur pattes, les Rennais épuisent bien vite leurs vivres et la famine guette !

Même le brave du Guesclin ravitaille la ville à grands renforts de chariottes remplies de vivres, juste après l'épisode des cochons. Cela n'a pas suffi !

Deux mots sur la porte Mordelaise

Typique de l’architecture militaire médiévale, cette porte massive avec ses deux grosses tours à mâchicoulis (15e siècle) tient son nom de la petite commune de Mordelles, à l'ouest de Rennes, où la porte conduisait.

Autrefois appelée « porte Royale », elle faisait partie intégrante des remparts de la ville.

Figurez-vous que les ducs de Bretagne entraient par là, lorsqu'ils venaient se faire sacrer à Rennes, et devaient y prêter serment !

Source

  • Siméon Luce. Histoire de Bertrand du Guesclin et de son époque. 1876.