This website requires JavaScript.

La captivité de Clémence de Mailly-Brézé au Château-Raoul

Quand : 1670 - 16 avril 1694

Clémence de Maillé-Brézé | ©Rijksmuseum / CC0
Château Emprisonnement Clémence de Maillé-Brézé Château-Raoul

Claire-Clémence de Brézé, nièce du cardinal de Richelieu, princesse de Condé.

Un destin brisé, fracassé contre les murailles de la forteresse berrichonne millénaire de Châteauroux...

Un couple bien mal assorti !

1641. Clémence a 13 ans quand on la marie avec le duc d’Enghien, 20 ans : le futur Grand Condé, le célèbre seigneur de guerre et grand mécène !

Déjà, un fossé se creuse d’emblée : elle l’aime, elle l’adore. Lui, non : il hait sa famille, comme tout le monde, d’ailleurs. Tout le monde sait que la mère de Clémence est morte folle.

Les Historiettes de Tallémant des Réaux racontent sur cette dernière : « Elle croyait avoir le cul en verre et ne voulait point s’asseoir. »

Clémence est noble, oui, mais sans plus. Lui est un prince de sang : son grand-père paternel Henri Ier de Bourbon est le cousin germain de Henri IV, ce qui fait de lui le cousin de Louis XIV !

Le Grand Condé

Le Grand Condé | ©Rijksmuseum / CC0

Pauvre Clémence...

De toutes façons, Condé a une maîtresse et vit même avec, les premiers temps du mariage.

Il se fait rouspéter, et finit par accepter de vivre à Paris avec Clémence. Oh, juste un peu... mais sans jamais la toucher.

Le cardinal Richelieu, l'oncle de Clémence, se fâche : il aura des fonctions plus importantes (un poste de commandant des armées en Picardie), le jour où son épouse attendra un enfant !

Condé explose de rage. Déteste encore plus sa femme. Il va la voir, un soir, et la force à se mettre au lit, la viole presque.

La pauvre Clémence semble complètement traumatisée. Lui ? Il obtient son poste tant convoité...

Puis Richelieu meurt. Plus personne, maintenant, ne défendra Clémence !

Elle est seule, entourée de vilains ragots qui murmurent qu’elle va devenir aussi folle que sa mère...

Clémence de Maillé-Brézé par Ch. Beaubrun

Clémence de Maillé-Brézé par Ch. Beaubrun | ©Nationalmuseum / Public domain

Condé le Frondeur

Condé prend la tête des Frondeurs, du nom de la révolte des grands du royaume contre l'autorité royale.

Jusqu'en 1650, où il se fait arrêter et enfermer au château de Vincennes.

Malgré tout cela, Clémence soutiendra toujours son mari !

Financièrement et moralement. Elle poursuit sa lutte, rameute les gens à sa cause, défiant les voix toujours plus nombreuses qui lui disent d’arrêter.

Et là, miracle ! Il lui écrit. Ses mots... la renversent :

« Il me tarde que je sois en état de vous embrasser mille fois pour toute l’amitié que vous m’avez témoignée, qui m’est d’autant plus sensible que ma conduite envers vous l’avait peu méritée... »

Alors quand, toute heureuse, elle part le rejoindre, à sa sortie de captivité, c’est pour se rendre compte qu’il a menti.

Il la déteste toujours autant. Il va vivre de son côté, chez lui à Chantilly, elle complètement délaissée à Paris...

Scandale à Paris !

Seule à la capitale, Clémence aurait trouvé un peu de réconfort dans les bras de Duval, son valet.

Puis témoigne un peu d’affection à Bussy-Rabutin (un proche du célèbre Roger de Rabutin)...

Les deux se prennent le bec.

Elle s’interpose, elle est blessée ! Duval est arrêté, Rabutin s’enfuit.

Mais un jour de 1671, ils finissent par se retrouver et se battent chez Clémence. Scandale horrible !

Condé demande au roi (qu'il avait trahi, avec la Fronde, mais il lui a pardonné) de jeter son épouse au cachot, à la Bastille.

Le roi, qui n’apprécie pas Condé, refuse : la Bastille ? Non... ce sera le Château-Raoul, dans le Berry.

Clémence doit donner tout ce qu’elle possède à son mari. Laisser son fils. Qui de toute façon ne viendra jamais la voir, durant les 24 années d'incarcération qui l'attend.

Le Château-Raoul

Le Château-Raoul | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

La fin d'une princesse

Avant de mourir, en 1686, Condé demande au roi à ce que Clémence soit maintenue en captivité et ne revoit jamais la lumière du jour.

Son fils, si cruel, se chargera de faire respecter ses dernières volontés à la lettre.

Ce « fils dénaturé, cruel père, mari terrible, maître détestable, pernicieux voisin, sans amitié, sans amis, incapable d'en avoir, jaloux, soupçonneux » selon Saint-Simon, la fera

« garder très longtemps en prison, et à présent, on lui donne seulement la permission de se promener dans la cour, toujours gardée par des gens que Monsieur le Prince tient auprès d'elle. » (Mémoires de Mademoiselle, 2e partie, chap. 17)

Elle restera 24 ans cloîtrée au Château-Raoul.

Le 16 avril 1694, elle y pousse son dernier souffle, à l'âge de 66 ans.

Personne pour assister à ses funérailles. On l’avait oubliée depuis longtemps, à la Cour, alors...

L’acte de décès, éloquent, précise :

« L’enterrement n’a pas été fort pompeux pour une princesse. M. Davilay, envoyé de son Altesse fils de la défunte, fit tout à l’épargne. »

Le tombeau de la princesse, situé au cœur de l'ancienne chapelle Saint-Martin de Châteauroux, a malheureusement été détruit pendant la Révolution.

Source

  • Juliette Benzoni. Le roman des châteaux de France (volume 2). Éditions Perrin, 2012.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !