En deux mots !
L’ancien portail de la cathédrale de Metz, achevé en 1764, a été construit pour célébrer la guérison inespérée d’un Louis XV tombé malade dans la ville mosellane, en 1744 !
L'ancien portail de la cathédrale
La cathédrale de Blondel
L’architecte du Roi Jacques Blondel débarque à Metz le 2 septembre 1761.
Il y séjourne 19 jours : suffisamment de temps pour dessiner les plans de la cathédrale et de son fameux portail de style classique, dédié au roi.
Mais pas seulement ! On lui doit également le dessin de l’actuelle place d’Armes, de son hôtel-de-ville, son corps-de-garde et l’ancien Parlement !
Les Prussiens passent par là
Ce portail a malheureusement été détruit : le portail néo-gothique actuel l’a remplacé, conçu entre 1889 et 1903 par l’architecte Paul Tornow, pour le kaiser Guillaume II.
Hé oui ! L’Alsace-Lorraine est alors allemande, depuis la défaite française de 1870, contre les Prussiens.
Les Prussiens jugeaient ce style classique en désaccord total avec le reste de l’édifice… peut-être aussi une volonté du kaiser d’effacer le souvenir de Louis XV ?
La moustache du kaiser !
L’empereur Guillaume a d’ailleurs prêté ses traits à la statue du prophète Daniel, sur ce portail !
Après la défaite allemande de la Première Guerre Mondiale et le retour de la Lorraine dans le giron français, un sculpteur a retouché cette statue : il a notamment enlevé la moustache du kaiser !
Quid du portail de Blondel ?
Il devait être placé à l’entrée du marché couvert de la ville, mais l’opération coûte bien trop cher.
Il a, malheureusement pour nous, été démoli...
Zoom sur la maladie du roi à Metz
En avril 1744, Louis XV, 34 ans, part en guerre contre les Autrichiens. Direction les Flandres.
Il quitte Versailles accompagné de la cour, mais surtout, de la favorite en titre : Mme de Châteauroux.
Vous la connaissez peut-être sous son vrai nom : celui de Marie-Anne de Mailly-Nesle !
Le peintre Nattier l’a brillamment immortalisée, en allégorie du point du jour (1740).
Le roi est sa favorite logés
La cour arrive à Metz le 4 août 1744, sous une chaleur étouffante.
La ville de Metz a préparé, pour l’arrivée de son roi, le plus beau des accueils : des rues décorées, des tirs de canons, des feux d’artifices.
Le gouverneur de Metz, le duc de Belle-Isle, a laissé son hôtel particulier au roi (actuel palais de Justice).
Pour que sa favorite puisse le rejoindre à n’importe quelle heure, on a aménagé une galerie couverte en bois !
Un traitement de cheval
Toujours des saignées !
Le roi est bientôt pris de fièvres et de constipations, dans la nuit du 7 août.
Mais surtout, ce sont des douteurs terribles à l'estomac, qui s'étendent au dos, aux reins et dans les jambes.
On le soigne avec :
- plusieurs lavements et purges ;
- du sulfate de sodium ou sel de Glauber, avec « deux onces de manne » dans un verre d'eau ;
- les traditionnelles saignées.
La manne, c'est une substance sucrée s'écoulant naturellement de certains végétaux, autrefois utilisée en cas de soucis digestifs !
Eau de poulet, eau de fontaine
Le roi se sent un peu mieux : on lui donne de la limonade et de l'eau de poulet.
Il s'agit d'un bouillon léger obtenu en « faisant bouillir un poulet pendant 3 heures dans 3 pintes d'eau de fontaine, sans beaucoup de réduction ; on passe ensuite la liqueur par un linge, et on l'exprime fortement. »
Sirop de nénuphar et pigeons sur les pieds
Fièvre, maux de tête et d'estomac redoublant, on continue les traitements, en y ajoutant :
- sirop de diacode (pavot) ;
- apozèmes (décoctions) de bourrache et chicorée ;
- « potion aigrelette avec l'eau du pourprier, le sirop de limons et l'esprit de vitriol » ;
- sirop de nénuphar, connu pour tempérer « les chaleurs des entrailles, modère les cours du ventre et arrête les hémorragies. »
La nuit du 14 au 15 août, le roi commence à délirer, léthargique. On lui applique des vésicatoires derrière oreilles et cuisses, puis des pigeons vivants à la plante des pieds !
Le roi doit chasser sa favorite
Médecins et courtisans murmurent que le roi n'en a plus que pour quelques heures...
Ne sont plus autorisés à entrer dans la chambre du roi que les médecins Chicoyneau, La Peyronie, Mme de Châteauroux et sa sœur Mme de Lauraguais.
Louis XV, à qui l'on avait annoncé une mort rapide, s'en remet finalement à Dieu. On appelle à son chevet son confesseur, Perusseau.
Le premier aumônier du roi, Mgr Fitz-James, refuse que Mme de Châteauroux entre dans la chambre du malade.
Il refuse au roi les derniers sacrements... à moins qu'il ne se décide à chasser sa maîtresse !
Louis refuse. Mais sa santé se dégradant, il se ravise... Oust, la favorite !
De plus, il se voit obligé d'écrire une confession publique, dans laquelle il reconnaît ses fautes :
« Le roi demande pardon à Dieu et à ses peuples du scandale et du mauvais exemple qu’il leur a donnés. Il reconnaît qu’il a été indigne de porter le nom de Roi-très-chrétien et de fils aîné de l’Église... »
« La paille au cul » !
Mme de Châteauroux semble incrédule, en apprenant la nouvelle.
Seule contre tous, elle doit, avec sa sœur, faire ses bagages et partir pour Paris. Personne ne veut leur donner un carrosse : Belle-Isle se dévoue.
Commence une très longue traversée… dans tous les villages où elles passent, ce ne sont que huées et crachats, avec cet air injurieux repris par tous :
« La paille au cul, vous partez donc, grande duchesse, la paille au cul ! Qui de nous l’aurait jamais cru, que Louis rempli de tendresse, renverrait un jour sa maîtresse ! »
À la Ferté-sous-Jouarre, leur carrosse manque même de se faire renverser, et elles, lynchées !
Le roi est guérit !
Le 17, la reine Marie Leszczynska, arrive enfin à Metz. On l’autorise à voir Louis.
Il lui dit :
« — Je vous ai donné bien du chagrin que vous ne méritez pas ; je vous conjure de me pardonner.
Ce à quoi la reine répond :
« — Ne savez-vous pas, Monsieur, que vous n’avez pas eu besoin de pardon de ma part ? Dieu seul a été offensé, ne vous occupez que de Dieu. »
Mais le 18 août, enfin ! On constate une nette amélioration de la santé du roi. Le 23, on le dit enfin hors de danger.
On ne sait pas quel mal a failli avoir sa peau : insolation, intoxication alimentaire, occlusion intestinale, rapporte Jean-Christian Petitfils dans sa biographie de Louis XV ?
Louis XV a été surnommé le Bien-Aimé à l'occasion de l'épisode de Metz
Une messe spéciale pour la guérison du roi, un Te Deum, est célébrée dans l'église messine de Notre-Dame, le 25 août 1744.
C’est à cette occasion, dans cette église, que Louis reçoit son surnom de « Bien Aimé ».
Le chanoine et orateur Josset a trouvé ce nom :
« Jamais prince ne fut plus sincèrement regretté, plus amèrement pleuré, plus ardemment demandé ; et si l’histoire lui donne un jour quelque titre, quel titre mieux mérité, plus justement acquis, et qui fasse plus d’honneur à un roi, que celui de Louis le Bien Aimé ? »
Le Panthéon à l'origine de la maladie de Metz !
Louis XV avait fait le vœu, s’il sortait vivant de sa maladie à Metz, de faire bâtir une église, en l’honneur de sainte Geneviève.
Guéri, de retour à Paris, il charge son intendant des bâtiments, le marquis de Marigny, de songer au projet de construction de cette nouvelle église, à l’emplacement de l’ancienne abbaye Sainte-Geneviève.
On pose la première pierre le 6 septembre 1764... il s’agit, en fait, du futur Panthéon !
La mort de la duchesse de Châteauroux
De retour à Versailles, quelle est la première chose que fait Louis XV ?
Rappeler la duchesse de Châteauroux et sa sœur ! En novembre, il lui écrit de revenir s’installer à la cour.
Sauf que c’est elle, cette fois, qui tombe gravement malade. Les prières ne la sauveront pas.
Elle s’éteint le 8 décembre 1744, à l’âge de 27 ans, des suites probables d’une péritonite.
Le mot... de la fin !
Quelques jours avant de mourir, le 10 mai 1774, Louis XV murmure à sa toute dernière favorite, Madame du Barry :
« Partez, Madame, je me dois à Dieu et à mon peuple, je ne veux plus de scandale comme à Metz » !
Sources
- Paul Dorveaux. Documents relatifs à la maladie de Louis XV à Metz (août 1744). 1913.
- Jean-Christian Petitfils. Louis XV. Perrin, 2014.
- Kévin Goeuriot. Visite du Kaiser à la cathédrale de Metz. BLE Lorraine, blelorraine.fr.
- Aurélien Davrius. La singulière histoire du portail de la cathédrale de Metz. Connaissance des Arts, connaissancedesarts.com. 28/05/2018.
- Metz : connaissez-vous l’histoire du portail de Blondel ? Le Républicain Lorrain, republicain-lorrain.fr. 12/06/2017.
- Émile Bégin. Histoire des sciences, des lettres, des arts et de la civilisation dans le pays messin. 1829.