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Etuves, prison pour royalistes, Eugénie Grandet : l'histoire de Montreuil-Bellay en 7 anecdotes

Quand : 1025 - 1822

Vue d'ensemble | Manfred Heyde / CC-BY-SA
Château Foulques Nerra Château de Montreuil-Bellay

1 - L'origine du nom de Montreuil-Bellay

C'est Foulques Nerra, comte d’Anjou, qui fait élever le donjon primitif au 11e siècle, aujourd'hui disparu.

Nerra en fait don à l’un de ses fidèles vassaux et lieutenants : Berlay.

Berlay, Bellay... vous l'aurez compris, ce seigneur donne son nom à la ville !

Les Bellay seront seigneurs de Montreuil de 1025 à 1217.

Montreuil, lui, vient du latin monasteriolum : du fait du grand nombre de monastères et de prieurés, qui se sont développés autour de la cité et de son château, protégés et enrichis par ses seigneurs.

La collégiale du château

La collégiale du château | ©Patrick - Morio60 / Flickr / CC-BY-SA

2 - Le siège de Montreuil réussit... grâce à un tas d'ordures !

L'un des premiers seigneurs de Montreuil, Giraud II de Bellay, décide un beau jour de se révolter contre son suzerain, le comte d'Anjou Geoffroy Plantagenêt : celui-ci assiège donc son château, en 1150 !

Problème : le château passe à l’époque pour imprenable, entouré d’une triple enceinte, défendu par des rochers escarpés, côté rivière.

Mais il y a une déclivité de terrain (connu sous le nom de Val-de-Judas), très profonde, abrupte, formant un précipice du côté de la ville, empêchant les assiégeants de placer leurs machines de guerre contre les murailles.

Que faire ? À Saumur se tenait alors la foire annuelle.

Le rapport ? Geoffroy fait transférer cette foire à Montreuil, marchands, acheteurs, hop ! Tous installés sous les murs du château.

Croyez-moi ou pas, la foire brassait une telle foule, qu’en 15 jours, on avait comblé les fossés, avec des détritus de toutes sortes !

Geoffroy peut alors installer ses machines qui lancent des barils d’huile enflammée, et assiéger la forteresse.

Bellay est fait prisonnier et durement traité : à tel point que le roi de France et le pape doivent intervenir !

Montreuil-Bellay

Montreuil-Bellay | ©Lieven Smits / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

3 - Le logis tout confort des chanoines

Les seigneurs suivants, les d’Harcourt, transforment l’ancienne chapelle, entre 1472 et 1484, en belle collégiale de style gothique flamboyant.

Pour la desservir, un collège (ou assemblée de chanoines) : quelques-uns étaient logés dans le Logis des chanoines ou Petit Château, avec :

  • chambre et cheminée indépendante ;
  • au rez-de-chaussée, un cellier où chaque chanoine pouvait ranger ses provisions et bouteilles.

Ainsi, on a trouvé dans un manuscrit de l’époque ce commentaire :

« Il en est des clercs de Montreuil, qui savent plus boire, qu’écrire ou étudier » !

Ce logis abrite, devinez quoi, dans sa partie basse ? Des étuves ! Des bains chauds de vapeur, une mode tout droit venue de Byzance.

Logis des Chanoines

Logis des Chanoines | ©Patrick - Morio60 / Flickr / CC-BY-SA

4 - D'ingénieuses cuisines médiévales

La cuisine à foyer central date de la forteresse médiévale.

Elle se trouve dans un bâtiment éloigné du logis d’habitation, pour éviter les incendies.

Des traces de combustion se voient encore sur la voûte centrale : c’est là que l’on faisait rôtir des viandes, parfois des animaux entiers.

C’est à partir du 15e siècle, que l’on se met à utiliser les deux cheminées latérales.

Pour le service, une galerie reliant la cuisine au château permettait de servir les plats.

À noter qu’au centre, le tuyau central d’aération, destiné à évacuer les fumées, ressemble à ceux des cuisines de monastères : ce qui fait rapprocher les cuisines de Monteuil-Bellay à celles de l'abbaye de Fontevraud !

Cuisines de Montreuil-Bellay

Cuisines de Montreuil-Bellay | ©DCHNwam / Flickr / Public domain

5 - L'exil doré de la duchesse de Longueville

Entre 1488 et 1662 vient le règne des d’Orléans-Longueville. Le plus célèbre d’entre eux s’appelle Henri II de Longueville.

Il épouse en secondes noces Anne Geneviève de Condé… la célèbre duchesse de Longueville !

Qui, après bien des frasques pendant la Fronde, contre son roi, se retrouve punie et contrainte de s’exiler au château de Montreuil, pendant deux ans.

Elle s'entoure d'ami(e)s, parmi lesquels le duc de La Rochefoucauld et Mlle de Vertus…

Une vraie petite cour, qui l'aide « à trouver le temps court et à se désennuyer » !

Duchesse de Longueville

Duchesse de Longueville | ©Universitätsbibliothek Leipzig / Public domain

6 - Le château sert de prison pour femmes royalistes, pendant la Terreur

En 1792, les biens du dernier propriétaire du château, un La Trémoille, sont confisqués.

Le château est acheté par un sieur Glaçon, puis transformé en prison. Les troupes républicaines y enferment les femmes suspectées d’être royalistes.

Le 9 décembre 1793, on voit arriver entre 200 et 800 captives, depuis leur prison provisoire du couvent des Cordeliers, à Angers.

Garrottées et sous bonne escorte, elles entrent dans la gueule du château de Montreuil, après une marche de près de 70 km. Elles sont Angevines et Vendéennes, aristocrates, mais aussi femmes du peuple, simples paysannes...

Entassées avec de la paille pour matelas, sans couverture, du pain noir rassis, aucun linge de rechange, elles logent dans les pièces hautes du château.

Les conditions de détention sont terribles ! Les épidémies de typhus se succèdent, ne laissant que des corps sans vie : 30 victimes, en un seul jour : du 25 décembre 1793 à février 1794, 130 succombent de la maladie !

De peur que l’épidémie ne se propage, on autorise le transfert des plus valides dans d’autres prisons, à Blois ou Chartres.

Après la chute de Robespierre, on ouvre la porte de la prison de Montreuil-Bellay aux 50 survivantes, après 11 mois d’enfer.

Balzac

Balzac | ©Rijksmuseum / CC0

7 - Un propriétaire du château inspire un personnage à Balzac !

Passée la Révolution, les La Trémoille récupèrent leur château, en 1815. Oui, mais la bâtisse est dans un sale état. Il faut faire des travaux... seulement, les sous manquent !

Ils doivent vendre Montreuil en 1822 à un sieur Niveleau, commerçant à Saumur.

Il commence sa carrière comme usurier, puis rachète des biens nationaux. En 1822, devenu riche, il achète le château de Montreuil-Bellay !

André Hallays le décrit comme « un petit homme laid, malpropre, nasillard et mal vêtu », dont l’avarice maladive était connue de tous.

Niveleau réalise quelques réparations sommaires, avant de mettre les pièces en location.

Bientôt, on apprend qu’il est horriblement radin, avide d’argent, à tel point que la tradition dit que Balzac s’inspire de lui, pour créer son personnage du père d'Eugénie Grandet !

La légende raconte que Balzac a connu Niveleau à Saumur. Balzac demande la main de sa fille, Niveleau refuse... Balzac se venge !

Ce n’est en fait qu’une légende : la genèse du roman, Balzac en a l’idée à Saché, quand un soir, un ami de son hôte lui raconte l’histoire du père Niveleau. L’imagination de l’écrivain s’enflamme...

Balzac écrit en 1833 à sa sœur, à qui il a fait lire ses premiers jets :

« Je corrige Eugénie Grandet. Si tu savais ce que c’est que de pétrir des idées, de leur donner forme et couleur, tu ne serais pas si leste à la critique ! Ah, il y a trop de millions dans Eugénie Grandet ? Mais, puisque l’historie est vraie, veux-tu que je fasse mieux que la vérité ? Tu ignores comment l’argent pousse dans la main des avares... »

Sources

  • Encyclopédie Châteaux Passion. Éditions Atlas, 2001.
  • Chantal de Thuy. Montreuil-Bellay. Éditions Ouest-France. 1995.
  • Abbé Bosseboeuf. Article Excursion à Montreuil-Bellay : 7 mai 1894. Bulletin trimestriel de la Société archéologique de Touraine (tome 9).1894.
  • Émile Queruau-Lamerie. La commission Félix et les suspects du département de la Mayenne. 1885.
  • André Hallays. Touraine, Anjou et Maine : en flânant à travers la France. 1912.
  • Honoré de Balzac. Correspondance : 1819-1850. 1876.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !