Fozzano et la vendetta de Colomba : un fait divers parfait pour un célèbre roman
L'histoire vraie de Colomba
Un proverbe corse dit : il Corso non perdona mai ne vivo ne morto (« Le Corse ne pardonne jamais, dans la vie comme dans la mort. »)
Voilà une bonne introduction à la vendetta, cette tradition corse dont l'origine se perd dans la nuit des temps...
Voilà donc l'histoire de Colomba.
Allez, plantons le décor : Colomba Carabelli, épouse Bartoli (après son mariage avec Antoine Bartoli en 1796) naît à Fozzano le 7 mai 1775.
On y voit sa maison natale, la petite église qu'elle fait construire en 1834 (où elle repose) et même la maison de ses ennemis, les Durazzo.
Des familles se vouent des haines millénaires, ici...
Le roman colle en tout point à la vraie histoire, si ce n'est que Colomba a, au moment de l'affaire 58 ans, en 1833.
Ce n'est plus la jeune fille décrite par Mérimée dans son livre ! Mais on verra cela plus tard.
Les Carabelli et les Durazzo (flanqués de leurs amis les Paoli) ont toujours été ennemis.
Tout commence lorsqu'un des Paoli décide de passer dans le camp adverse.
La riposte ne se fait pas attendre. Les trois clans s'affrontent ! Embuscades, coups de feu. La situation ne fait que s'envenimer.
Jusqu'à ce que quelques mois plus tard, deux hommes de la famille Carabelli trouvent la mort.
Deux morts de trop... Colomba enrage : elle n'aspire alors qu'à la vengeance !
Pour cela, elle va dresser toute sa famille, son fils surtout, contre les Durazzo.
Un drame couve : Colomba le sent-elle au fond de son âme ? De toutes façons, plus rien ne peut arrêter une vendetta en marche...
Le 30 décembre 1833, 4 hommes tombent dans une embuscade : deux Durazzo ainsi que le jeune François Bartoli... le fils de Colomba.
L'affaire fait grand bruit en Corse, à tel point que le gouverneur de l'île flanqué de l'évêque d'Ajaccio décide de tout faire pour que cette vendetta cesse.
Dans l'église de Sartène, on signe une déclaration de paix. Mais le sang avait déjà trop coulé, alors, à quoi bon...
Colomba, elle, pousse son dernier soupir à l'âge de 86 ans.
Le prêtre lui conseille de se confesser et surtout, de pardonner !
Mais son visage se durcit... elle murmure le nom de son fils... puis ferme les yeux pour toujours.
Belle... et rebelle !
Mérimée (écrivain, oui, mais surtout inspecteur des Monuments historiques), fait un séjour en Corse en 1839.
Il y vient pour examiner les antiquités de l'île, mais... voilà qu'on lui parle d'une extraordinaire histoire de vendetta, à Fozzano.
Intrigué, il en profite pour rendre une petite visite à Colomba, alors âgée de 65 ans.
Sa fille Catherine se tient près d'elle ; on dit que Mérimée la trouve si belle, qu'il s'inspire d'elle pour son héroïne !
Sa Colomba aura la beauté (et l'âge) de Catherine et la dureté de caractère de sa mère...
Mérimée écrit dans l'une de ses lettres à son ami Requien :
« J'ai vu encore une héroïne, madame Colomba, qui excelle dans la fabrication des cartouches et qui s'entend même fort bien à les envoyer aux personnes qui ont le malheur de lui déplaire... Sa fille, héroïne elle aussi, mais de 20 ans, belle comme les amours, avec des cheveux qui tombent par terre, des lèvres de tonnerre de Dieu, et qui a l'âge de 16 ans a donné une raclée des plus soignées à un ouvrier de la faction opposée... »
On dit qu'avant de quitter la Corse, Mérimée demande la main de la belle Catherine.
Colomba refuse, parce que d'une, elle ne veut pas se séparer de sa fille, et de deux parce que Mérimée ne lui semble pas avoir une assez bonne situation...
Entre nous, la vraie raison, c'est parce que c'est un pinzuto, comme on dit... un Français, quoi !
Sources
- Gaston d'Angélis, Don Giorgi. Guide de la Corse mystérieuse. Éditions Tchou, 1968.
- Pierre Pellissier. Prosper Mérimée. Tallandier, 2014.