Garsende loin du monde
Construite par les moines de Saint-Victor de Marseille, on a, dès le 11e siècle, deux lieux distincts à l’abbaye : l’église Sainte-Perpétue pour les moines et l’église Sainte-Marie pour les jeunes filles nobles de Provence.
Tiens, mais puisque l’on parle de femmes...
Voilà la plus célèbre, qui a vécu à la Celle, entre 1225 et 1242 : la trobairitz Garsende de Sabran !
Une femme troubadour, eh oui...
Nous voilà au 13e siècle. La veuve d’Ildefonse II d’Aragon, reine de Provence et mère du comte Raymond-Bérenger, vient s’y retirer.
Si belle, tellement cultivée, mais dégoutée par la vie mondaine qu’elle avait menée, dans sa cour à Aix-en-Provence...
Autrefois, on voyait son tombeau dans l’église de l'abbaye de La Celle, son gisant entouré de petits papes la veillant. On y lisait :
« Ici dort une reine. Elle est heureuse, elle qui avait méprisé le monde pour reposer dans l’éternité. »
Mais tu parles d’un repos éternel !
Son tombeau a servi d’abreuvoir à un fermier du coin, après quoi un particulier le rachète, pour que finalement le conseil Général du Var le récupère en 1999, direction l’abbaye de La Celle...
La comtesse poétesse
Alors, cette Garsende de Sabran ?
Petite-fille du puissant comte de Forcalquier, fille du seigneur d’Ansouis, elle a 12 ans lorsqu’elle devient l’héritière du comté de Forcalquier et épouse le roi d’Aragon Alphonse, futur comte de Provence.
Un bien lourd fardeau pesant au-dessus de la tête d’une aussi jeune fille !
Elle aura un fils, le célèbre Raymond-Bérenger (on se souvient de sa statue à l’église Saint-Jean-de-Malte d’Aix-en-Provence), et beaucoup d’histoires épuisantes de successions et de terres à régler. Une des raisons pour lesquelles elle va se retirer à la Celle...
Deux troubadours la citent dans leurs poèmes : Gui de Cavaillon et Élias de Barjols.
Ils sont amoureux d’elle ! De Garsende la trobairitz, on connaît ses poèmes destinés à Gui :
« Vous qui me paraissez du nombre des sincères amants, Ah ! je voudrais que vous ne fussiez si timide. Je me réjouis que l'amour vous captive, Car moi-même je souffre pareillement à cause de vous. Vous recevez dommage de votre timidité, Quand vous n'osez vous enhardir jusqu'à la prière. Et vous faites grand mal, et à vous, et à moi, D'autant que jamais une femme n'ose découvrir Tout ce qu'elle désire, par crainte de faillir. »
Une femme qui s’inspire des œuvres des hommes troubadours : elle prend la parole, dit qu’elle souffre, oui, mais attend tout de même que son amant la supplie et fasse le premier pas...
Sources
- Camille Rivain. Histoire littéraire de la France (tome 17). 1832.
- M. de Dainville. Sarcophage provençal du 13e siècle. Bulletin Monumental (année 1925).