Tout près de cette petite cité, proche de Lille, s'est déroulée cette bataille médiévale mythique !
Le contexte
Philippe Auguste est un roi puissant !
Ce qui ne plaît pas à quelques-uns de ses vassaux, à commencer par le comte de Boulogne Renaud de Dammartin, et Ferrand comte de Flandre, favorables aux Anglais.
L'empereur Otton IV est de la partie. D’autres, aussi. Jean sans Terre n’a pas non plus aimé que le roi de France envoie son fils Louis se faire sacrer roi d’Angleterre.
Vengeance !! Jean la crie haut et fort : en débarquant à La Rochelle, il veut prendre le roi de France en sandwich.
C'est le coup de l’arroseur arrosé : Jean se retrouve acculé, bientôt obligé de se soumettre.
Reste Otton : ses troupes arrivent par le nord...
Cela tombe bien : l’armée française campe entre Lille et Tournai, en comté de Flandre.
On apprend bientôt que l’ennemi galope sur les bords de l’Escaut... Impensable, pour Philippe Auguste, d’attaquer dans cette maudite contrée marécageuse !
Il se rend donc jusqu’à Tournai, faisant mine de vouloir attaquer l’ennemi par-derrière.
Vous y croyez, vous ? Otton, oui ! L’armée impériale se met en branle, à la rencontre du roi de France.
Mais Philippe bat en retraite sur Péronne, en Picardie, histoire d’attirer Otton dans la plaine.
Celui-ci, croyant que le roi de France s’enfuit, le poursuit...
Zoom sur la bataille
Moult chaud !
Et nous voilà, ce 27 juillet 1214 !
À midi, l’armée française vient de passer le pont de Bouvines, sur la rivière Marque.
On cuit littéralement sous le soleil. Il fait une chaleur caniculaire (« moult chaud », dit un chroniqueur).
Philippe Auguste a rassemblé tous ses chevaliers, ses hommes à pied. Les armures tintent et rutilent.
Philippe ne compte pas sur une attaque, dans l’heure. On est dimanche. Les Français pensent que l’ennemi n’osera pas se battre le jour du Seigneur...
Le roi se repose donc à l’ombre d’un grand frêne, près de l’église Saint-Pierre de Bouvines. Il mange une soupe au vin dans une coupe en or, et y trempe du pain.
Mais on a vu l’ennemi se ranger en position de bataille ! On apprend bientôt que l’arrière-garde des Français se fait attaquer par Otton.
Philippe s'étrangle... C'est le moment !
Le dragon d'Otton
Oui, ça y est. Les deux armées se font face.
Otton, en armure « toute étincelante de pierreries », est entouré par sa garde de chevaliers.
L’étendard de l’Empire, transporté sur un char, en impose.
C’est un gros dragon à la gueule ouverte, la queue et les oreilles bougeant au vent, flanqué d’une aigle aux ailes dorées.
Et c’est parti ! Philippe Auguste se rue vers l’ennemi. C’est le chaos complet ! On se bat, on se bat... c’est la folie furieuse, c’est tout ce que l’on sait !
La lutte commence peu après midi, pour s’achever au coucher du soleil.
Lutte à mort
Vous visualisez les batailles, dans les films d’actions hollywoodiens ? Jeanne d’Arc de Luc Besson ? Le dernier duel de Ridley Scott ?
À Bouvines, on est en plein dedans. Du sang, du sang… et des tripes !
Imaginez la scène. De la boucherie-triperie de gros.
Dans la mêlée, les hommes à pied agrippent avec des crocs l’armure des chevaliers, désarçonnés en un clin d’œil.
Une fois à terre, incapables de se relever dans leur lourde carapace de métal, ils se font égorger avec des « couteaux longs et grêles » glissés dans les armures.
Les chevaux sont éventrés. À terre, la lutte continue en un corps à corps mortel et brutal.
Étienne de Longchamp, un géant, « hommes aux membres immenses, qui ajoutait la vigueur à son immensité et l’audace à sa force », tue les ennemis en les attrapant par le cou ou par les reins.
Il se fait finalement tuer par un ennemi, qui avant de mourir, lui enfonce sa lame dans la visière de son casque...
Le roi harponné
Les hommes d’Otton ont une consigne. Simple, claire : tuer le roi de France !
