Quand on est roi de France, on ne se fait pas enterrer comme tout le monde... Us et coutumes à découvrir dans ce dossier !
SOMMAIRE
1 - Petite histoire de l'embaumement
2 - Des funérailles royales !
Petite histoire de l'embaumement
Baume... et assaisonnement !
Avant le XIIe s, les rois et grands du royaume se font enterrer à un seul endroit. La tradition veut que Louis VIII ait été le premier roi à avoir son corps à un endroit, son cœur dans un autre ! Par exemple, Charles V a son corps a Saint-Denis (l’abbaye recevait toujours les corps), son cœur à Rouen, ses entrailles à Maubuisson...
1re étape : il faut préparer le corps. Enlever les viscères (on voit sur les statues de Louis XII et d'Anne de Bretagne les incisions gauches faites à cet effet). Le tremper dans un « bain » pour l'embaumer. A base de quoi, ce bain ? Plusieurs techniques sont décrites au Moyen-Age : on pouvait mélanger des aromates et du sel qu'on mettait dans de larges incisions pratiquées dans le corps.
On referme et on met le corps dans une peau de bœuf ou dans une gangue de cire, ensuite dans un cercueil en plomb. Aussi, on pouvait mettre le corps dans une saumure ou dans l'huile de térébenthine, dans du vinaigre, de l'eau de vie...
Au XVIe s, la mixture utilisée à la cour de France se compose d'absinthe, de cannelle, de cumin, de girofle, de poivre, d'alun, de myrrhe, d'aloès, de sel et de vinaigre.
Vous voulez des exemples concrets ? En 1135, le duc de Normandie et roi d'Angleterre Henri Ier se fait embaumer par un boucher, qui « l'assaisonne avec un baume » disent les écrits de l'époque. Baume... de là le nom d'embaumement !
Le corps de Charles VII, lui, a été embaumé dans du vif-argent et il a gardé toute sa souplesse. Le corps du roi anglais Henri V a été bouilli dans un chaudron avec du sel ; l'eau a été jetée dans un cimetière et les restes mis dans un coffre avec épices et aromates.
A la mort de saint Louis en 1270 à Tunis, on fait bouillir son corps dans de l'eau salée pour en séparer les os et la chair ; de cette façon, on conserve mieux les restes pour le retour en France ! Philippe le Hardi meurt à Perpignan de retour de croisade : même chose, on fait bouillir son corps dans de l'eau et du vin ! Mais laissons la parole à celui qui en parle le mieux : le médecin Ambroise Paré, dans ses Œuvres complètes. Il dit :
« Pour bien embaumer un corps, il faut vider toutes les entrailles et les viscères, réservant le cœur particulièrement, afin de l'embaumer et mettre à part. Ainsi qu'il sera advisé par les amis du défunt, il faudra pareillement vider le cerveau après avoir coupé le crâne, ainsi qu'on fait des dissections.
« Ce fait, il faut faire des incisions profondes et longues des bras, dos, fesses, cuisses, jambes et principalement à l'endroit des grandes veines et artères, afin d'en faire sortir le sang qui se corromprait, et pareillement aussi d'y plonger des poudres. Cela fait, il faut laver tout le corps avec une éponge imbibée d'eau de vie et fort vinaigre, dans lequel auront bouilli absinthe, aloès, pommes de coloquintes et sel commun et alun.
« Après faudra remplir les incisions et toutes les ouvertures des choses qui s’ensuivent, assez grossièrement pulvérisées... Après, les incisions seront cousues. Puis, faut oindre tout le corps de térébenthine liquéfiée avec huile de camomille et de rose, y ajoutant, si bon semble, huiles aromatiques tirées par quintessence. »
« Puis au reste, sera saupoudré avec portions de poudres dessus. Enfin sera enveloppé d'un linceul et après de toile cirée. Et pour finir, sera mis en un cercueil de plomb bien soudé, rempli de bonnes herbes aromatiques sèches.
Passe-moi l'sel !
Avez-vous remarqué ? L'ingrédient qui revient à chaque fois pour l’embaumement est... le sel ! Très important, le sel : le Dictionnaire historique des arts, métiers et professions exercés dans Paris depuis le treizième siècle, par Alfred Franklin, nous apprend que les « porteurs de sel » parisiens, les hanouards, ont seuls le privilège de porter le cercueil des rois de France, à Saint-Denis.
Peut-être parce qu'ils sont chargés de l’embaumement ?Une tradition qui remonte à saint Louis, du temps où le privilège des hanouards n'existait pas encore. Philippe, le fils de Louis, revient à Paris de croisade avec le corps de son père. Aidé par des amis, il veut porter le lourd cercueil de plomb jusqu'à l'abbaye.
Sauf que... de Paris à Saint-Denis, il y a une trotte ! Le cortège doit s'arrêter souvent, histoire de souffler... On s'arrête 7 fois. 7 fois, 7 petits monuments qu'on fera construire ensuite en souvenir entre Paris et Saint-Denis : les montjoies. Du coup, ces seigneurs se font remplacer plus tard par les fameux hanouards...