Gisants, orants, transis... Un dossier pour découvrir l'art funéraire dans nos régions de France, avec des anecdotes pour une visite comme si vous y étiez...
SOMMAIRE
1 - L'art de la sépulture
a - Le gisant
b - L'orant
c - Le transi
L'art de la sépulture
Le gisant
Dans sa forme ancienne, le gisant est « à plat », sur sa dalle funéraire : on n'a pas de volumes, mais des jeux de motifs gravés ! Le défunt est représenté allongé, en prière.
Ces dalles coûtent néanmoins bien moins chers que les beaux et grands gisants que seuls les grands dignitaires peuvent s'offrir... Dès le XIIIe s, on trouve des gisants représentés dans du cuivre ou du bronze.
Au cours du Moyen-Age vient le gisant en pierre, « en relief », celui-là.
C'est le cas dès 1260, lorsque saint Louis fait exécuter à Saint-Denis les effigies de tous ses prédécesseurs depuis le VIIe s, « à la chaîne » : des gisants identiques, stéréotypés !
Mais avec le gisant de Philippe le Hardi, tout change : on veut des portraits plus fidèles... Alors, dès le milieu du XIVe s, les rois font faire leurs tombeaux de leur vivant : plus pratique, on est sûr d'avoir un portrait fidèle de l’intéressé, au poil de barbe près !
On peut se servir du masque mortuaire réalisé tout de suite après la mort (voir celui d'Agnès Sorel au musée Lallemant de Bourges ou celui d'Henri II au Louvre). Puis, à la Renaissance, le transi apparaît, figure macabre à souhait mais bien plus réaliste...
Les tombeaux deviennent aussi plus imposants, somptueux. Il y a des codes, pour représenter un défunt. Si !
En général, le gisant :
- a les mains jointes (il prie) mais il peut aussi tenir des objets, un sceptre ou un livre comme Aliénor d'Aquitaine à Fontevraud.
- porte une couronne, un manteau et un sceptre, pour les rois ; une armure, une épée ainsi qu'un blason pour les chevaliers.
- a les yeux ouverts : il aura la vie éternelle...
- défie les lois de la pesanteur ! Les plis des vêtements, les draperies, les membres, rien ne s'affaisse mollement ! Comme si le gisant avait été sculpté pour tenir debout... Sauf évidement pour des gisants réalistes (transi), comme ceux de Louis XII et d'Anne de Bretagne, par exemple.
- a aux pieds, un lion symbole de force (pour les chevaliers), un chien symbole de fidélité (pour les femmes généralement) voire d'autres bestioles, rappelant une devise, un trait de caractère ou un prénom : un ours (duc de Berry à Bourges) ou un agneau (Agnès Sorel à Loches) ; l'évêque ou le religieux a une crosse qu'il enfonce dans la gueule d'un dragon à leurs pieds (saint Ronan à Locronan). Et quelquefois, ces bébêtes de pierre s'animent : le chien au lieu de rester sagement couché peut manger un os, jouer avec une balle ou chasser un lapin (tombeau des fils du comte d'Alençon) !
- a généralement des anges qui soutiennent le coussin où repose sa tête.Vous pensiez que le gisant arborait généralement le costume de son époque, la barbiche, les favoris et la coupe de cheveux à la mode ? ... aah, pas toujours, en fait ! Quelquefois le sculpteur a représenté des vêtements anachroniques... Tel est le cas de Marie-Antoinette et de Louis XVI, qui portent des costumes typiques du XVIe s... ou de ces statues qui portent la cotte de maille alors que la chevalerie a disparu depuis belle lurette !
Les pleurants
Certains gisants ont des pleurants, comme ceux des ducs de Bourgogne à Dijon, celui d'Aubazine, ceux de la nécropole de Saint-Denis ou encore celui du duc de Berry à Bourges.
Les plus impressionnants restent ceux de Philippe Pot, au Louvre : grandeur nature, ils sont inquiétants, vous ne trouvez pas ?
Mais au fait... c'est quoi, un pleurant ? Et bien, c'est un cortège de funérailles qui représente le clergé séculier, le clergé régulier, les laïcs et qu'on trouve sous le gisant et sa dalle.
