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Henri IV et la reconstruction de Marvejols après le massacre de 1586

Quand : 13 août 1586 - 22 août 1586

Porte de Chanelles, Marvejols | ©Krzysztof Golik / Wikimedia Commons / CC-BY-SA
Fortification Guerres de Religion Massacre Henri IV Portes fortifiées de Marvejols

Une page sanglante de l'histoire de Marvejols est écrite dans la pierre de ses portes fortifiées !

Tout commence par un prêche

Avec l’arrivée de la religion réformée, une partie des habitants de Marvejols, comme de nombreux autres en France, se convertissent au protestantisme.

Le 17 février 1563, la ville reçoit même la visite du grand théologien humaniste Théodore de Bèze !

La venue du « disciple de Calvin », qu’on « a laissé s’introduire pour y prêcher son infâme doctrine », ne plaît pas au bailli !

Celui-ci se plaint au roi, qui lui donne l’ordre de l’expulser. Refus de l’intéressé...

Début des hostilités en Gévaudan

Catholiques et protestants vont se livrer une lutte fratricide, dès ce moment, dans le Gévaudan.

Le capitaine protestant Mathieu Merle, « monstre mille fois plus féroce que la bête du Gévaudan », s’empare de plusieurs places-fortes de la région, notamment Marvejols.

Il s’en proclame gouverneur en 1575, avant de piller Mende, en massacrant les habitants un soir de Noël 1579...

Marvejols prend ensuite le parti d’Henri de Navarre, futur roi Henri IV.

Reconquérir la région

Alors, dès 1586, on envoie le duc Anne de Joyeuse reconquérir les places-fortes protestantes du Gévaudan.

Il promet au roi Henri III :

« de raser toutes les villes de ceux de la religion, d’en exterminer les habitants, d’aller ensuite chercher le roi de Navarre, de tailler son armée en pièces et de le lui amener pieds et poings liés. »

Le galop de son cheval l’amène d’abord à Moulins en Bourbonnais, où se trouve le Q.G. de ses troupes :

  • 6000 fantassins ;
  • 4000 gens d’armes.

Puis, il apprend que le protestant François d’Andelot est en train d’assiéger la région entre la Lozère et le Tarn, en Gévaudan.

Anne de Joyeuse

Anne de Joyeuse | ©Rijksmuseum / CC0

Marvejols mal défendue

Début août, Joyeuse y débarque et prend Malzieu, Saint-Chély, puis Marvejols.

Celle-ci est la ville la plus importante du Gévaudan après Mende, « mais plus peuplée, plus riche et mieux bâtie que cette dernière, et plus agréablement située. »

On y compte alors 6000 habitants.

Belle… mais très mal défendue. Il n’y a aucune garnison, rien !

À Marvejols, on savait que Joyeuse se trouvait dans le coin.

Mais on pensait que les sièges de villes voisines l’occuperaient pour quelques jours encore… Pas de quoi encore s’inquiéter, donc.

Sauf que... le 13 août 1586, Joyeuse est là ! On défend la cité, « deux de la ville firent une sortie et y eut grande escarmouche où plusieurs des nôtres furent blessés et quelques-uns tués. »

On se réfugie ensuite derrière les murs...

Jusqu'à la reddition !

Un témoin note qu’il n’y a rien de remarquable jusqu’au 18 août 1586, car l’artillerie catholique n’est pas encore en place.

Le 21 août, c’est une autre histoire !

« La furieuse batterie de douze pièces départies en trois endroits, qui ne cessa depuis 10 heures du matin jusqu’à 5 heures du soir ; laquelle étonna tellement ceux de Marvejols, qu’ils commencèrent à vouloir parlementer. »

Oui, le gouverneur de la ville demande à capituler : on est le 22 août. On convient que les soldats auront la vie sauve.

Pour les habitants, Joyeuse exige qu’ils « se rendent à discrétion ».

On espère « néanmoins qu’ils seraient traités avec humanité. »

La parole de Joyeuse n’est pas respectée... On emmène la garnison hors de la ville comme à l’abattoir, pour en exécuter les soldats et dépouiller les survivants.

Porte du Theron, Marvejols

Porte du Theron, Marvejols | ©Krzysztof Golik / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

Le massacre : ventre fendu, enfants immolés

Joyeuse rase entièrement la cité, la dévaste.

Des 572 maisons... il en reste 40 !

« On y commit une infinité de cruautés ; on y mit ensuite le feu qui en consuma la plus grande partie, en sorte qu’il ne resta guère qu’un monceau de ruines. »

Les habitants, peu importe leur religion, sont massacrés. De 6000, on passe à 600.

Une relation publiée en 1628 rapporte les horreurs commises pendant le siège :

  • « On vit des maris tués entre les bras de leurs femmes et de leurs enfants, les femmes et les filles tuées et violées, les enfants immolés et jetés à l’eau » ;
  • « une femme enceinte dont le fruit qu’elle portait sortait par une plaie qu’on avait fait à son ventre » ;
  • « un père qui portait son enfant sur ses bras, décapités ensemble, et un autre coupé en deux ; la sœur de Pierre Clavel, fondeur, voulant les défendre, reçut vingt-deux coups d’épée » ;
  • « Antoinette Boissonade, jeune veuve, fit telle résistance pour n’être pas violée, que les soldats lui coupèrent une mamelle et la jetèrent dans un puits » ;
  • « Jean Pelissier, notaire royal et greffier, s’étant sauvé en chemise, se rendit à des moissonneurs qui l’assommèrent à coups de leviers et lui fendirent le ventre avec leurs faucilles et y fouillèrent dedans, croyant qu’il avait mangé de l’or » ;
  • « un autre creuse sa propre fosse et y est jeté et enterré vivant. »

L’armée reste 5 jours dans Marvejols. 5 jours de massacre !

Porte Soubeyran, Marvejols

Porte Soubeyran, Marvejols | ©Krzysztof Golik / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

Henri IV et la reconstruction de Marvejols

Dès 1592, Henri IV aide les survivants du massacre, notamment

  • en les exemptant d’impôts ;
  • en donnant 55 600 livres pour la reconstruction de la ville.

Ce qui fait qu’en 1601, Marvejols est entièrement reconstruite.

C’est notamment le cas de la porte Soubeyran, partiellement détruite pendant le siège.

Marvejols sera éternellement reconnaissante envers le roi !

On voit depuis, sur les trois portes fortifiées qui ornent la cité, les armoiries du roi et ces inscriptions.

Sur la porte Soubeyran, d’abord :

« Pour avoir soutenu le grand Henri mon prince Par fer, par feu, par sang presque je défaillis Mais ores ce grand roi faisant Astrée naître Dans le cœur des François follement désunis Marvejols la brûlée ainsi comme un phénix A fait malgré le feu de ses cendres renaître. »

Sur la porte de Chanelles :

« En 1586 j’ai été détruite de fond en comble par la cruauté des ennemis de la Ligue, mais le roi très auguste Henri IV, père de la patrie, m’a relevée en 1601. »

Sur celle du Theron :

« Ces murs ont été détruits et rasés, mais l’invincible roi Henri IV et père de la Patrie a fait renaître la ville de ses cendres ; et en la rendant dans son premier état, a été ainsi le restaurateur d’une ville de France. »

Sources

  • Claude de Vic. Histoire générale de Languedoc. 1872.
  • Léon Denisy. Notice topographique et historique sur le canton de Marvejols. 1876.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !