Joseph Sec
Joseph Sec est un riche commerçant d'Aix, érudit éclairé des Lumières, adepte des idées révolutionnaires.
Son mausolée se veut un « hymne à la gloire de la loi » ! Vous voyez un peu le bonhomme.
Joseph, né à Cadenet (84) en 1715, commence sa carrière en tant que modeste marchand de bois.
Il passe toute sa vie à Aix, néanmoins. C'est là qu'il devient un riche propriétaire foncier.
Il s'investit beaucoup pour la ville qu'il aime : il fait commencer l'aménagement du faubourg Notre-Dame en 1770 et construire à ses frais la porte Notre-Dame, sorte d'arc de triomphe détruit en 1874.
Un projet de tombe
Joseph habite ce faubourg, il y est même très attaché.
Alors, une idée se met à germer dans sa tête : pourquoi pas, quand l'heure viendra, se faire enterrer là ?
Ce jour vient le 25 février 1794. Cela faisait 2 ans qu'il avait fait construire son tombeau !
Un monument qui intrigue bien du monde : on cherche des explications à toutes ces statues, ces allégories, ces textes gravés dans la pierre.
Et quand on sait que Joseph fréquentait la confrérie des Pénitents Gris et bien sûr, les Francs-Maçons, les esprits s'emballent encore plus vite !
Alors, allons un peu voir ce que cache ce mystérieux mausolée maçonnique, un monument qui symbolise à lui tout seul le pouvoir des lois sur les nations !
Un étrange tombeau
Regardez ici : en haut, une statue de Thémis, déesse de la Justice et de la Loi.
Puis, un saint Jean-Baptiste avec un agneau, plus un bas-relief qui représente le baptême de Jésus.
Là encore, Moïse qui montre les tables de la Loi aux allégories de l'Europe (une femme) et de l'Afrique (un homme avec des fers brisés).
Sous l'Afrique, un bas-relief représentant Marie, Jésus et Joseph avec cette phrase :
Sorti d'un cruel esclavage, je n'ai d'autre maître que moi. Mais de ma liberté je ne veux faire usage que pour obéir à la loi.
Sous l'Europe, un bas-relief, Tobie qui enterre les défunts :
Fidèle observateur de ces lois admirables qu'un Dieu lui-même a daigné nous dicter, chaque jour, à mes yeux, elles sont plus aimables et je mourrais plutôt que de m'en écarter.
Ici, saint Pierre et saint Paul flanqués de l’inscription : « Venez habitants de la terre, nations, écoutez la loi ».
Au-dessus, avez-vous vu ?
4 vases, plus l'allégorie de la Loi avec son casque, tenant une balance : figurez-vous que sous cette statue se trouvait, jusqu'en 1793, le portrait de Louis XVI, remplacé à cette date par celui de Joseph Sec...
La façade du tombeau se compose de pilastres d'ordres dorique et corinthien.
Une inscription y dit :
« 1792. L'an IV de la liberté, monument dédié à la municipalité de cette ville, observatrice de la loi, par Joseph Sec. »
Allez, venez de l'autre côté, maintenant, dans le jardin : des statues, encore !
Oui, de grandes statues dans leurs niches (des personnages de l'Ancien Testament) : Aaron, Déborah, le roi Saul, Jahel avec son marteau, David terrassant Goliath, Noé et ses grappes de raisin.
Elles proviennent de la chapelle des Jésuites, surnommée chapelle de la congrégation des Messieurs.
On a vendu ces statues en 1763, lorsque l'ordre des Jésuites a été dissous.
C'est Joseph lui-même qui fait placer ces statues dans le jardin de sa maison, à l'emplacement de son futur mausolée !
L'Homme assassiné
À côté de ces statues, dans ce jardin si bucolique, on pouvait voir une étrange œuvre d'art, la statue dite... de l'homme assassiné !
Encore plus étrange que tout le reste !
C'est en fait le moulage en plâtre peint, grandeur nature, d'un cadavre : celui d'un ouvrier du chantier du faubourg Notre-Dame tué lors d'une bagarre.
Un beau travail néanmoins, réalisé par le talentueux Avignonnais Jean-Pancrace Chastel.
Un dispositif permettait même, à l'aide d'un panneau, de cacher et de faire apparaître la statue !
Dispositif repris au musée Arbaud d'Aix qui le conserve depuis 1912, date à laquelle on a retiré l'homme du jardin.
On prétend d'ailleurs que c'est Chastel (qui habitait alors le quartier) qui a réalisé le mausolée de Sec...
Sources
- Jean-Paul Clébert. Guide de la Provence mystérieuse. Éditions Tchou, 1968.
- Séance publique annuelle de l'Académie des sciences, agriculture, arts et belles-lettres d'Aix. Janvier 1922.