On a des arcades avec une procession de petits personnages : enfants de cœur, diacre, chantres, gens de la maison... tous drapés des mêmes manteaux de deuil qu'on donne lors des funérailles. Les pleurants accompagnent le défunt dans son voyage et sa « nouvelle vie », il faut bien que quelqu'un prie pour lui, non ?
Chaque pleurant a sa propre personnalité : c'est sans compter ces détails hallucinants de précision, ces plis des vêtements, ces mains, ces visages, certains qui essuient leurs larmes, se mouchent...
Les pleurants naissent vers le XIIIe s, avec les tombeaux du frère de saint Louis, Philippe, et de son fils Louis, enterrés à l'abbaye de Royaumont puis à Saint-Denis.
Petite sélection des plus beaux gisants à travers la France
• Saint-Denis (93)
Bien sûr... la plus grande concentration de gisants en France, et en plus, ce sont des rois ! Visite à compléter avec la collection de gisants du musée du Louvre.
• Les Plantagenêts à Fontevraud (49)
Véritable nécropole des Plantagenêts, on découvre dans l'abbaye les gisants d'Isabelle d'Angoulême, de Richard Cœur de Lion, d'Aliénor d'Aquitaine et d'Henri II d'Angleterre.
• Philippe Pot au musée du Louvre (Paris)
Les pleurants, on ne les trouve pas que sur les tombeaux des ducs, en Bourgogne : voilà le tombeau de Philippe Pot (mort en 1493), seigneur bourguignon de la cour de Philippe le Bon.
On a donc le gisant an armure, un lion à ses pieds, posé sur une dalle que supporte 8 pleurants grandeur nature (ou presque, ils mesurent environ 1,40 m), avec leurs grands manteaux noirs et leurs capuches sur la tête, dissimulant leurs visages.
Tous portent des écus qui correspondent aux 8 quartiers de noblesse de Pot. A l'origine, le tombeau, réalisé entre 1477 et 1483 du vivant du seigneur, se trouve à l'abbaye de Cîteaux...
• Gisant de Michel de Montaigne au musée d'Aquitaine de Bordeaux (33)
• Gisants dit des Enervés, abbaye de Jumièges (27)
• Gisants des ducs de Bourgogne, musée des Beaux-Arts de Dijon (21)
• Gisant de Jean duc de Berry, crypte de la cathédrale de Bourges (18)
• Gisant d'Agnès Sorel, Loches (37)
• Chapelle royale, Dreux (28)
Nécropole de la famille d'Orléans. Un vrai cours d'histoire et d'art !
• Gisants de la cathédrale de Rouen (76)
On trouve le transi de Louis de Brézé mais aussi les gisants du premier duc de Normandie Rollon, Richard Cœur de Lion, Henri dit le Jeune (son frère), Guillaume Ier de Normandie (fils de Rollon), Georges d'Amboise en orant.
• Nancy (54), gisants dont celui de Philippe de Gueldre
• Gisants de la cathédrale d'Amiens (80)
Ce sont des gisants en bronze, ceux d'Evrard de Fouilloy et Geoffroy d'Eu, évêques.
• Gisants de Brou (01)
On voit les tombeaux de Marguerite d'Autriche, son mari Philibert II de Savoie et la mère de celui-ci, Marguerite de Bourbon.
• Gisants de l'abbaye d'Hautecombe (73)
C'est le « Saint-Denis de la maison de Savoie » !
• Gisants de la cathédrale de Nantes (44)
• Gisant d'Aubazine
• Les cimetières ont aussi leurs gisants ! La preuve avec ce spécimen, au Père-Lachaise (75)...
Comme saint Greluchon dans le Berry, les femmes en mal d'enfants viennent toucher le monsieur à cet endroit en faisant un vœu ! Pourquoi a-t-on attribué ce pouvoir à ce journaliste, ça, ça reste un mystère...
L'orant
Petite sélection des plus beaux orants à travers la France
• Orants de l'église d'Aubigny (14)
• Orant de Diane de Poitiers au château d'Anet (28)
• Orant de Louis XI à Cléry (45)
• Orant de Philippe de Commynes au Louvre (75)
• Orants de Notre-Dame de Paris
• Orants de Saint-Denis (93)
Louis XII et sa moitié, François Ier et la sienne, Louis XVI et Marie-Antoinette... on en parle dans le dossier sur la nécropole de Saint-Denis !