Le prieuré et ses « beaux secrets »
Le grand poète y réside de 1565 à 1585. Mais que fait-il donc dans un prieuré ?
Il devient prieur commendataire du lieu, une place cédée par son frère : il reçoit la commende, usufruit accordé par le roi à un laïc !
Pierre Ronsard adore sa maison de Saint-Cosme.
Il passe ses journées entre promenades, chasse, exercices physiques (si la santé le lui permet), travaux d'écriture.
Et le jardinage ! Pierre plante et greffe à tout-va. Il connaît « les beaux secrets » du jardinage, rien que ça !
Tenez, les melons blancs qu'il récolte (ses « pompons ») sont magnifiques : il en offre au roi Charles IX !
Sa mort
Ronsard passe les deux dernières années de sa vie dans son autre prieuré de Croixval, à Ternay (41), tenaillé par les douleurs d'un rhumatisme chronique, qui ne le lâchent plus et qu'il traîne depuis son enfance.
Avant de définitivement s'installer à Saint-Cosme et y mourir...
Dénervé, dépulpé
À partir de 1583, les douleurs de Pierre augmentent, ses forces s’épuisent.
« Me voilà au lit, attendant la mort, terme et passage commun d’une meilleure vie : quand il plaira à Dieu de m’appeler, je suis tout prêt de partir. »
Rabougri au fond de son lit, terriblement conscient de la mort, tapie dans l'ombre glaciale, qui se rapproche, il écrit le terrible Je n’ai plus que les os :
« Je n’ai plus que les os, un squelette je semble, décharné, dénervé, démusclé, dépulpé, Que le trait de la mort sans pardon a frappé, Je n’ose voir mes bras que de peur je ne tremble. […] Adieu, plaisant soleil, mon œil est étoupé, Mon corps s’en va descendre où tout se désassemble. […] Adieu, chers compagnons, adieu mes chers amis, Je m’en vais le premier vous préparer la place. »
Du pavot, encore et toujours
Il passe de « méchantes nuits d’hiver », où il ne peut dormir, où il « meurt, les yeux ouverts. »
Des insomnies !
« Me tournant, me virant de droit et de travers, Sur l’un, sur l’autre flanc, je tempête, je crie, Inquiet je ne puis en un lieu me tenir, J’appelle en vain le jour, et la mort je supplie, Mais elle fait la sourde, et ne veut pas venir. »
La douleur du rhumatisme ne le quitte bientôt plus du tout.
On lui donne du pavot en jus, en feuilles à mâcher, pour calmer les crises.
Mais les nuits froides sont bien trop longues :
« Heureux, cent fois heureux animaux qui dormez, Demi an en vos trous sous la terre enfermés, Sans manger du pavot qui tous les sens assomme. J’en ai mangé, ai bu de son jus oublieux En salade, cuit, cru, et le somme Ne vient par sa froideur s’asseoir dessus mes yeux. »
À Saint-Cosme, enfin !
Ronsard passe 15 longs jours d'insomnies et de douleurs à Croixval.
Mais plus que tout, il veut revoir Saint-Cosme. Une dernière fois !
Tout faible, il se fait habiller. Mais dehors, une pluie terrible balaie la campagne vendômoise.
Ronsard ne veut pas attendre la fin d'une tempête qui durera trois jours. Il reste donc tout habillé, à ronger son frein.
Attendre, la belle affaire... il n'a plus le temps !
Le 4e jour, au matin, enfin ! Le vent a chassé la bruine chagrine.
Ronsard commande un coche, pour faire les 10 kilomètres qui le séparent de Saint-Cosme.
Là, dans son petit paradis tourangeau, il peut enfin se reposer, écrire son testament, recevoir les derniers sacrements.
On le force à manger ? Il écrit :
« Toute la viande qui entre Dans le gouffre ingrat de ce ventre, Incontinent sans fruit ressort, Mais la belle science exquise Que par l’ouïe j’ai apprise M’accompagne jusqu’à la mort. »
Il demande aux amis venus l’assister de le laisser seul.
Il s’assoupit une petite heure dans la quiétude feutrée de sa petite chambre... se réveille une dernière fois... avant de s’éteindre, le 27 décembre 1585, vers 2 heures du matin.
Ronsard avait 61 ans.
Son tombeau
Son tombeau se trouvait dans le chœur de l’ancienne église priorale, « au côté senestre du maître autel. »
Mais après la tourmente révolutionnaire, les bombardements de la Seconde Guerre Mondiale, on croyait avoir définitivement perdu toutes traces de ce tombeau.
À moins que... Des fouilles effectuées en mai 1933 permettent de mettre au jour un squelette, dans le quart nord-ouest de la travée du chœur en ruine, identifié plus tard comme étant celui de Ronsard !
Un poète ré-inhumé dans les jardins du prieuré qu'il a tant aimé.
Sources
- Paul Bonnefon. Ronsard ecclésiastique. In Revue d'histoire littéraire de la France (2e année). 1895.
- Pierre Champion. Ronsard et son temps. 1926.
- Raymond Lebègue. Ronsard en Touraine et en Vendômois (1565-1570). In Bulletin de l'Association Guillaume Budé, n°3. 1957.