C'est Guillaume Gouffier, compagnon de jeunesse de François, qui répond à nos questions. On va en savoir un peu plus sur ce roi, né à Cognac le 12 septembre 1494... Visites, anecdotes et mystères au programme !
SOMMAIRE
1 - Petit aperçu de la vie de François
2 - François et ces dames
3 - Les fastes de la cour
4 - Le château de Fontainebleau : le rêve italien
5 - L'essor de l'imprimerie
6 - Jean Clouet, peintre royal
7 - Le style Renaissance
Petit aperçu de la vie de François
Anecdotrip : François, c'est une force de la nature, non ? Parlez-nous un peu de son caractère
Guillaume Gouffier : Déjà, c'est lui qu'on surnomme le « roi chevalier » ! Il faut dire qu'Artus Gouffier, sire de Boisy, son précepteur, lui enseigne tout des arts et des lettres : François dévore les romans de chevalerie, lit tout de la table ronde, etc. De quoi forger son esprit !
Louise de Savoie, sa mère, est fière de son fils, qu'elle appelle « mon roi, mon seigneur, mon César et mon fils » !
Tout comme sa sœur Marguerite, d'ailleurs. Le jeune François ne craint pas grand chose ; sa mère rapporte dans son journal qu'un jour, à 8 ans, sa jument s'emballe et l'emporte dans un galop du tonnerre !
« Et fut le danger si grand, que ceux qui étaient présents l'estimèrent irréparable. »
Mais ça ne lui suffit pas !Ecoutez ça : pendant une fête au château d'Amboise, un sanglier a été capturé et enfermé entre des barrières. Mais l'animal finit par s'enfuir, furieux, chargeant tout le monde !
Tout le monde ?
Non ! François, alors adolescent, se retrouve nez à groin avec la bestiole furibonde ; il lui file, sans se démonter, un coup « de sa bonne épée, par si grande force qu'il la lui passe tout en travers du corps. »
Une autre fois, un certain Jacques de Lorges le blesse à la tête avec un tison enflammé. La blessure est tellement importante que les médecins jugent l'affaire sérieuse pendant plusieurs jours !
Mais c'est mal connaître notre géant ! Après cet accident, François se coupe les cheveux (grande nouveauté !) pour cacher la cicatrice et se laisse pousser la barbe...
Il aime beaucoup la chasse ?
Il adooore la chasse ! Chaque année, sa meute (comptant une soixantaine de chiens courants, 300 oiseaux plus l'équipage) lui coûte 52 000 livres ! Son personnel se compose de 100 pages, 200 écuyers, plus 400 gentilshommes et dames d’honneur à sa suite, au galop !
Son bibliothécaire Guillaume Budé dira d'ailleurs, aux vues des nombreux traités de chasse qu'il lui demande : « Sire, vous avez tellement dressé et poli l'exercice de la vénerie, qu'elle semble être parvenue à sa perfection. »
Et physiquement, à quoi ressemble-t-il, François ?
L'écrivain André Thevet (XVIe s) le décrit :
« Il était d'une taille belle, bien proportionné de membres ; son front était élevé, portant marque de générosité ; le nez long, grand (d'où par le commun populaire il a été appelé le roi au grand nez), dressé toutes fois selon le juste compartiment de son visage ; ses yeux étaient clairs et flamboyants, sa tête fort bien faite. »
Et le roi est grand, très grand pour l'époque ! Du jamais vu... Près de 2 mètres : vous ne me croyez pas ? Allez donc voir son armure, conservée au musée de l'Armée, à Paris ! Tenez, votre Michelet en dit :
« François Ier, tout naturellement, imposait par sa stature superbe, qui dépassait à peu près de la tête celle du grand roi [Louis XIV]. L'armure de Marignan, toute faussée qu'elle est de coups de feu et de coups de piques, témoigne de l'effet que dut produire ce magnifique homme d'armes. »
Mises à part les dernières années de son règne, François a une santé de fer !
C'est un colosse, je vous dis ! On raconte une chose amusante, tiens, en parlant de sa santé : vous saviez, vous, que le roi se soigne avec du lait d’ânesse ?
Ah, non...
Un jour qu'il est très malade et que les médecins n'arrivent pas à le soigner, on lui parle d'un juif de Constantinople qui pourrait le guérir !
L'ambassadeur de François va le chercher et le médecin fraîchement arrivé prescrit au roi... du lait d’ânesse. Le roi guérit, mais en plus, le lait n'est pas si mauvais !
Et voilà la cour qui se met après le roi à boire de ce lait... François écrit alors en remerciement cette phrase restée célèbre :
« Par sa bonté par sa substance, D'une ânesse le lait m'a rendu la santé, Et je dois plus, en cette circonstance, Aux ânes qu'à la faculté. »
Bon, maintenant, parlons un peu de son règne. L'accession au trône et ses débuts, par exemple ?
En 1515, le roi Louis XII meurt. François a 21 ans : il lui succède donc et épouse sa fille Claude de France. Comme Louis XII avant lui, il part en Italie, dans le Milanais.
Le Milanais est alors occupé par les Suisses de Maximilien Sforza. Le roi lève une armée contre eux. Il bat les Suisses du duc de Milan à Marignan, en 1515.
Le combat dure deux jours, on l'appelle le « combat des géants » ! On compte 30 000 hommes à pied, 3 000 hommes d'armes.
De grands noms sont là : Galiot de Genouillac, qui commande l'artillerie, mais aussi les maréchaux de La Palice, de Lautrec, mais aussi La Trémoille, le connétable de Bourbon.
Les ennemis sont environ 20 000. La première journée du 13 septembre reste indécise... puis François, qui avait passé une nuit très courte sur l’affût d'un canon, parvient à remporter la victoire. A l'aube, les Suisses sont vaincus et le jeune roi de 21 ans est acclamé partout en Europe.
A la fin de la bataille, le fidèle Bayard sans peur et sans reproche le fait chevalier ! En tout cas, revoilà les Français en possession de Milan, de Parme et de Plaisance !
François peut signer avec le pape Léon X la « paix perpétuelle », d'autant plus que le jeune Charles Quint, qui vient de succéder à Ferdinand d'Aragon, semble reconnaître cette domination française.
« Semble », hein, parce que la paix reste précaire...
Aah, cette rivalité avec Charles Quint...
Oui ! Légendaire, pas vrai ? Quand l’empereur Maximilien meurt, François et Charles Quint (petit-fils de Maximilien) se retrouve en lice pour le titre d'empereur. Mais c'est Charles qui reçoit la couronne impériale... Commence alors une rivalité sans fin entre nos deux souverains !
En plus, ça va plutôt mal : la France se fait encercler de toute part par les ambitions des Flandres, de l'Espagne, de l’Italie...
Pour contrer tout ça, François prépare une alliance avec le roi d'Angleterre Henri VIII : les deux rois se rencontrent à l'entrevue du camp du Drap d'Or en 1520.
Des mémoires rapportent que le nom de Camp d'or tient à ces « belles tentes, les plus belles qui furent jamais vues, et le plus grand nombre.
Et les principales étaient de drap d'or, frisé dedans et dehors, tant chambres, salles que galeries, et tout plein d'autres de drap d'or ras et toiles d'or et d'argent. Et avait dessus lesdites tentes force devises et pommes d'or.
Et quand elles étaient tendues au soleil, il les faisait beau voir. » En tout cas, François en met plein la vue au roi d'Angleterre. Peut-être pas la meilleure tactique ? Il y dépense des sommes astronomiques, voulant que sa cour fasse de même.
Martin du Bellay dit : « Maints seigneurs y portèrent leurs moulins, leurs forêts et leurs prés sur leurs épaules. » Ca veut tout dire !
Mais l'Anglais se retourne contre lui et tout ça débouche sur une guerre en Italie et la défaite de Bicoque en 1522. Fait prisonnier en 1525 pendant la bataille de Pavie, François est libéré un an plus tard et signe le traité de Madrid : la France doit renoncer à la Flandre et l'Artois, au duché de Bourgogne, au Milanais aussi.
Ah, c'est en 1525 qu'il écrit son fameux « Tout est perdu, fors l'honneur » ?
Oui et non ! Ca se passe en 1525, alors que François est fait prisonnier en Italie. Il écrit une lettre à Charles Quint pour demander sa clémence et sa pitié, une à sa mère pour lui annoncer sa défaite.
Mais c'est la légende qui lui a mis ces mots dans sa bouche ! La vraie lettre, assez courte, ne rapporte pas ces mots tout à fait comme ça : « Madame, pour vous faire savoir comme se porte le reste de mon infortune, de toutes choses ne m'est demeuré que l'honneur et la vie qui est sauve... »
En tout cas, toutes les guerres de François en Italie lui coûtent des sommes monstrueuses !
Ah, ça... Michelet a dit de lui qu'il « faisait la guerre pour plaire aux femmes » ! En attendant, ses grandes expéditions ne lui ont rapporté aucuns territoires, pas le moindre petit bout de pays.
En Italie, en tout cas ! En France, il annexe tout de même le duché de Bourbon (après la célèbre trahison du connétable) et réunit la Bretagne au royaume en 1532.
Et bien sûr, n'oublions pas la célèbre ordonnance de Villers-Cotterêts, qui impose la langue « françoise » dans tous les actes officiels ! Adieu, langue d'oc, langue d'oil...
Quid de son influence sur le plan culturel ?
Aah, très grande influence ! François reste le « père et vrai restaurateur des arts et des lettres », dit l'humaniste Guillaume Budé.
Il a fondé le Collège de France, en 1530, la Bibliothèque Royale, future Bibliothèque Nationale... même sa sœur, Marguerite de Navarre, transforme la ville de Nérac en foyer littéraire et culturel !
Et la mort du roi chevalier ?
François passe les dernières années de sa vie dans son lit, dans un piteux état. On le dit alors (saura-t-on jamais ?) atteint d'une maladie vénérienne, en proie à de grandes douleurs.
Il s'éteint au château de Rambouillet, à l'âge de 52 ans : jusqu'au bout il continue de chasser, allongé sur sa litière ! Son gisant se trouve dans la basilique Saint-Denis.
François et ces dames
Le roi et les femmes... tout un poème !
« Une cour sans dames, dit-il, c'est une année sans printemps et un printemps sans roses. »
Brantôme dit : « Le roi François venant à son règne considérait que toute la décoration d'une cour était des dames. A la cour, ce n'étaient que dames de maison, demoiselles de réputation qui paraissaient en sa cour comme déesses du ciel. »
Après la mort du roi, Ronsard se souvient de ses fêtes remplies de jolies demoiselles où il venait tout jeune : « Quand verrons-nous quelque tournois nouveau ? Quand verrons-nous par tout Fontainebleau, De chambre en chambre aller les mascarades ? »
François est marié à la fille d'Anne de Bretagne, la reine Claude : elle n'est pas belle, la pauvre Claude !
Petite, boiteuse, le visage plus qu'ingrat, elle lui donnera tout de même 3 fils et 4 filles (en 9 ans !), dont le futur Henri II. Mais François ne tarde pas à multiplier les infidélités.
Brantôme dit qu'il se promène avec sa « petite bande », des femmes galantes les plus belles qui soient, avec qui se retire le roi pendant plusieurs semaines. Et puis, un jour, il croise le regard de Françoise de Foix, comtesse de Chateaubriant : très belle, spirituelle...
Oui, mais on la marie avec Jean de Laval, en 1509 ! Elle a 14 ans, il en a 10 de plus. Ce qui n'empêchera pas notre roi de l'attirer parmi ses favorites ! Il y a aussi la plus belle, la blonde duchesse d'Etampes, Anne de Pisseleu ; Marie Gaudin, dame de la Bourdaisière (aïeule de Gabrielle d'Estrées, une autre favorite, tiens !) ; Claude de Rohan-Gié...
Je me demande même si toutes ces femmes ne lui ont pas fait perdre la tête, à notre roi ! A tel point qu'au château de Chambord, il grave avec sa bague, sur la vitre d'une des tourelles, sa célèbre phrase : « Souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie. »
Les fastes de la cour
Allez, mettons-nous à table ! Qu'est-ce mange, à la cour du roi ?
Le XVIe s, c'est bien sûr la découverte de l'Amérique et de nouvelles contrées : avec elles la découverte de nouvelles denrées !
La tomate, les haricots venus d'Amérique du Sud, la vanille, venue des Antilles, la dinde, rapportée du Mexique par les conquistadors, que François Ier fait élever dans beaucoup de fermes sous le nom de « poules d'Inde ».
La dinde se plaît bien sous nos latitudes, en plus ! Et se multiplie sans trop de problème durant tout le 16e siècle...
On aime aussi les huîtres rôties, le melon d’Italie (très sucré), le topinambour (nouveauté venue d’Amérique), le pâté de héron ou de porc-épic. D'ailleurs, le roi a deux faisanderies à Fontainebleau : parce que le héron est à l'époque une « viande royale » !
Au dessert, on aime grignoter, picorer des douceurs, comme des pignons, du massepain, des dragées, mais aussi des compotes, des fruits confits ou des pâtes de fruits. On mange aussi de petites fraises très parfumées avec du sucre et de la crème.
Au XVIe s, un certain Pierre Belon dit sur les repas qui sont servis :
« Pour entrée nous avons mille petits déguisements de chair, comme potages, fricassées, hachis, salades. Le second service est de rôti, de bouilli, de diverses viandes tant de boucherie que de gibier. Pour issue de table, choses froides comme fruitages, laitages et douceurs, rissoles, petits choux tout chauds, petits gâteaux baveux, ratons de fromages, marrons, pommes de capendu, salades de citrons ou de grenades. »
Mais à la Renaissance, le grand changement, c'est que la cuisine est élevée au rang d'art ! Plusieurs changements se font, d'après des usages venus (encore une fois) d'Italie : déjà, on sert les fruits comme le melon en début de repas.
Ensuite, le nombre de plats devient plus raisonnable, comparé au Moyen-Age : gibiers, dinde bien sûr, volailles, le tout agrémentés d'herbes aromatiques et d'épices.
Souvent, on fait cuire la viande dans des croûtes. En fait, la cuisine actuelle française vient tout droit de l'époque de la Renaissance, et donc, d'Italie ! Et oui, avec la venue de Florence de Catherine de Médicis, en 1533, lors de son mariage avec Henri II...
Elle a amené avec elle ses cuisiniers, ses pâtissiers !
On a le sens du spectacle, aussi ! On sait recevoir...
Oui ! En 1539, Charles Quint se trouve en France. Le roi l'invite à Fontainebleau. Le père Daniel raconte cette fête : Charles est accueilli par un groupe de personnes déguisées en dieux et en déesses des bois.
« Il fut conduit dans le château au son des trompettes et des tambours et entrant dans la petite galerie, il y rencontra le roi et de là fut conduit au pavillon des Poêles qui lui avait été ordonné pour son logement. Le lendemain et plusieurs jours après qu'il séjourna ici, le roi lui donna tous les plaisirs qui se peuvent inventer, comme de chasses royales, de tournois, d'escarmouches, de combats à pied et à cheval, et en somme de toutes sortes de divertissements. »
Une autre grande fête, c'est le baptême de la fille d'Henri II en 1545. La fête a lieu dans la cour du château, décorée de tapisseries d'or et d'argent. Au milieu, un pavillon avec une voûte de soie bleue décorée d'étoiles dorées.
« Dans ce pavillon se dressait une pyramide de 9 étages couverte de drap d'or frisé. Le tout composait un buffet chargé de la vaisselle royale, toute d'or, et de tant de vases et diverses pièces antiques tous d'or et en si grand nombre, qu'il semblait qu'ici l'on eut rassemblé l'élite des buffets de tous les princes de l'Europe. »
C'est à la Renaissance qu'on voit apparaître les premiers manuels de « savoir-vivre », je crois...
Effectivement, les recueils de savoir-vivre se multiplient grâce à l'essor de l'imprimerie ! Ces livres viennent tous d'Italie !
On a, entre autre, le Traité de la Nature des Aliments et Traité sur la Façon de Boire, par Baldassare Pisanelli, en 1583 ; De la Sobriété et de ses Avantages, par Luigi Cornaro, en 1558 ; les Recommandations au majordome de n'importe quel prince pour diriger et administrer sa maison, de Pietro Buompigli, et un petit Français, Pierre Pidoux, qui sort en 1540 La Fleur de toute cuisine !
Mais le best-seller de l'époque, c'est un gentilhomme italien du nom de Baldassare Castiglione qui l'écrit : Le Courtisan.
Le livre fait fureur à la Cour de François ! Sinon, sur la table, deux choses à noter : la serviette, qui fait son apparition !
Chacun en a une, qu'on se noue autour du cou. Elle est faite de dentelles et de broderies très fines. Ensuite, le tranchoir, morceau de pain utilisé en guise d'assiette sur une planche de bois, qui sert depuis le Moyen-Age (le chroniqueur Froissart les appelle « tailloirs »).
Trempé par le jus de la viande, le pain pouvait être ensuite mangé. On a bien sûr en plus des petits pains tout le long du repas...
Le château de Fontainebleau : le rêve italien
Alors, racontez-nous un peu l'histoire de ce beau château ! Qui commence avant François Ier...
Fons Bleaudi, fontaine aux eaux belles, voilà le nom de Fontainebleau depuis le 12e siècle !
La légende raconte qu'un chien nommé Bleau, un jour de chasse royale, se perd dans la forêt. C'est le chien favori du roi, aussi on le cherche sans relâche !
Finalement on le retrouve près d'une fontaine en train de boire : l'endroit devient la « fontaine de Bleau »... En fait, au Moyen-Age, on trouve un rendez-vous de chasse, situé dans la plus belle foret giboyeuse de France, la foret de Bierre.
Une des seules descriptions de ce petit château se trouve dans le devis que fait faire François Ier en 1528 :
« Le château primitif était la cour ovale actuelle moins le pavillon des enfants de France d'un côté, et le pavillon du Tibre de l'autre. L'entrée était à la place même où se trouve l'entrée actuelle nommée la porte Dorée. Des fossés inondés entouraient le château. Au sud, où se trouve aujourd’hui le parterre, le terrain était en prairies ; au nord (jardin de Diane), c'étaient des jardins et une rue. »
En 1259, saint Louis, qui vient souvent ici, donne la chapelle royale et les terres aux moines de l'ordre des Mathurins : c'est ce domaine que rachète plus tard François Ier pour en faire le jardin de Diane et l'étang ! Le roi est tombé par hasard sur le domaine, alors qu'il chasse : c'est le coup de foudre...
Et voilà le temps des transformations !
Oui ! Avant sa transformation, le château primitif ressemble à une grosse forteresse avec donjon et mâchicoulis. Champollion dit sur le château : « François Ier trouva le palais de brique, il le laissa de marbre. Il renouvela toutes les constructions anciennes et en ajouta dix fois autant de nouvelles, décupla ainsi la splendeur de cette maison royale. » Michelet écrit :
« Fontainebleau est surtout un paysage d'automne, le plus original, le plus sauvage, le plus doux, le plus recueilli. C'est un dernier nid délicieux pour reposer et boire encore ce qui resterait de la vie... Ce sont surtout les blessés du cœur qui ont affectionné ce lieu. François Ier, découragé des guerres lointaines, veuf de son rêve, se fait une Italie française. Il a refait les galeries, les promenoirs élégants et bien exposés des villas lombardes qu'il ne reverra plus. Il fait sa galerie d'Ulysse. Son odyssée est finie. »
Oui, parce qu'il faut se rendre compte ! En 1526, le roi sort de prison de Madrid après un an de captivité : il a besoin de fêtes grandioses, de faste. Plus que jamais !
Il fait donc construire Chambord en 1526 (un chantier de 12 ans, avec 12 000 ouvriers), construire aussi le château de Madrid au bois de Boulogne. Mais Fontainebleau restera son château préféré. Le 28 avril 1528, on lui dresse un devis ; les travaux peuvent commencer.
Le roi nomme l'architecte Sébastien Serlio architecte de Fontainebleau et surintendant des bâtiments de la Couronne.
Au bout d'un an, les travaux du château ont bien avancé mais François le trouve trop petit ! Il décide d’acheter les terres des Mathurins : en 1529, l'achat est convenu et le couvent détruit.
On construit dessus la cour de la Fontaine et celle du Cheval Blanc : du nom de la statue de cheval en plâtre placée par Catherine de Médicis, avec ses logis qui s'élèvent de chaque côté et au fond de la cour, construits du temps de François Ier ; la cour de la Fontaine, de style Renaissance avec sa fontaine en marbre flanquée d'une statue d'Ulysse.
On construit aussi la salle de bal, avec ses 8 tableaux peints par Primatice et Nicolo del Abbate (à droite de la cheminée, le roi est représenté en Hercule et à gauche combattant un loup) ; la petite galerie dite de François Ier, la grande galerie dite d'Ulysse ; on creuse des bassins, on aménage le pavillon de Pomone, le pavillon de l'Etang, la grotte des jardins des Pins, les Pressoirs du roi, le pavillon des Poêles, le jardin des Buis.
Bon, reprenons avec les travaux du château...
Et bien, François fait appel au peintre Le Rosso pour la décoration de sa galerie dite de François Ier, avec ses fresques et ses stucs réalisés par Paolo Ponzio et Domenico del Barbiere.
Le roi lui donne une pension de 400 écus et la surintendance de la décoration.
Mais en 1533 arrive un autre Italien, Le Primatice. Le Rosso devient très jaloux de son « rival » ! Ils font pourtant partie tous les deux de l'école de Fontainebleau. Mais bon... jalousie quand tu nous tiens !
A la mort de Rosso, Le Primatice va jusqu'à détruire les décorations de son rival et les remplacer par les siennes ! Il réalise aussi les décorations de la galerie d'Ulysse et de la porte Dorée. Puis vient Benvenuto Cellini. Rebelote ! Primatice devient jaloux à son tour.
Mais la gloire tourne et Cellini retourne en Italie comme il est venu... Ah, ça, le roi aime les artistes italiens ! Après la disparition de son grand ami De Vinci, François fait aussi appel au peintre florentin Andrea del Sarto.
Saviez-vous qu'il réalise pour le château de Fontainebleau une Madone et une Charité, aujourd'hui au musée du Louvre ?
Et puis, le roi achète plusieurs tapisseries des Flandres en 1531 et fait aménager une bibliothèque à l'emplacement de l'ancienne chapelle du roi (sa décoration ne sera achevée que sous Henri IV).
Il nomme maître de sa bibliothèque Guillaume Budé, chargé de réunir les livres les plus anciens et les plus précieux. Henri IV la fera transférer à Paris, créant ainsi... la Bibliothèque Nationale !
L'essor de l'imprimerie
L'imprimerie est toute nouvelle, la nouvelle langue française se développe grâce au traité de Villers-Cotterêts... Une révolution ?
Et oui ! Michelet dit : « La presse devenait l'âme de l'humanité. De la petite rue Jean-de-Beauvais à Paris, les Estienne, les illustres imprimeurs, illuminaient le monde. »
Et François Ier, c'est LE père des lettres ! En particulier avec l'imprimerie, qui a pris tout son essor avec Gutenberg, quelques décennies auparavant.
Les imprimeurs royaux prennent toute leur l'importance avec la fondation du Collège de France en 1530, sur les conseils de l'humaniste Guillaume Budé : on l'appelle à cette époque collège des Trois-Langues car on y enseigne l'hébreu, le grec et le latin. Pour ça, il faut des livres !
On compte alors Geoffroy Tory, qui reçoit en 1530 le titre d'imprimeur du roi, puis François nomme deux nouveaux imprimeurs : Robert Estienne et Conrad Néobar.
En 1539, le roi nomme Robert Estienne imprimeur royal pour le latin et l'hébreu et en 1554, il le nomme imprimeur royal pour le grec en remplacement de Néobar.
François fonde bien sûr une petite imprimerie, qui deviendra l'illustre Imprimerie Nationale, sous l'impulsion de Richelieu et de Louis XIII !
On ne peut bien sûr pas oublier le grand Claude Garamond, graveur et fondeur de caractères : François le charge de graver les caractères d'imprimerie grecs dont Robert Estienne se servira dans ses éditions : une grande première !
Finies les lettres gothiques, voilà de belles lettres romaines, plus nettes. Le premier livre imprimé par Estienne avec les caractères de Garamond, c'est L’histoire ecclésiastique d'Eusèbe, en 1544.
Le premier ouvrage à porter la marque typographique d'un rameau d'olivier et d'un serpent ! Estienne y écrit même en préface un remerciement à François Ier, en grec !
En voilà un extrait :
« Si le divin Platon a eu raison de dire que le genre humain serait heureux quand les philosophes régneraient, ou quand les rois deviendraient philosophes, il faut s'empresser de proclamer la France réellement heureuse sous un roi tel que François Ier. »
Les manuels et les dictionnaires ont la part belle : en 1529, Tory, libraire parisien, écrit un traité sur la proportion des caractères d'imprimerie, appelé Champfleury, au quel est contenu l'Art et Science de la deue et vraie Proportion des Lettres Attiques, qu'on dit autrement Lettres Antiques, et vulgairement Lettres Romaines proportionnées selon le Corps et Visage humain...
