C’est dans la cour Morland que le célèbre capitaine Dreyfus, accusé de trahison, se fait dégrader en 1895...
Dreyfus, une affaire, une injustice
Alfred Dreyfus, officier français, diplômé de Polytechnique, est accusé d’avoir livré aux Allemands des informations confidentielles.
Il est innocent, bien sûr, c’est un coup monté !
Le seul crime de Dreyfus ? Être juif.
Entre 1894 et 1906, l’affaire Dreyfus déchaîne la France : antisémites et nationalistes sont de sortie. C’est un coupable idéal, lui, l’homme qui a gravi tout seul, à force de travail, l’échelle sociale !
La vérité va-t-elle éclater ?
Dans un contexte de post-défaite de la guerre franco-prussienne, les relations France-Allemagne sont tendues.
Alors, quand on trouve un bout de papier dans la corbeille de l’ambassade d’Allemagne, où un officier français signale l’envoi de documents à un miliaire teuton… ouch !
Le général Mercier, ministre de la Guerre, reconnaît l’écriture du capitaine Dreyfus… ancien élève de l’École militaire !
Après une enquête sans preuves, Dreyfus se fait arrêter et enfermer à la prison parisienne du Cherche-Midi, le 15 octobre 1894.
Après un procès où Mercier donne en douce aux juges un dossier constitué de fausses preuves, Dreyfus est reconnu coupable de trahison, condamné à la dégradation militaire et au bagne guyanais.
Le récit de la dégradation
Brume et ciel clair
5 janvier 1895. 9 heures du matin. Cour Morland.
« Le temps, brumeux à l’aube, s’est éclairci. Un soleil pâle se montre sur le fond clair de ce ciel d’hiver. » (Le Petit Parisien, 6/01/1895)
5000 hommes se tiennent de chaque côté de la cour. Ouvriers et soldats occupent même les toits de l’École !
200 journalistes se massent sur le côté gauche de la cour.
La dégradation va avoir lieu. L'humiliation totale, suprême ! Une terrible cérémonie où le militaire se fait destituer de son grade, avec destruction de ses insignes.
Dreyfus continue de clamer son innocence. Ce qui ne fait qu’agacer la presse :
« Il a avec sa face terreuse, crispée, salie de barbe, ses yeux faux qui clignotent sous le lorgnon, sa bouche en avant qui voudrait mordre, qui brave les outrages, le mufle de la bête pillarde et souple qui s’est laissée prendre au piège, qui se débat, qui montre ses crocs aigus. »
Départ pour l’École Militaire
Extrait à 7h30 de sa prison du Cherche-Midi, Alfred s’apprête à être conduit à l’École Militaire, escorté par un escadron de la garde républicaine à cheval, précédé de deux cavaliers armés.
Le boulevard du Montparnasse, les Invalides, l’avenue Duquesne défilent devant les yeux mornes de Dreyfus...
La veille, un tailleur est venu à la prison préparer ses vêtements, de manière à faciliter l’arrachement des galons, raconte le journal Le XIXe siècle du 7/01/1895 !
Tout à été décousu, boutons et galons, simplement re-faufilés par la suite. Un armurier a même limé la lame du sabre, à l’endroit où l'on devait la casser...
Les insignes détruits
Le capitaine, immobile au milieu de la cour, attend maintenant sa dégradation.
« Dreyfus Alfred, vous êtes indigne de porter les armes. De par la loi nous vous dégradons. »
Ces quelques mots claquent dans le froid.
On a choisi un géant, un homme de la Garde Républicaine, qui saisit le képi de Dreyfus et arrache les galons, puis les boutons du manteau un à un, les épaulettes, les bandes du pantalon...
Vous voyez cette photo, ci-dessous ? Elle a été prise le jour de la dégradation de Dreyfus : on y voit clairement son uniforme qui ne comporte plus aucuns galons, ni boutons...
Des « lambeaux d’honneur »
À un moment, Dreyfus lève le bras. On croit qu’il va se rebeller, mais c’est pour crier : « Je suis innocent ! Vive la France ! »
On tire brusquement le sabre du fourreau de Dreyfus et on le brise avant de jeter les deux morceaux.
« Je vis tomber à mes pieds tous ces lambeaux d’honneur », écrit Dreyfus en 1901.
Ça y est. La dégradation est finie. Tambours et clairons retentissent, pendant que l’on emmène Alfred. La foule hurle « À mort ! À mort le traître ! »
Le Petit Journal du 6/01/1895 rapporte :
« Le défilé devant les troupes commence. C’est d’un pas ferme que Dreyfus fait le tour de la cour. Il porte la tête haute, regarde fixement devant lui, maîtrisant, non pas son émotion, mais sa fureur. On dirait une bête fauve prise au piège. »
La cérémonie n'aura duré... que 30 minutes.
Courage !
Sa femme Lucie a toujours été là, elle n’a jamais douté d'Alfred.
Elle le supplie de supporter toutes ces tortures, de ne pas se suicider, à quelques jours de la dégradation, de surmonter l’épreuve qui le rend si malade, le pire que l’on puisse faire à un militaire.
« Notre vie, notre fortune à tous sera sacrifiée à la recherche des coupables. Nous les trouverons, il le faut. Tu seras réhabilité. »
Il le sera, oui... en juillet 1906, dans la cour Desjardins de l’École Militaire !
Sources
- Pierre Vidal-Naquet. Alfred Dreyfus : cinq années de ma vie. La Découverte, 2006.
- Emmanuel Pierrat. Les secrets de l'affaire J'accuse. Calmann-Lévy, 2019.
- Anne Simonin. Le déshonneur dans la République. Grasset, 2008.
- Pourquoi l'affaire Dreyfus a déchiré la France : les grands procès de l'histoire. Omnibus, 2012.
- Delphine Peras. Le dossier secret de l'affaire Dreyfus. L'Express, lexpress.fr. 29/10/2012.