Frédérique Brion, l'amour de jeunesse de Goethe à Sessenheim

De oct. 1770 à août 1771

Goethe jeuneGoethe jeune | ©Universitätsbibliothek Leipzig / Public domain

Qui est Goethe ?

Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832), c’est LE romancier, poète, dramaturge, homme d’État allemand.

Le plus grand, entre romantisme et classicisme !

Son premier roman, Les Souffrances du jeune Werther, le rend célèbre dans toute l’Europe : son héros vit un amour impossible avec une jeune fille déjà promise à un autre. Pas de compromis pour lui : l’issue pour lui s’appelle... suicide.

Son Faust est l’une des œuvres les plus importantes de la littérature allemande, et aujourd’hui une œuvre majeure de la littérature mondiale.

GoetheGoethe | ©Wellcome Collection / CC-BY

Goethe en Alsace

Le jeune Goethe, 21 ans, arrive à Strasbourg en 1770.

Il va y vivre un an, le temps d’achever ses études de droit à l’université strasbourgeoise, commencées dans sa ville natale de Francfort.

Né dans une famille bourgeoise, aisée (entre un père juriste amateur d’art et d’histoire naturelle et une mère de la noblesse de robe) il reçoit une solide éducation humaniste et scientifique entre grec ancien, latin, anglais et hébreu.

Le voilà bientôt... en route pour Sessenheim !

Goethe à Sessenheim

La rencontre avec Frédérique

En octobre 1770, Goethe vient rendre visite, avec son ami Freidrich Weyland, à Johann Brion.

Ce pasteur protestant de Sessenheim est une vieille connaissance de la famille de Weyland. Goethe fait la rencontre de la fille du pasteur, Frédérique, 18 ans.

Le 14 octobre 1770, il regagne Strasbourg et écrit à une amie sur son séjour :

« J'ai passé quelques jours à la campagne, chez des gens bien agréables. La société des aimables filles de la maison, ce joli pays et ce ciel souriant ont remué dans mon cœur des sentiments trop longtemps assoupis, y réveillant le souvenir de tous ceux que j'aime. »

Il écrit aussi rapidement à Frédérique :

« Chère nouvelle amie, je n'hésite pas à vous donner dès à présent ce nom. Si en effet je me connais le moins du monde en fait de regards, j'ai trouvé dans le premier de ceux que nous avons échangés l'espoir de cette amitié que j'invoque à présent, et je jurerais que nos cœurs vont se comprendre. [...] Certaine agitation que je ressens me fait juger à quel point je voudrais me sentir encore près de vous... »

Jusqu’au 7 août 1771, Goethe vient voir Frédérique dès qu’il le peut.

Il est... très amoureux !

Frédérique Brion à Sessenheim (1875)Frédérique Brion à Sessenheim (1875) | ©Rijksmuseum / CC0

Un amour brisé

Leur histoire d’amour dure 10 mois.

Jusqu’à ce que, reçu docteur en droit en août 1771, Goethe décide de rentrer mener sa carrière chez lui, à Francfort. Il laisse Frédérique le cœur piétiné !

Mais que s’est-il vraiment passé ? N’y a-t-il que la carrière du jeune Goethe, qui est la cause de sa séparation avec Frédérique ?

On peut penser que Goethe a parlé mariage, avec la jeune femme. Mais le paternel du futur poète n’avait que faire des histoires de cœur de son fils : surtout quand celles-ci concernent la fille d’un modeste pasteur. Un mauvais parti !

Goethe devait le savoir, au fond de son cœur, que sa famille n’accepterait jamais cette mésalliance.

Il ne quitte pourtant pas les Brion fâché. Deux semaines après leur séparation, il envoie à Frédérique des cahiers d’estampes, puis en 1773 un exemplaire de son drame Goetz de Berlichigen.

