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L'hôtel de la Païva ou le « Louvre du cul »

Hôtel de la Païva | ©Binche / CC-BY-SA
Rue Quartier Avenue des Champs-Élysées de Paris

Les frères Goncourt écrivent, après une visite chez La Païva, être allés au « Louvre du cul »...

Aaaah, la marquise de La Païva... elle en a attisé des passions, des fantasmes !

On ne sait rien d’elle. Mais le tout Paris du 19e siècle la désire.

Voilà son hôtel, au n° 25 des Champs-Élysées. On y va ?

À l'aventure !

La Païva naît Esther Lachmann en 1819 à Moscou, de parents pauvres polonais, réfugiés en Russie.

On la marie en 1836 à un petit tailleur français : François Villoing.

Il va lui offrir une petite vie modeste, sans prétention. Elle étouffe.

Thérèse veut la liberté. Une vie brillante.

Sait-elle, là, maintenant, qu’elle deviendra LA demi-mondaine que s’arrachera le tout Paris ?

Elle plaque tout, mari et bébé.

Pour la France, Paris. L’aventure !

La Païva, vers 1850

La Païva, vers 1850 | ©Wikimedia Commons / Public domain

Un mari, un amant

À Paris, Esther (devenue Thérèse) séduit les hommes, devient la maîtresse du gratin.

Jusqu’à rencontrer celui qui va la faire marquise de la Païva : le Portugais Francisco de Païva y Araujo.

Elle allait s’enfoncer dans une vie moyennement excitante, lorsqu'en 1852, coup de foudre : Guido von Donnersmarck, son amant.

25 ans et toutes ses dents. Plein aux as.

Elle laisse brusquement tomber Francisco et s'en va avec Guido.

C’est ce dernier qui lui fait construire l’hôtel des Champs-Élysées !

La marquise jubile : tout Paris connaîtra son hôtel, elle, la pauvresse devenue belle mondaine.

Une revanche sur la vie... Car Thérèse n'oublie pas d'où elle vient, se souvient : à son arrivée à Paris, elle vivait dans une misère noire.

Elle mangeait un jour sur trois, alors, un matin, elle fait un malaise sur un banc des Champs-Élysées.

Elle se réveille entourée de badauds, et murmure :

« Là où ma faim me terrassa, s’élèvera l’hôtel où s’affirmera ma puissance ! »
La salle à manger

La salle à manger | ©Anthony Rauchen / CC-BY-SA

Onyx et soieries

Voilà. C’est dit. Elle l’a, son palais...

Aménagé entre 1856 et 1866 par l’architecte Pierre Mangain, décoré de statues de Carrier-Belleuse et de Dalou, avec son célèbre escalier en onyx.

11 millions de francs, 10 ans de travaux...

Rien n’est trop beau pour toi, Thérèse !

Revue anecdotique des lettres et des arts (vol. 3 à 4) dit que tout est d’un luxe in-cro-yable : les soieries des tentures ont été faites sur mesure à Lyon.

Le plus beau trésor ? Le plafond du salon de réception, signé Paul Baudry : chaud, apaisant, lumineux !

On y voit Apollon, symbole du Jour avec son arc, l’Aurore encore endormie, Vénus-le Soir assise toute pensive.

Sans oublier Hécate-la Nuit avec la lune sur son front : on dit que c’est Thérèse qui a posé... toute nue, si, si !

La Nuit, détail du plafond du grand salon

La Nuit, détail du plafond du grand salon | ©Binche / CC-BY-SA

L'escalier en onyx

L'escalier en onyx | ©Anthony Rauchen / CC-BY-SA

Chez la Païva

Tout le gratin intellectuel et politique déboule à l’hôtel de la Païva.

Thérèse aime préciser le prix de chaque chose, même ce qui se trouve sur la table : les fruits et les fleurs viennent de son château de Pontchartrain (78).

Sinon, Thérèse ne fait jamais allumer ses belles cheminées : elle se fait coiffer les fenêtres grandes ouvertes, même en hiver et quand les invités sont là... vestige de sa rude jeunesse en Russie !

Mais quand madame reçoit, il faut la pomponner : on la maquille pendant des heures...

Chaque matin, elle prend plusieurs bains avec à chaque fois un flacon entier de parfum dans l'eau !

On la frotte énergiquement, sans oublier les massages avec un mélange d’alun et de citrons...

La salle de lecture

La salle de lecture | ©Anthony Rauchen / CC-BY-SA

Le Louvre du cul

Alors ? Cette expression des frères Goncourt, après leur visite à l'hôtel, en 1867 ?

Est-ce par jalousie ? Ou pour se moquer du faste débordant de celle qui, de simple prostituée, puis demi-mondaine, s'est élevée en haut de l'échelle sociale ?

C'est un hôtel tape-à-l’œil et inconfortable, selon eux, avec une hôtesse qui tient plus de la « vieille courtisane peinte et plâtrée avec un sourire et des cheveux faux » (ça fait toujours plaisir).

Dans la serre qui sert de fumoir, on est à la fois gelé par les courants d'air d'en haut, et étouffé par des bouffées de chaleur venues d'en bas.

Quant à boire ne serait-ce qu'un verre d'eau... c'est impossible, le liquide est contenu dans des carafes semblables à « des cathédrales de cristal, qu'il faudrait un porteur pour soulever » !

La salle de jeu

La salle de jeu | ©Anthony Rauchen / CC-BY-SA

Paris, puis l'exil...

Thérèse obtient finalement le divorce d'avec Francisco en 1871.

Ruiné, le cœur brisé, ce dernier se suicide un an plus tard. Thérèse convole enfin avec Guido...

Sauf que... Soupçonnée d’espionnage pendant la guerre franco-prussienne, l’exil attend la brune piquante, en Silésie.

Le cœur si serré à l’idée de quitter son hôtel chéri...

Vous savez quoi ?

Elle a voulu le démonter, pour le remonter pierre par pierre en Silésie... chose bien sûr impossible !

Elle se fait construire le château de Neudeck (aujourd'hui en Pologne) et y meurt, immensément riche, le 21 janvier 1884, à l'âge de 75 ans.

Sources

  • Jacques Hillairet. Connaissance du Vieux Paris. Éditions Princesse, 1963.
  • Émile Le Senne. Madame de Paiva : étude de psychologie et d'histoire. 1910.
  • Edmond et Jules de Goncourt. Journal des Goncourt : mémoires de la vie littéraire. 1888.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !