Si l'on jetait un œil sur la façade de la cathédrale de Rouen ? À gauche, vous avez la tour Saint-Romain, à droite, la tour de Beurre.
La première (12e siècle) renferme le beffroi, composé de 4 grosses cloches.
La seconde (1485) tient son nom du fait que sa construction a été rendue possible grâce aux aumônes offertes par les fidèles : en échange, ils obtiennent la permission de manger du beurre, pendant le carême !
Mais au fait, savez-vous qui est saint Romain ? Le patron de la ville de Rouen, mais surtout, celui qui délivre la ville de la Gargouille, un monstre légendaire…
Sait-on qui est saint Romain ?
Oui ! Romain a vécu au 7e siècle. Issu d’une famille noble, il reçoit une éducation chrétienne à la cour du roi Dagobert.
Avant qu’on ne lui offre le poste d’évêque de la ville de Rouen…
C’est surtout pour ses nombreux miracles qu’il se fait connaître ?
Oui, et nous, celui qui nous intéresse, c’est celui de la Gargouille !
Une terrible bestiole, monstrueuse, qui avait élu domicile sur l'une des rives de la Seine.
Et qui bien sûr, boulottait tous les gens qui passaient trop près de sa tanière puante.
Romain décide de la virer une bonne fois pour toutes. Oui, mais tout seul, cela ne va pas être du luxe...
Alors, ce combat contre la Gargouille ?
Y aurait-il quelqu’un, pour l’aider à chasser la Gargouille ?
Oui. Un condamné à mort lui fait signe. Un type qui se fichait de mourir, qui n’avait plus rien à perdre...
Ils débarquent tous les deux devant l’antre du monstre. Romain lui fait un bref signe de croix et la Gargouille se couche à ses pieds.
Comme un petit chaton docile !
Sur quoi le condamné lui noue une étole autour du cou, et la ramène à Rouen, où on la brûle devant le parvis de la cathédrale.
Victoire !
De cette légende de la Gargouille naît une coutume typiquement rouennaise !
Cette tradition s'appelle le Privilège de saint Romain.
Il s'agit du « pouvoir » qu’avaient les évêques de la ville de gracier un prisonnier condamné à mort, tous les ans le jour de l’Ascension.
Ledit condamné n’avait qu’à porter le reliquaire de Romain (la « fierté »), en procession. La dernière célébration a eu lieu en 1790…
Comment cela se passait ?
D’abord, on lance une enquête pour choisir un condamné.
Les membres du chapitre ont une dizaine de jours pour aller entendre les prisonniers, dans toutes les geôles de la ville.
On vote, le choix est fait. Jusqu’au jour de l’Ascension : la procession part de la cathédrale, pour se rendre à la place de la Haute-Vieille-Tour.
Là se trouve (encore aujourd'hui) le monument de la Fierté-Saint-Romain : le condamné grimpe ses marches, le reliquaire du saint dans ses bras, avant de le lever devant la foule en délire.
Et zou, on retourne à la cathédrale pour la messe... Le condamné, lui, n’avait plus qu’à jurer de ne pas récidiver. Ensuite, à lui la liberté !
Ce privilège n’a pas dû plaire aux rois...
Vous pensez ! Eux qui se considéraient comme les représentants de Dieu sur terre, les seuls autorisés à gracier un prisonnier... cela remettait drôlement en cause leur légitimité !
Alors, on a eu beaucoup de révoltes, d’accidents... un lot de petites histoires plus ou moins pathétiques, aussi.
Comme cette femme, à qui le Parlement refuse la fierté. Pourquoi ?
Accusée de complicité dans le cas de l’assassinat de son mari, elle avait épousé l’assassin !