Le critique Hermann Grimm écrit sur la fin du séjour alsacien de Goethe :

« Il avait enseigné la passion à une créature innocente pour l'abandonner bientôt en dépit des plus formelles assurances. Goethe s'était insinué dans le cœur d'une jeune fille naïve et lui avait donné l'illusion d'entamer avec elle une liaison amoureuse dont la durée devait être sans fin; puis, un beau jour, il lui avait dit : "C'est assez maintenant. Adieu ! Vois à te tirer d'affaire à ta guise !" »

Frédérique Brion et Goethe (1869)Frédérique Brion et Goethe (1869) | ©Vienna Museum / CC0

Le retour du poète allemand à Sessenheim

Goethe reverra Frédérique une fois, en septembre 1779, lors d’un séjour à Strasbourg. Sessenheim n’a pas bougé, ou presque !

« Je trouvai dans ce village une famille telle que je l'y avais laissée, voici huit ans, et je fus accueilli avec beaucoup d'affection et de cordialité. »

Il évoque Frédérique Brion, qu'il revoit, bien entendu !

« Frédérique m'avait autrefois aimé beaucoup mieux que je ne le méritais, et davantage assurément que ne l'ont fait d'autres, à qui j'ai prodigué tant de soins fidèles. Je dus cependant l'abandonner en un temps où ce départ lui coûta presque la vie. Elle ne revint pas sur ces événements dans sa conversation et m'apprit seulement, de façon incidente, que sa santé n'était pas entièrement remise d'une maladie faite à cette époque. Elle se comporta pour le surplus de la façon ta plus exquise et avec tant de chaleureuse amitié que j'en fus tout ragaillardi. »

Ensemble, ils font un petit pélerinage à Sessenheim et la campagne alentour, en souvenir du bon vieux temps :

« Elle me conduisit visiter chaque bouquet d'arbres et je dus m'y asseoir auprès d'elle, et elle fut ainsi satisfaite. Je passai la nuit sous leur toit et les quittai le matin au lever du soleil, en sorte que désormais je puis penser de nouveau avec satisfaction à ce petit coin du monde et vivre en paix dans ma mémoire avec le souvenir de ces réconciliés ! »

Goethe n’évoquera plus jamais Frédérique de sa vie, hormis dans ses Mémoires parues en 1812, 6 mois avant la mort de la jeune femme.

A-t-elle été au courant ? On ne sait pas !

Souvenirs de Goethe à Sessenheim

Le temple protestant

Il s’agit de l’église où officie le père de Frédérique Brion.

Le monument actuel date de 1912.

Eglise protestante, SessenheimEglise protestante, Sessenheim | Église protestante, Sessenheim | ©Ralph Hammann / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

L’auberge du Bœuf

Cette auberge voit le jour en 1893, en face de l’église protestante de Sessenheim, dans une maison restaurée en 1824.

Le petit musée dédié à Goethe et Frédérique Brion, fondé en 1895 par un écrivain allemand admirateur du poète, est transféré en 1899 dans l’auberge.

Il existe également un mémorial dédié au poète allemand, évoquant le séjour de Goethe en Alsace.

Mémorial Goethe, SessenheimMémorial Goethe, Sessenheim | ©Ralph Hammann / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

L'évocation poétique d'un amour

Goethe évoque son premier amour alsacien dans deux poèmes, Bienvenue et Adieu et Rose des Bruyères.

On trouve dans le premier le vibrant :

« Ô, la fournaise dans mes veines ! Ô, la braise ardente en mon cœur. Je t’ai vue, et la joie si tendre De tes doux yeux m’a inondé ; Tout mon cœur était près du tien, Et tous mes souffles étaient pour toi. »

Frédérique l’aurait aussi inspiré pour son personnage de Gretchen, dans Faust.

Elle meurt le 13 avril 1813, restée célibataire, à Meissenheim. Sur sa tombe, cette épitaphe qui rappelle qu’un « rayon de soleil du poète lui conféra l’immortalité »...

Source

  • Ernest Seillière. La vraie Marguerite de Faust : Frédérique Brion dans la légende et la réalité. In Revue des Deux Mondes. 1911.