En 1543, le roi nomme Denis Janot imprimeur royal pour la langue française. Et oui, parce qu'avec l'ordonnance de Villers-Cotterêts, François rend la langue française officielle dans les documents écrits, à la place du latin !
Le français du val de Loire et de l'Ile-de-France, en somme...
D'ailleurs, Robert Estienne publiera en 1539 un dictionnaire français, le tout premier, appelé Dictionnaire françois-latin, contenant les mots et les manières de parler françois, tournez en latin. Peu satisfait, il en publie un plus complet 10 ans plus tard (le premier compte 9 000 mots, tout de même !) puis un autre viendra en 1605, avec 13 000 mots.
Et vous savez quoi ? Estienne a beaucoup pioché d'expressions et de mots dans les œuvres de Rabelais, pour les inclure dans son dictionnaire...
Jean Clouet, peintre royal
C'est un portraitiste, pas vrai ?
Oui. Chez les Clouet, on a Jean (1480-1541) et son fils François (1520-1572), les deux plus grands portraitistes du 16e siècle.
Ils nous ont laissés de magnifiques dessins et peintures très vivants, de vraies « photos d'identité » qui nous renseigne sur la mode, les coiffures de l'époque.
C'est le musée Condé, dans le château de Chantilly, qui en conserve le plus. Ces dessins sont des portraits au crayon, réalisés sur du papier. Les modèles sont croqués de trois-quarts, avec des contours à la pierre noire et les couleurs du visage à la sanguine.
Au début, ce ne sont que des dessins préparatoires servant à l'élaboration de prestigieux tableaux.Mais les dessins sont si saisissants, si beaux, que les nobles finissent par en faire commande !
C'est surtout Catherine de Médicis qui commande ces dessins pour sa collection personnelle (elle en a environ 500 !). Les Clouet réalisent alors les portraits de la famille royale, puis des grands personnages du règne de François Ier, jusqu'à celui de Charles IX. C'est Jean qui se met au service de François Ier en 1516.
Avant, il a été embauché en tant que valet de chambre et peintre de Louis XII. Vous connaissez au moins un tableau de lui !
Si, ce portrait de François sur fond rouge, exposé au Louvre, qui se trouvait dans le cabinet du roi à Fontainebleau jusqu'au 17e siècle.
François Clouet reprend le travail à la mort de son père, réalisant les derniers portraits du roi avant sa mort : dont le dessin à la sanguine du visage de François lorsqu'il meurt à Rambouillet en 1547, en vue de la réalisation d'un masque mortuaire...
Le style Renaissance
Alors, parlez-nous du musée de la Renaissance, le château d'Ecouen...
Ecouen, c'est le château de l'ami d'enfance de François, Anne de Montmorency, et quel château ! Si vous ne deviez voir qu'un seul monument représentatif de la Renaissance en France, c'est bien Ecouen ! Qui plus est, musée national de la Renaissance...
Il conserve les décors et l'ameublement de ses appartements tels qu'on les voyait à l'époque : on a des pavements de céramique peints de couleurs très vives, car à la Renaissance on dalle les sols des pièces, avant que le parquet ne fasse son apparition au 18e siècle.
Ceux d'Ecouen datent du milieu du 16e siècle, réalisés par l'atelier rouennais de Masséot Abaquesne.
Mais alors, qui sont ces architectes de l'ère Renaissance ?
Jean Bullant, Pierre Lescot, Philibert Delorme, Jacques Androuet du Cerceau.
Les principaux châteaux Renaissance se trouvent bien sûr en Touraine. Mais ailleurs aussi on succombe à cette nouvelle mode : le château de Meillant (18), le manoir d'Ango (14), le château de Fontaine-Henry (14)...
Les gens aisés se font construire de belles maisons un peu partout : l'hôtel d'Escoville de Caen (14), l'hôtel d'Assézat de Toulouse, le palais ducal de Nevers, le palais Granvelle de Besançon (25), l'hôtel Carnavalet de Paris, l'hôtel Lallemant à Bourges (18), l'hôtel de ville de La Rochelle (17)...