Les Polignac ne vivent pratiquement plus à Lavoûte au 18e siècle : on préfère Versailles à l’Auvergne !
C’est à cette époque que l’on rencontre les plus célèbres Polignac : Jules de Polignac et son épouse Gabrielle de Polastron, les amis de la reine Marie-Antoinette !
Gabrielle rêve de paillettes
Yolande-Martine-Gabrielle naît dans une famille noble, mais sans un sou en poche.
On la marie à 18 ans à Jules de Polignac. Pas de chance !
Ledit Polignac, un colonel, n’est pas plus riche qu’elle... Mais il a la chance d’avoir épousé Gabrielle.
Gracieuse, avec un petit nez retroussé, de beaux yeux bleu foncé, une bouche vermeille et irrésistible...
On lit dans la biographie des frères Goncourt sur Marie-Antoinette :
« Le naturel, le laisser-aller, l’abandon, charmaient chez Mme de Polignac la négligence était sa coquetterie, le déshabillé sa grande toilette ; et rien ne la parait mieux qu’un rien une rose dans les cheveux, un peignoir, une chemise, comme on disait, plus blanche que neige, la toilette libre matinale, aérienne et flottante qu’ont essayé de saisir les crayons du comte de Paroy. »
Mais toute jolie et élégante qu’elle soit, Gabrielle n’a pas un sou : elle se tient donc loin de la cour de Versailles.
Et ne fait que rêver de la vie de paillettes, là-bas, perdue dans son trou auvergnat !
Et puis un beau jour, elle retourne à Versailles et là, tiens ! La reine finit par la remarquer à un bal, en 1775. Gabrielle a 26 ans.
Marie-Antoinette va vers elle, lui demande pourquoi on ne la voit jamais, ici.
Gabrielle ne rougit même pas, quand elle répond qu’elle n’en a pas les moyens.
Marie-Antoinette semble touchée par sa franchise, ça y est : ce sera sa nouvelle grande amie !
Les Polignac à Versailles
La reine la prend sous son aile, la couvre de privilèges, on les voit toujours bras dessus bras dessous, à Versailles...
C’est la famille endettée de Gabrielle qui va être contente. Papa devient ambassadeur, en plus de sa pension.
La belle-sœur Diane (un physique difficile, bossue, multipliant les scandales, mais elle fait rire tout le monde) occupe le poste de dame d’honneur, et bien sûr, Gabrielle elle-même, qui devient gouvernante des Enfants de France.
Sans compter les 400 000 livres de dettes, effacées, et la fille de Gabrielle qui touche 800 000 livres de dot...
La famille coûte à la reine un demi-million de livres par an, pendant que le peuple de France crève de faim, mais bon...
On comprend pourquoi Gabrielle devient l’exemple parfait de la noblesse dépravée, qui dépense sans compter.
Les Polignac sont partout à la cour, on les envie, on les maudit !
Les jaloux grincent des dents
Mais on accuse bientôt Gabrielle de tous les maux, de mal conseiller la famille royale, pire, d’entretenir des liens douteux avec la reine...
Gabrielle est le rayon de soleil de Marie-Antoinette, pourtant : il suffit de les regarder ! Là, vous les voyez ?
Riant à en perdre haleine, se chuchotant des choses à l’oreille, se décoiffant et se chamaillant pour un rien.
Oui, mais quand on est une reine, on ne fait pas ces choses-là... La cour commence à jaser.
Mercy-Argenteau informe Marie-Thérèse, dans une lettre de 1779, que la reine s’enferme des heures chez elle, avec son amie...
Leurs élans et embrassades choquent tout le monde : un pamphlet dit que Marie-Antoinette témoigne « la sollicitude d’un amant pour sa maîtresse. »
Mais que l'on se mette à la place de la reine, 30 secondes : trouver une vraie amie, dans ce milieu si factice, d’apparences, c’est si rare !
Avant d’être une reine, Antoinette est une jeune femme pleine de vie...
D’ailleurs, elle dit : « Seule avec elle, je ne suis plus reine, je suis moi ! »
Alors en même temps que la colère du peuple affamé gronde, les libelles arrivent.
Du venin pour Gabrielle
On accuse la reine de relations homosexuelles. Il ne manquait plus que ça ! Reine lubrique, insatiable, il les lui faut tous.
Voilà que les pamphlets cochons fleurissent, comme ce Godemiché Royal (authentique) ou Les Fureurs utérines « dont la mère en proscrira la lecture à sa fille », dit la préface.
Alors, pourquoi pas une liaison avec sa meilleure amie, Gabrielle, la comtesse Jules comme on l’appelle familièrement ?
Déjà vers 1780, on parle des relations très proches de Marie-Antoinette et de Gabrielle.
Scandale, leurs accolades ne respectent pas l’étiquette !
Dans La liste civile, Gabrielle devient une « femme prostituée, séductrice et escroqueuse », une « gueuse vomie par les enfers. »
Les relations homosexuelles ne font aucun doute, on se déchaîne.
On fait dire à la reine, une fois morte, qui va en Enfer et y rencontre la Du Barry dans Descente de la Du Barry aux enfers, sa réception à la cour de Pluton par la femme Capet, caquetage entre ces deux catins (1793) :
« Tu vas remplacer ma Polignac. Je vois déjà en toi ma tendre Jules. Deviens caressante comme elle. Tiens, baise-moi. »
C’est tellement violent ! Et encore, on vous passe les mots les plus crus...
« Adieu la plus tendre des amies ! Que ce mot est affreux... mais il est nécessaire. Adieu ! Je n’ai que la force de vous embrasser », écrit la reine en 1789, avant que Gabrielle n’émigre.
Celle-ci mourra en 1793 : non, pas sur l’échafaud, mais d’un cancer du sein qui la terrasse à l’âge de 44 ans, seulement, à Vienne... 50 jours après la reine.
Sources
- Edmond et Jules de Goncourt. Histoire de Marie-Antoinette. 1863.
- Stefan Zweig. Marie-Antoinette. Le Livre de Poche, 1999.
- Imbert de Saint-Amand. Les femmes de Versailles : les beaux jours de Marie-Antoinette. 1886.
- Louis Dussieux. Le château de Versailles : histoire et description (tome 2). 1881.
- Pierre Larousse. Grand dictionnaire universel du 19e siècle (tome 12). 1874.
- Gaston Maugras. La fin d'une société : le duc de Lauzun et la cour de Marie-Antoinette. 1895.