Grande Guerre : quand la mutinerie des brigades russes s’achevait au fort Liédot
L’île d’Aix.
Le sel des embruns vous colle à la peau. Le soleil, implacable, en été.
Le froid, glacial, vous dévore jusqu’au cœur, l’hiver. Une gifle ?... c’est le vent.
Et les vieilles pierres du fort Liédot, devenu triste prison militaire.
Je vais vous raconter l’histoire méconnue de ces soldats russes venus défendre la France, en pleine 1re Guerre Mondiale.
Ils ne savaient pas qu'ils allaient devenir des mutinés, que leur vie allait s’arrêter là, au fort Liédot, fauchés en pleine jeunesse...
Le fort Liédot ? Késaco ?
Petit rappel de ce qu'est le fort Liédot !
En 1808, Napoléon Ier lance la construction d’un fort sur l'île d'Aix, pour empêcher tout raid ennemi.
Il le baptise Liédot, en hommage au colonel du même nom mort pendant la campagne de Russie...
Mais devinez quoi : le fort n’a jamais subi aucune attaque, aucun raid !
Il sert surtout de prison pour prisonniers politiques, dès le 19e siècle. Dont nos vaillants soldats russes...
Que font ces soldats russes en France ?
On est en pleine Première Guerre Mondiale. La France crève à petit feu sur le front. C'est une vraie boucherie, dans les tranchées...
Du coup, le pays manque d'hommes. De chair à canon.
L’aide va venir de la Russie, lorsque le tsar Nicolas Il envoie des hommes, dès avril 1916.
Oh, un geste loin d'être gratis, hein ! Le chef russe veut des armes, en échange.
Bon. Tope-la, font les Français.
Les hommes en question se composent de deux brigades du corps expéditionnaire russe, qui traversent toute l'Europe pour finalement débarquer à Marseille.
La France ! Un pays qui n’est pas le leur, une nation pour qui ces jeunes gars vont se battre bravement, donner leur sang et leur jeunesse immaculée...
A moins que ?!
Pourquoi se mutinent-ils ?
On vient de voir que les soldats russes se battent sur notre sol pour notre liberté.
Mais le vent va tourner ! Comment ? Avec l’annonce de la révolution russe de 1917. Vous savez ?
Celle qui mène au renversement du régime tsariste et à l'installation du communisme. Branle-bas de combat !!
C’est l’embrasement dans les tranchées : les Russes se demandent ce qu’ils fichent en France et refusent de se battre, propageant un super élan révolutionnaire.
Ca sent mauvais, grognent les chefs français.
Cette histoire de révolution va mettre le boxon dans les rangs et donner des idées à leurs soldats !
Les terribles conséquences
Alors, on arrête nos soldats russes, direction la Creuse, au camp de La Courtine.
Pour les éloigner du front. Là, rapidement, ils refusent d’obéir. Ils s’organisent, exigent leur retour au pays.
Après des semaines de négociation, des tirs de canon sur le camp par les Français, les derniers réfractaires se rendent.
Il aura quand même fallu 9 morts et des dizaines de blessés...
On juge les 81 meneurs de la mutinerie russe. Direction la prison du fort Liédot, sur l'île d'Aix.
Les autres retournent au front : ceux qui refusent se font envoyer en Algérie dans un camp de travail.
A Aix, 3 d’entre eux s’évadent et meurent noyés dans l'Atlantique gelée.
On les enterre de nuit dans le plus grand secret, dans le petit cimetière de l’île...
Que reste-t-il aujourd’hui de ces soldats ?
A Paris, on peut voir le monument dédié au Corps expéditionnaire russe, au carrefour du cours de la Reine et de l’avenue Franklin-Roosevelt.
Bien peu de choses en comparaison de toutes ces vies sacrifiées...