Philippe se retrouve ainsi, à deux doigts de la mort, harponné par un croc qui pénètre dans son armure, accroche la cotte de maille.
Il tente de le retirer d’une main tremblante... mais il se fait brutalement éjecter de sa selle.
À terre, il se retrouve à la merci des lourds sabots des chevaux paniqués, des lames ennemies.
On tente de l’égorger. Des barons arrivent in extremis pour libérer le roi et le remettre sur son cheval.
Tous sur l'aigle impérial !
Pendant ce temps, les chevaliers français parviennent à crever l’œil de la monture d’Otton, qui chute lourdement sur le sol craquelé par la chaleur.
L’empereur, groggy, parvient à reprendre ses esprits et se sauve sur un autre cheval.
« Nous ne verrons plus sa figure aujourd’hui », souffle Philippe Auguste.
L’aigle impériale est abandonnée, non mais, je vous jure !
Le roi de France l’enverra à Frédéric de Hohenstaufen, le candidat à la couronne impériale, qui avec la défaite de son ennemi, se fera reconnaître empereur !
Mais, minute... oui... on y est ! Les Français venaient de remporter la bataille de Bouvines !
« Ferrand, te voilà bien ferré ! »
Le roi et son armée retournent à Paris en vainqueurs. C’est inimaginable.
Guillaume Le Breton écrit :
« Les habitants de toute classe, de tout sexe et de tout âge accourent de toutes parts pour assister à un si grand triomphe. Les paysans et les moissonneurs interrompant leurs travaux, suspendant à leur cou leurs faux et leurs petites houes, se précipitent pour voir le comte Ferrand enchaîné.... Ceci se passa sur toute la route jusqu'à ce qu'on fût arrivé à Paris. Les bourgeois parisiens et par-dessus tout la multitude des étudiants, le clergé et le peuple vont au-devant du roi, chantant des hymnes et des cantiques, témoignant de la joie qui remplit leur âme... Durant sept nuits de suite, ils illuminent de sorte qu'on y voit comme en plein jour. »
Dans les bagages du roi, deux prisonniers : Renaud de Dammartin et Ferrand de Flandres.
Voyant Ferrand blessé, plus que l’ombre de lui-même, enchaîné, les Parisiens lui lancent le célèbre : « Ferrand, te voilà bien ferré ! »
Celui-ci passe 15 ans enfermé au Louvre.
Dammartin, lui, voit sa fille Mathilde épouser le fils de Philippe Auguste, Philippe Hurepel. Bonus : il lui confisque aussi ses terres !
Renaud ne sortira jamais de prison...
Conclusion
Bouvines, plus qu’un suzerain matant des vassaux rebelles, c’est un roi qui affirme et renforce son pouvoir.
« Une nation est née. La bataille de Bouvines est le premier événement national de notre histoire », écrit Achille Luchaire dans Philippe Auguste et son temps.
Et Georges Duby d'ajouter qu’il s’agit d’une « victoire fondatrice : les assises de la monarchie française en furent décidément raffermies. Une bataille. Un événement. Ponctuel. Retentissant. »
On voit quoi, à Bouvines ?
Au niveau du 515 de la rue Félix Dehau, on peut voir le monument aux morts aménagé en 1934.
Figurez-vous qu’il a la particularité de commémorer les morts de la Première Guerre Mondiale et ceux de la bataille de Bouvines, d’où le « 1214-1914 », gravé dans la pierre.
Vous lirez d’ailleurs plus loin cette phrase de l’écrivain picard Paul Bourget :
« La bataille de la Marne, c’est Bouvines renouvelé à sept cents ans de distance. »
Mais ne repartez pas si vite !
Juste à côté du monument aux morts se trouve l’obélisque commémoratif de la bataille médiévale, aménagé en 1865 par la Commission historique du Nord.
Ne manquez pas non plus la fontaine Saint-Pierre, près de laquelle la tradition dit que se serait reposé Philippe Auguste, avant la bataille, à l’ombre de son frêne.
Sources principales
- Charles Seignobos. Scènes et épisodes de l’histoire nationale. 1891.
- Charles Victor Langlois. Histoire du Moyen Âge. 1912.
- Max Gallo. Dictionnaire amoureux de l'histoire de France. Plon, 2020.