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Dumas et sa dame de Monsoreau : la réalité derrière la fiction

Quand : 1578 - 1579

La Dame de Monsoreau (F.-A.B. Audibran, 19e s) | ©The Metropolitan Museum of Art / CC0
Château de la Loire Château Homicide Adultère Alexandre Dumas Château de Montsoreau

Dumas prend des libertés

Saviez-vous que le château de Montsoreau est lié à un célèbre roman historique d'Alexandre Dumas (père), La Dame de Monsoreau ?

Publié en 1846, il fait suite à La Reine Margot et précède Les Quarante-Cinq. En effet, l'action se déroule en 1578, 6 ans après le massacre de la Saint-Barthélémy, qui ouvre La Reine Margot.

Mais avez-vous remarqué comment est ortographié Montsoreau, dans le titre du roman de Dumas ? Il n'y a... pas de t !

Petite différence, déjà, entre le réel et la fiction... mais ce n'est pas tout !

Car si Dumas a fait entrer Montsoreau dans la légende, évoquant « la sombre horreur qui ressortait de la masse sévère et menaçante du château féodal se reflétant dans les eaux du fleuve », il a pris quelques libertés, avec l'Histoire telle qu'elle s'est déroulée !

Alexandre Dumas (É. Carjat, 1878)

Alexandre Dumas (É. Carjat, 1878) | ©Rijksmuseum / CC0

Intrigues et histoire d'amour

Le roman de Dumas met en scène Diane de Méridor, épouse du seigneur de Monsoreau, à l’époque des guerres de Religion.

Une des intrigues raconte l’histoire d'amour qu'elle vit avec le seigneur de Bussy d'Amboise, gentilhomme favori de François d'Anjou, le frère rebelle du roi Henri III.

Diane, d’abord amie, devient la maîtresse de Bussy d’Amboise. L'amant finit assassiné entre les quatre murs du château de Monsoreau, sur ordre du mari jaloux...

La réalité derrière la Dame de Monsoreau

Diane ou Françoise ?

Diane de Méridor s'appelle en réalité Françoise de Maridor. Ce qui la lie au vrai château de Montsoreau ? Son mari, Charles de Chambes !

Les Chambes possèdent Montsoreau depuis 1445 et le mariage de Jean II de Chambes avec Jeanne Chabot, seigneur et comte de Montsoreau.

Bien que fille d'une protestante, elle épouse en 1574 le seigneur catholique Jean de Cosmes. Un mari qui ne fait pas long feu, puisqu'il se fait tuer lors du siège de Lusignan, en Poitou.

Deuxièmes noces ! Françoise est présentée au seigneur de Montsoreau, Jean de Chambes, qui très vite, demande sa main.

Mais il meurt accidentellement... décidément ! Son frère Charles pointe le bout de sa moustache : il demande à son tour la main de Françoise. Elle lui dit oui, en 1576 !

Voilà Françoise devenue comtesse de Montsoreau, avant de se voir nommée dame d'honneur de Catherine de Médicis (ce qui ne gâche rien).

Montsoreau

Montsoreau | ©Patrick - Morio60 / Flickr / CC-BY-SA

La biche est dans les filets !

C'est cette même année, 1576, que débarque un petit nouveau, dans la véritable histoire de la dame de Montsoreau. Le nouveau gouverneur de l'Anjou, Louis de Bussy d'Amboise !

Alors qu’il parcourt sa nouvelle province, il croise les beaux yeux de Françoise.

L’a-t-il réellement séduite, comme il s'en vante ? A-t-elle succombé à la barbiche en pointe et la fraise immaculée du beau mignon ?

En tous cas, il s’en vante auprès du frère du roi, d’Alençon, dans une lettre. Ohhh, le bêta ! D’Alençon montre la lettre au roi, lequel dévoile le pli... au comte de Montsoreau !

Bussy s’y vante « de tenir dans ses filets la biche du grand veneur. » Le grand veneur, c’est un des nombreux titres de Charles de Chambes…

Montsoreau

Montsoreau | ©LPLT / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

Guet-apens fatal

Le 19 août 1579, Chambes n’a plus qu’à faire assassiner Bussy d’Amboise.

Face aux 14 soldats de la garde de Chambes, Bussy n’a aucune chance… Ses sbires, « de furie, se ruèrent sur lui pour le massacrer. »

Le mignon meurt dans les fossés du château de Montsoreau, « après qu’on lui eut passé la langue au travers la gorge pour le signaler en maquereau », rapporte Agrippa d’Aubigné !

Dans le roman, Dumas fait mourir Bussy au château de Mon(t)soreau. C’est faux ! En réalité, il agonise de ses blessures au château voisin de La Coutancière, où réside Françoise quand elle n’est pas à Montsoreau.

Bussy d'Amboise

Bussy d'Amboise | ©Hervé Lewandowski - CMN / Licence Ouverte

Ils vécurent heureux et eurent... etc !

Dans son roman, Dumas fait également mourir le comte de Monsoreau, gravement blessé lors du guet-apens… ce qui est également faux !

Dans la vraie histoire, une fois Bussy éliminé, Françoise et Charles de Chambes vivent 40 ans ensemble : 6 enfants naissent même de leur union...

Françoise meurt en 1620, Charles ne lui survit qu'une petite année.

Leur dernier fiston, René de Chambes, devient seigneur de Montsoreau en 1619 : la chronique de l'époque le décrit comme un homme violent, versé dans des activités louches de faux-monnayeur et faux-saunier.

Henri IV le condamne à mort, mais le monsieur file à l'anglaise... outre-Manche, où il meurt en 1649 !

Une pêche empoisonnée, un siècle avant !

Le château de Montsoreau avait déjà été le théâtre d'un drame, au 15e siècle...

Nicole de Chambes, alors veuve du vicomte de Thouars Louis d'Amboise, reçoit fréquemment la visite de son amant, à Montsoreau. Le propre frère du roi de France Louis XI : Charles, duc de Guyenne !

Un rustre qui avait moult fois comploté contre Louis... Est-ce pour cela que la dame et son amant agoniseront dans d'horribles souffrances, elle, le 15 décembre 1471, lui le 24 mai suivant ?

Le poison y était pour quelque chose... oui, une pêche empoisonnée qu'un abbé de Saint-Jean-d'Angély leur avait fait goûter ! C'est le chroniqueur Brantôme, qui nous le dit...

Le fruit partagé en deux, la moitié de la pêche respective avalée, « la vicomtesse mourut deux heures après ; soit qu’il y eût plus de poison dans le morceau qu’elle avala ou que sa complexion fût moins capable d’y résister que celle du duc de Guyenne, qui en fut à la vérité si dangereusement malade, que le venin lui pela la tête, lui fit tomber les ongles des pieds et des mains, et lui rétrécit tellement les nerfs par les horribles convulsions qu’il lui causa, que toutes les parties de son corps perdirent leur usage. »

Sources

  • Encyclopédie Châteaux Passion. Éditions Atlas, 2001.
  • Octave de Chavigny. Notice historique sur les anciens seigneurs de Montsoreau, du 10e au 17e siècle. 1888.
  • A. Ledru. Louis XI et Colette de Chambes. Revue historique, littéraire et archéologique de l'Anjou (tome 4), 1882.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !