De Napoléon aux Bourbons
Se doutait-il, le jeune fils d'avocat monté à la capitale pour être imprimeur, qu'il allait mourir de façon aussi tragique ? Devenu général en 1793 et bataillant aux côtés de Napoléon en Italie en 1797, le maréchal d'Empire Guillaume Brune est toujours resté républicain dans l'âme. Une tendance qui ne plaît pas vraiment à l'Empereur...
Malgré ses victoires à Bergen et en Italie, Napoléon le démet de ses fonctions jusqu'en 1814. Brune est même l'un des rares maréchaux d'Empire à ne pas avoir reçu de lettres de noblesse...
Napoléon le rappelle pendant les Cent-Jours (lorsqu'après son exil de l'île d'Elbe, il revient en France, jusqu'à son abdication et son exil à Sainte-Hélène). Mais là, les Bourbons font leur retour au pouvoir. Alors qu'il regagne Paris, Brune le Républicain se fait assassiner par des royalistes à Avignon. Dans l'hôtel de la place Crillon !
Rumeur dans la ville
Voyons un peu le déroulement du drame : le 2 août, Brune arrive à l'hôtel vers 11 h du matin. Il tient absolument à y déjeuner. La place est l'un des endroits les plus animés d’Avignon, il y a un monde fou !
Pourtant la présence du général n'échappe pas à un ancien officier royaliste, qui le reconnaît. Le bruit court vite. Brune est à Avignon ! Si, à l'hôtel de la place de l'Oulle !
« Il a tué la princesse de Lamballe ! » hurle un homme.
« Il paraît même qu'il a promené sa tête au bout d'une pique dans tout Paris », murmure un autre...
Il n'en faut pas plus pour déchaîner la colère des ultra-royalistes. La place se remplit en un éclair ! Il y a des hommes sur les toits des maisons voisines, certains sont armés de fusils ! Ça sent le roussi... La voiture de Brune quitte la place, mais une foule l'assaille et lui lance des pierres.
L'assaut final
Forcé de faire demi-tour, Brune regagne sa chambre et s'y barricade, en attendant que les choses se calment. Mais la foule veut la tête de Brune ! Le maire tente de dissuader la bande d'excités de commettre l'irréparable. Rien n'y fait ! Voilà l'assaut !
Ils se précipitent par les fenêtres de l'hôtel, défoncent la porte de la chambre de Brune, lui font face ! L'un d'eux tire... Brune tombe, mortellement touché. 14 heures viennent de sonner, il agonisera pendant plus de 4 heures.
La prune de Brune
Dehors, on cause, on cause, la foule se demande. Que s'est-il passé, dans cette chambre ? Pour toute réponse, on crie, depuis le balcon de l'hôtel, que le maréchal s'est suicidé ! Le procès-verbal confirme la chose.
Pourtant, les royalistes chantent une toute autre chanson, le soir-même :
« Un ange subtil Mit dans le fusil L'excellente prune Qui tua le maréchal Brune... »
Sur ordre du maire, le corps placé sur une civière est envoyé à l’hôpital, en attendant qu'on ne l'inhume. Mais un flot de royalistes détourne la civière sur le pont Saint-Bénézet, jusqu'à la 13e arche. Là, ils jettent le corps dans le Rhône, avant d'écrire sur le pilier du pont : « Ici est le cimetière du maréchal Brune »...
Du délire !
Le pauvre Brune dérive 4 jours dans l'eau, suivi sur la terre ferme par une foule de gens hystériques. Une telle folie, on n’avait jamais vu ça ! Brune finit par s'échouer au mas des Tours, entre Arles et Tarascon. Quelqu'un l'enterre non loin de là, au risque de se faire prendre.
Brune a le droit à son repos éternel, maintenant, non ? Même pas : sa veuve ne saura qu'en 1817 où se trouve sa tombe. Pire, le crime reste impuni... jusqu'en 1821 : on condamne deux hommes pour assassinat, par contumace. L'un des deux meurt avant d'avoir pu exécuter sa peine...