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La bataille sanglante qui se cache derrière la colonne des Trente

Quand : 27 mars 1351

La colonne | ©XIIIfromTOKYO / Wikimedia Commons / Public domain
Guerre de Succession Bretonne Bataille Colonne des Trente

Le 27 mars 1351, Jean de Beaumanoir part de Josselin avec 30 chevaliers, armures cliquetantes, heaumes rutilants, destriers frémissants.

Ils font route pour un combat sanglant. Un choc mémorable, tenez-vous bien… de 30 contre 30 !

Anglo-Bretons VS Franco-Bretons

On est en pleine guerre de Succession bretonne : déjà 10 ans que le duc Jean III est mort sans héritier, ce qui a jeté le trouble.

Deux partis s’opposent pour la couronne : Charles de Blois et les Français, Jean de Montfort allié aux Anglais.

Le seigneur Jean de Beaumanoir et ses chevaliers franco-bretons, eux, soutiennent Charles, dans leur place-forte de Josselin.

Les anglo-bretons de Robert Bemborough, dit Bembro, capitaine anglais à la solde des Montfort, campés à Ploërmel, ont une fâcheuse tendance à tout piller, dans les environs.

Un peu trop, au goût de Beaumanoir ! Des brutes épaisses, qui en plus de ravager, font prisonniers les « cultivateurs inoffensifs », les rançonnent, avant de les mettre au trou !

Beaumanoir ne les supporte plus. Il décide de les provoquer en combat pour régler le différend...

Un duel ?

Le 23 mars 1351, il s'en va signifier son mécontentement à l’Anglais, à Ploërmel.

Calmement, dressé comme un chêne face à lui, il lui demande de se calmer, de mieux traiter la population. Bemborough ne veut rien entendre.

Jean lui lance alors un défi : un conflit, pour régler le différend, à la manière des chevaliers.

Des chevaliers de chaque camp qui s’affronteront dans un combat à mort : le vainqueur gagnera le commandement de la place-forte du vaincu.

Bemborough accepte...

Combat des Trente

Combat des Trente | ©Musée de Bretagne / Public domain

Le choc commence !

27 mars 1351, « quatrième dimanche de carême », le combat va avoir lieu, à quelques kilomètres de Josselin, dans une plaine marquée aujourd’hui par la colonne commémorative.

Une bataille terrible, sanglante, le temps d’une journée, surnommée depuis combat des Trente : 30 combattants de chaque côté, donc.

Ils se placent en ligne de chaque côté d’un chêne, une foule énorme massée derrière, à regarder le spectacle qui allait venir.

Bembro commence par proposer de « rompre la partie. » Soi-disant qu’ils n’avaient pas eu l’autorisation de leurs rois respectifs pour se battre !

Ah aaah, tu trembles, Bembro ? Beaumanoir lui répond que « c’était trop tard pensé, et que, puisqu’il avait pris la peine de venir, il ne s’en retournerait sans mener des mains. »

On fait sortir de la lice tous les gentilshommes venus pour être témoins du combat. Et le signal est donné.

Le combat, enfin plutôt, le choc, peut commencer : « tantôt se coururent sus et se combattirent fortement tous en un tas », écrit Froissart.

Combat des Trente

Combat des Trente | ©Musée de Bretagne / Public domain

« Bois ton sang ! »

Les chevaliers se battent à pied, « avec courtes épées de Bordeaux, roides et aigues, et épieux et dagues, haches » (Froissart).

Le combat est violent, acharné. Bientôt, les chevaliers, épuisés, morts de soifs, suspendent les hostilités pour reprendre leur souffle, « burent du vin qu'on leur apporta en bouteilles, et restraindirent (resserrèrent) leurs armures et fourbirent (nettoyèrent) leurs plaies » (Froissart).

À peine le temps d’avaler une gorgée d’un mauvais vin tiédasse que la lutte reprend « si forte comme en devant, et dura moult longuement. »

Jean de Beaumanoir y laisse presque sa peau. Étourdi, cuisant sous sa lourde armure, il réclame à boire d’une voix rauque.

Ce à quoi son compagnon d’armes Geoffroy du Bois lui lance le mythique : « Bois ton sang, Beaumanoir, ta soif te passera ! »

Ces mots font bouillir Beaumanoir, qui se jette à nouveau dans la mêlée, l’œil fou, de nouveau à bloc !

Combat des Trente

Combat des Trente | ©Musée de Bretagne / Public domain

Au final...

Les anglo-bretons résistent au choc franco-breton...

Mais l’un des hommes de Beaumanoir, Montauban, a une idée de génie : faire semblant de fuir, chiper un cheval, et foncer dans le tas. Montauban renverse ainsi 10 anglo-bretons !

Les Bretons peuvent tranquillement continuer le massacre parmi l’ennemi paniqué. Ah, et voilà Pemborough qui perd la vie après un mauvais coup de hache, reçu en pleine tête...

Mais le combat se poursuit, après de nombreuses pauses.

On n’arrêtera le carnage que quand la totalité des participants aura été gravement estropiée ou sera carrément morte !

Beaumanoir et les siens remportent finalement le combat et ramènent une vingtaine de prisonniers au château voisin de Josselin.

Combat des Trente

Combat des Trente | ©Musée de Bretagne / Public domain

La colonne

Le lieu de la bataille s’appelle, au début, lande de Mi-voie, rapporte le Guide de la Bretagne mystérieuse des éditions Tchou.

Avant d’ajouter que le seul repère a longtemps été le chêne solitaire autour duquel les assaillants se sont battus, celui de la Mi-voie, abattu à la fin du 16e siècle par les Ligueurs.

On construit à la place une croix, détruite à son tour en 1775. De nouveau réédifiée, les Bleus la détruisent en 1793.

Il faut attendre le règne de Louis XVIII pour que l’obélisque actuel soit construit. L’évêque de Vannes en pose la première pierre le 11 juillet 1819.

La plaque de bronze rappelle les noms des combattants : Robin de Raguenel, Yves Charruel, Yves et Olivier de Keranrais, Tristan de Pestivien…

Sources

  • Paul Joanne. Itinéraire général de la France : Bretagne. 1902
  • Henri Martin. Histoire de France. 1878.
  • Nouveau Dictionnaire historique des Sièges et Batailles mémorables. 1809.
  • Chroniques de Jean Froissart.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !