
Un prodigieux colosse de pierres, construit après un épisode de sécheresse
Il se trouve non loin d'Aix-en-Provence, à Ventabren : l'aqueduc de Roquefavour. Construit entre 1841 et 1847, ce prodige technique a mobilisé 5 000 ouvriers, dont 300 tailleurs de pierres ! Il permet d’acheminer l’eau de la Durance jusqu’à Marseille et 36 communes voisines, via le canal de Marseille.
Mais dans quelle condition a-t-il vu le jour ? Il faut remonter en 1834. Cette année-là, une période de longue sécheresse épuise les sources et les puits de Marseille. Une épidémie de choléra frappe alors les Marseillais.
Le conseil municipal décide, « quoiqu’il en coûte », la construction d’un canal qui amènera les eaux de la Durance jusqu’à la cité phocéenne.

Deux fois plus grand que le pont du Gard !
C'est le jeune ingénieur des Ponts et Chaussées Franz Mayor de Montricher qui se charge des travaux colossaux.
En effet, les dimensions de l'aqueduc coupent le souffle ! On a 80 arches réparties sur 375 mètres
de long, 83 mètres de haut : soit près du double de la hauteur du pont du Gard. Qui lui, est, disons-le au passage, le plus haut pont-aqueduc romain au monde !
Les 160 000 pierres qui composent l'aqueduc de Roquevafour, pouvant peser de 6 à 15 tonnes chacune, sont acheminées depuis une carrière voisine par un chemin de fer de 9 km, spécialement construit pour l'occasion.
L'aqueduc de Roquefavour est toujours en activité. Ainsi, ce sont plus de 180 millions de mètres cubes d’eau de la Durance qui transitent chaque année dans le canal de Marseille.
Le saviez-vous ? Lamartine et la merveille du monde
Lamartine, alors éphémère ministre des Affaires étrangères, en 1848, vient visiter l'aqueduc. Le célèbre poète romantique s'exclame alors : « C'est une des merveilles du monde ! »
Avant d'ajouter à l'ingénieur Franz Mayor de Montricher :
« C'est magnifique ! Pour l'effet, il ne manque rien que la lune, ce soleil des monuments, puis quelques graminées, quelques stalactites pendantes, par ci, par là. »
Montricher coupe net la poésie enflammée de Lamartine en répondant :
« Passe encore pour la lune ; ce soir, votre vœu peut être accompli. Mais quant aux stalactites, permettez-moi de vous dire que je n'en suis pas jaloux. Elles prouveraient que ma cuvette perd, et ne vous en déplaise, j'aime mieux le monument tel qu'il est. La barbe, hélas, ne pousse que trop vite ! »
Lamartine sourit... mais la réponse a dû lui faire l'effet d'une douche glacée sur sa prose !
Sources
Félix VéranyRoquefavour, son ermitage et son aqueducV. Boy & A. Makaire, 1882
CollectifL’aqueduc de Roquefavour, un ouvrage exceptionnel au service du territoire métropolitain [Dossier de presse en ligne]La métropole Aix-Marseille-Provence, mai 2024