Voici l'histoire des habitants d'un petit bourg franc-comtois, qui demandent l'abolition de l'esclavage...
L'article 29 du cahier de doléances
En mars 1789, des habitants de Champagney en Haute-Saône demandent, dans un article de leur cahier de doléances, l’abolition de l’esclavage.
Cet article a pris, depuis, le nom de vœu de Champagney.
C’est cet article numéro 29 qui donne naissance à un mémorial de l’esclavage : l’actuelle Maison de la Négritude et des Droits de l’homme, fondée en 1995.
Voilà ce que dit cet article :
« Les habitants et communauté de Champagney ne peuvent penser aux maux que souffrent les nègres dans les colonies, sans avoir le cœur pénétré de la plus vive douleur, en se représentant leurs semblables, unis encore à eux par le double lien de la religion, être traités plus durement que ne le sont les bêtes de somme. Ils ne peuvent se persuader qu'on puisse faire usage des productions desdites colonies si l'on faisait réflexion qu'elles ont été arrosées du sang de leurs semblables : ils craignent avec raison que les générations futures, plus éclairées et plus philosophes, n'accusent les Français de ce siècle d'avoir été anthropophages, ce qui contraste avec le nom de français et encore plus celui de chrétien. C'est pourquoi, leur religion leur dicte de supplier très humblement Sa Majesté de concerter les moyens pour, de ces esclaves, faire des sujets utiles au royaume et à la patrie. »
Comment Champagney a-t-elle entendu parler de l’esclavage ?
Effectivement, pas de réseaux sociaux ni de radio, à l'époque...
Comme le raconte Jean Ehrard dans Lumières et esclavage (2008), le seul homme noir que les villageois de Champagney aient jamais vu se trouve dans l’église du bourg… sur un tableau représentant le roi mage Balthazar !
Peut-être ont-ils eu vent de la condition des esclaves grâce à un habitant de Champagney, Jacques-Antoine Priqueler, officier de la garde du roi : il fréquente la Société des amis des Noirs, créée en 1788.
Les habitants ont dû l'entendre parler de l’esclavage et ont été sensibilisés à la question.
D'autres exemples existent en France
Champagney n’est pas un cas isolé en France.
On retrouve à Toulon-sur-Arroux (71) une demande similaire, dans le cahier de doléances du village :
« Que sous l'empire français, il ne reste aucun vestige d'esclavage ! Que la mesure de la fortune publique ne se calcule plus sur le nombre des malheureux ! Enfin que l'esclavage soit aboli dans les colonies, que la nation renonce pour toujours à la traite des nègres, et que le Roi, suivant le mouvement de son cœur, daigne inviter toutes les nations à abjurer ce monstrueux commerce, par un pacte général que l'Humanité réclame. »
Mais ces deux exemples restent tout de même exceptionnels pour l’époque !
Source
- Léonce Lex. Cahiers de doléances pour les États Généraux de 1789. 1910.